OPA hostile sur "Novembre"

Une partie de la direction du FLN authentique.
Une partie de la direction du FLN authentique.

Sans trop épiloguer, le fameux adage dit que «ce qui se conçoit bien s'énonce clairement», il n’y a aucune raison de le démentir.

Bien qu’il s’agisse de commenter une initiative islamiste, le message s’adresse en premier lieux aux démocrates, héritiers et continuateurs du mouvement national moderne. Il est crucial qu’ils remettent la question nationale au cœur de leurs préoccupations. Qu’ils en saisissent la centralité. Loin des pensifs dominants, il faut se rendre compte que la question nationale n’a pas trouvé une réponse pérenne dans l’accession de l’Algérie à l’indépendance. Cette question est le point de friction entre les deux blocs. Un bloc national, attaché à l’algérianité, qui assume et porte l’Algérie comme formation historique, comme Etat-Nation. Et un autre «pana-quelque chose», qui projette l’Algérie comme province d’un empire ou d’un Khalifa. Il est vital d’accélérer la cristallisation d’un front national-démocratique capable de défendre et de préserver l’Algérie moderne. Car, s’il y a un danger, il est sur l’Etat-nation Algérie, promis dans certains desseins à disparaitre au profit d’une wilaya.

La question nationale qui, un temps, a pu paraitre comme résolue risque de resurgir dans des conditions dramatiques. Ce ne sont pas les appels à une contemplation «patriotarde» de l’œuvre libératrice des ainés qui forgera les réponses aux défis actuelles, qui en très grande partie sont liés aux échecs de la bureaucratie rentière aux commandes. Ce qu’il faut aujourd’hui c’est de renouveler notre combat libérateur et d’imaginer des réponses novatrices aux problèmes institutionnels, démocratiques, sociaux et économiques qui se sont amoncelés. Des solutions capables de pérenniser la nation, dans une dynamique de refondation et de consolidation de l’Etat. Il est urgent d’engager une sortie audacieuse de l’actuel statu quo, de définir avec courage et audace une véritable transition démocratique, vers une seconde république algérienne.

Les déclarations menaçantes à l’égard du pays, émanant des chantres du «printemps arabe», que rapporte la presse nationales, ne sont pas sans relais à l’intérieur du pays. Des manœuvres, à l’image de la surenchère islamistes sur les crimes coloniaux, sont déjà identifiables. Des partis islamistes viennent d’annoncer la constitution d’une «fondation de la mémoire», ils la dénomment «fondation du 18 février». L’objectif déclaré est de réclamer la reconnaissance par la France des crimes commis en Algérie durant la colonisation. Il est, pour le moins, saisissant que ce soit ces partis, creuset de la théorie de «la tragédie nationale» et suppôts des lois amnésiantes issues de l’accord secret AIS-DRS qui se posent en champions de la mémoire nationale. Eux qui interdisent la justice, la vérité et la mémoire à des millions d’Algériens se posent en champions de la conscience aux algériens. Quelle reconversion ! Surtout que cette démarche parait en rupture avec les traditions de ces partis issus de la mouvance intégriste. Habituellement la règle y est d’éduquer les militants à demeurer assis lorsque l’hymne national est entonné ; et de prolonger les discussions au seins des «halkat» sur l’acceptation ou le rejet du qualificatif de «Chahid» comme désignation des patriotes algériens tombés au champ d’honneur pour l’indépendance de la patrie. La vérité est que ces partis ne s’en prennent pas à «la France», ils comptent faire de la surenchère sur les crimes coloniaux pour s’attaquer au socle de la Nation algérienne ? C’est une OPA hostile qu’ils viennent de lancer sur la conscience nationale. Comment se pourrait-il qu’eux, dont l’allégeance va d’abord et surtout à leur projet d’Oumma se transforment en défenseur de l’Algérie moderne ? D’ailleurs, pas plus loin que cet été, l’un de leurs chantre, Ahmed Taleb Ibrahimi, désignait les Etats-Nations modernes issus des processus de décolonisation, comme un «de regrettables facteurs de blocage de l’unification de l’Oumma».

Quelle continuité peut-il y avoir entre ces défenseurs de l’Etat théocratique et le projet démocratique et social de Novembre ? J’entends l’outrancière rengaine maintes fois ressassée : «Le cadre des principes islamiques» ? Eh bien non, certainement pas ! Ce cadre cité dans «l’appel du 1er novembre 1954» n’avait ni l’acceptation, ni le contenu, que ces partis inscrivent aujourd’hui au cœur de leur action. Etablir un lien entre les deux est un anachronisme flagrant et un révisionnisme certain. Le contenu de cette expression est historiquement explicite et univoque. Il a été clairement explicité dans le texte de la plate-forme du congrès de la Soummam. Les chefs historiques de la guerre d’indépendance y ont défini le combat du peuple algérien comme une «révolution organisée et non une révolte anarchique, (…) une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse. C’est une marche en avant dans le sens historique de l’humanité et non un retour vers le féodalisme. C’est en fin la lutte pour la renaissance d’un Etat Algérien sous la forme d’une république démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues.». Comment cette définition pourrait-elle être accommodée à la sauce du «printemps arabe», et du projet de constitution du «VIe Khalifa » ?

