Identité nationale : le triptyque qui fausse le tout démocratique

Ben Bella et Boumediene ont organisé et planifié l'usurpation identitaire algérienne.
Ben Bella et Boumediene ont organisé et planifié l'usurpation identitaire algérienne.

Le triptyque qui définit actuellement l’identité algérienne est-il vraiment rassembleur et juste ? Des Algériens qui ne se reconnaissent pas musulmans, ne sont-ils pas, de fait, exclus ? La vision culturaliste qui fonde l’identité sur des déterminants culturels, tel que la langue et la religion, constitue-t-elle un élément identitaire évident ?

La notion de l’identité nationale qui renvoie plus à un sentiment, n’est pas, de ce fait, clairement définie. Elle demeure une expression sémantiquement floue qui englobe des points communs qu’on suppose partagés par l’ensemble des Algériens. Or ces points communs sont l’œuvre d’un Etat géré par une caste illégitime et contestée. A l’indépendance, le sort de l’identité nationale fut unilatéralement scellé par le clan d’Oujda. Personne ne peut oublier le fameux "nous sommes des Arabes" de Ben Bella, prononcé en 1962. Pis, en 1963, ce pouvoir inféodé aux puissances de l’Orient particulièrement à l’Egypte de Nasser, affirmait par la voix du rapporteur du Code de la nationalité que "l’islam est le noyau sociologique de la nation algérienne".

Ainsi, plusieurs non musulmans, pourtant combattants affirmés de l’indépendance, se voyaient non Algériens et ensuite, ils furent déchus de leur nationalité. En réalité, cette vision de communautariste fut entretenue, bien que le communautarisme existât avant 1830, par la France colonialiste qui traitait les colonisés de musulmans et non d’Algériens. Cette vision réductrice avait poussé les Algériens à se voir une communauté de croyants musulmans, agressée par une nation chrétienne. Mais cette conception communautariste de l’identité se renforça et devint hégémonique avec l’islamisme politique toléré par un pouvoir calculateur qui d’ailleurs l’appuya, en 1984 à travers notamment le code le la famille.

Les errements identitaires dans cette période post-indépendance, sont multiples. En 1974,1975, il fut, par exemple, interdit à l’état civil d’enregistrer les prénoms autres que les prénoms musulmans. En 1976, l’arabisation de l’enseignement avec un dosage idéologique, fut retenue à travers l’ordonnance du 16 avril de la même année, où est définie la mission du système éducatif s’inscrivant dans le cadre des valeurs arabo-islamiques et de la conscience socialiste. Encore en 1976, la charte nationale, un texte fondamental de la nation, fut adoptée le 27 juin. Le document définissait l’Algérie comme une partie intégrante de la nation arabe. Ainsi, des pans entiers de la société algérienne furent exclus. Pis, ils furent frappés par un totalitarisme les obligeant à accepter cette vision autoritariste de l’identité nationale.

Hégémonique, la notion d’identité nationale est frappée d’opprobre et de déshonneur, parce qu’elle a servi d’alibi à un pouvoir personnel et dictatorial. Car, aussi, en constituant une invention maligne d’une secte sans foi ni loi, elle a causé l’exile et l’élimination physique de plusieurs algériens, notamment les opposants. Le désir de vivre ensemble ne reposait plus sur un certain nombre de valeurs communes à l’ensemble des Algériens et commençaient alors à ne plus acquérir leur l’adhésion totale. Des résistances à ces points supposés communs, s’élevèrent. Un long combat pour l’identité amazigh s’engagea dés lors. Du printemps amazigh en 1980, au boycott scolaire de 1994-1995 et enfin, aux événements tragiques du printemps noir de 2001, l’identité amazigh millénaire fut intégrée dans la notion d’identité nationale. Néanmoins partiellement, car tacitement, elle toujours combattu pas les officiels algériens.

Mais, même en intégrant cet élément amazigh, la notion de l’algérianité demeure tronquée. En effet, elle est mutilée par ces pratiques maffieuses qui caractérisent le système de non gouvernance qui a usurpé le pouvoir depuis 50 ans. Elle est handicapée par ces articles de la constitution qui stipulent que l’arabe est la langue nationale et officielle et que l’islam est la religion de l’Etat. Ou encore cet article qui précise que le postulant à la magistrature suprême doit d’être de confession musulmane. Ainsi, il est tout à fait exclu qu’un algérien non musulman aux compétences avérées et à l’intégrité exemplaire de postuler au poste de président.