Il ne faut pas se tromper, c’est là, un élément d’amorce du «printemps arabe» en Algérie. Le mode opératoire de cette attaque est semblable à celui du HIV, agent infectieux du SIDA, au sein de la cellule. Sous prétexte d’exiger «la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux», ces partis islamistes, bien plus solidaires de leurs frères du Qatar, de l’Arabie, de l’Egypte ou d’ailleurs, qu’ils ne le sont de leurs concitoyens algériens, s’insinuent au cœur de l’être collectif qu’ils rêvent d’islamiser (au sens actuel et théocratique du terme) à la source. Le «printemps arabe» dans son déroulé actuel se résume à la substitution de l’obscurantisme islamiste à l’autoritarisme nationaliste, dans le cas algérien il semble que l’objectif est aussi de récupérer le crédit et l’aura de la guerre de libération nationale ! De récupérer le «million et demi de martyrs» ! Quel butin, pour un mouvement dont l’histoire s’est toujours inscrite au service de l’impérialisme !

Le prétexte est fallacieux ; le 03 juillet 1962, la France reconnaissait l’Algérie comme Etat indépendant et souverain. Dès lors, chacun des deux Etats-Nations était libre d’avoir sa propre lecture de l’histoire, y compris de la période de la colonisation. L’Algérie, née dans et par le combat pour l’indépendance, s’est affirmée comme la négation de la domination et de la ségrégation coloniale. Il n’y a donc pas lieu d’aller chercher chez l’ancienne puissance coloniale confirmation de ce qui est un constituant majeur de son identité : la négation de l’Algérie Française. La France est tout à fait libre de ses propres perceptions et lectures historiques. Que celles-ci en viennent à la mettre en contradiction avec elle-même, à la mettre en porte à faux par rapport aux principes révolutionnaires et républicains de 1789, cela est son affaire comme Etat, Nation et société. Mais, il m’étonnerait que, sur ce plan particulièrement, cette "fondation du 18 février" s’intéresse à cet aspect des choses. Toute naïveté mise à part, la «véhémente» dénonciation de "la mission civilisatrice de la colonisation" que nos obscurantistes entendent chevaucher cachent des projets fous d’islamisation du monde, et de conquête des continents. C’est une dénonciation concurrente, aucunement alternative. Il ne faut y chercher nul attachement à un généreux projet d’égalité universelle entre les hommes et les nations, nulle promesse de fraternité dans le cadre d’une république mondiale. Non, cette dénonciation est celle d’un système concurrent à la colonisation et pas de son dépassement humaniste. Cette fondation est un élément d’une cinquième colonne, un ventre mou au cœur du front intérieur algérien.

Mohand Bakir

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Nassima Chaouech

j'adhère pleinement au point de vue de l'auteur et je le remercie pour sa contribution, j'ajoute juste que ces islamistes qui réclament la reconnaissances des crimes coloniaux, sont soit des descendants de harkis (j'en connais quelques uns) soit des menteurs qui affectent un faux attachement au mouvement nationaliste puisque le meilleur parmi eux n'a aucun membre de sa famille qui a participé même à titre de Moussabil à la guerre d’indépendance. Ces opportunistes sans envergure sont le produit de ceux ont érigé leur pouvoir depuis 62 en une véritable machine de falsification de l'histoire qui magnifié (les vendus et les planqués des frontières) et relégué aux oubliettes (les nationaliste de la première heure)

De cette fondation ils veulent tirer profit et s’en servir comme un fonds de commerce après avoir perdu toutes leur popularité et surtout leur crédibilités, ils sont très connus ces frustrés d'islamistes, ils sont prêts de marcher sur leur ventre pour baiser la main d'un français en échange d'un séjour en France, c'est le cas du fils du charlatan Bouguerra Soltani qui a séjourné avec sa femme en France pendant les derniers mois avant l'accouchement pour pouvoir faire bénéficier son nouveau né de la nationalité française, c'est le cas de la fille de ce même Bouguerra qui a été filmée tout récemment en dos-nu et outrageusement maquillée dans une fête de mariage d'un des grands barons de la contrebande dans une petite ville de l'Est algérien, je me demande quel lien peuvent avoir ces bédouins de la préhistoire Bougerra soltani, Jaballah ou fatah Rebai..... avec l'algérianité de l'Algérie et les valeurs du premier novembre? pour oser revendiquer la repentance. des crimes coloniaux.