Elle est encore mutilée par cette dislocation de la société algérienne qui inverse les valeurs et se débarrasse des principes. Les algériens se désolidarisent même quand ils parlent la même langue ou quant ils appartiennent à la même communauté religieuse. L’homme n’est pas valorisé et sa vie n’est pas respectée. Chacun se considère meilleur et méprise les autres. En voiture, chaque se croit meilleur conducteur tandis que les autres sont tous mauvais. Au marché ou chez l’épicier, chaque veut être le premier servi, même en étant le dernier arrivé. Aux établissements publics, chacun fait valoir ses connaissances pour bénéficier d’un service refusé aux autres. Sans oublier la fameuse expression « tu ne sais pas qui je suis, ou à qui tu as affaire » utilisée par certains quand ils sont pris en flagrant délit.

L’incivisme est maladif avec des effets pervers qui éloignent les Algériens les uns des autres. Ainsi, le vouloir vivre ensemble n’est plus désiré. Chacun se fraye un chemin en solitaire et se désengage de la solidarité générale qui constitue le socle bâtisseur de la nation. La corruption généralisée aussi, constitue un handicap du moment qu’elle aura permis à des prédateurs de s’emparer de la rente, pour exhiber un confort matériel provoquant. Les errements politiques sont également un coup dur parce que l’acte politique est aujourd’hui perverti, et les partis ne constituent plus des rassemblements de transmissions des valeurs communes.

Devant un tel tableau, sombre et sans éclat, le sentiment national est brisé. En effet, peut-on être fières, quand on sait que la nation est classée parmi les plus corrompues au monde ? Peut-on être dignes, quand on sait que la nation est figée et sans perspective d’avenir ? Est-il concevable d’exhiber l’orgueil national quand on sait que des prédateurs, des affamés et des voraces, se partagent la rente pétrolière sans qu’ils soient inquiétés ou jugés ? Comment encore vanter une sublimité, quand on sait que les Algériens se sont entretués faisant des milliers de morts ? Peut-on réclamer une hauteur, quand on sait que les visions stratégiques de la nation sont aveugles ?

Car, en effet, le sentiment national se réfère à des réalisations concrètes dans la vie de tous les jours. Il ne peut pas se limiter uniquement à des dimensions linguistiques, religieuses ou ethniques. Il engobe, en plus de ces dimensions, notamment en ces moments de modernité et de haute technologie, d’autres paramètres liés plus aux pratiques sociales, au mode de gouvernance, à l’ouverture sur autrui et à l’universalité. L'existence d'une nation est un plébiscite de tous les jours comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de la vie. Elle est le résultat de la volonté générale qui vise à instaurer un projet politique qui évolue. Donc, la notion d’identité nationale n’est pas figée ni statique, elle doit être dynamique et évolutive.

La notion d’identité nationale doit impérativement surpasser la vision culturaliste réductrice d’aujourd’hui. Le sentiment d’identité est intime à chaque personne, et dépend de la manière dont s’effectue, chez cette personne, l’intériorisation des repères identitaires que représentent les points communs, tel que la langue parlée ou écrite, les échanges économiques, les pratiques sociales diverses, la symbolique locale, communautaire ou d’Etat, la culture, la musique, la cuisine, l’histoire…

La vision doit être séculière n’excluant guère les algériens d’origine européenne ou autre, et ceux qui sont chrétiens, juifs ou autres. L’identité nationale doit aussi constituer un contrat politique basé sur le désir de vivre ensemble dans l’égalité et la diversité, peu importe la religion que l’on pratique, la langue qu’on parle, l’origine dont l’on est descendant. L’essentiel c’est la solidarité générale qu’affiche l’ensemble des algériens pour bâtir une nation véritablement démocratique avec bien évidement des lois justes, équitables, conformes et appropriés garantissant à chacun sans distinction de langue, de religion et de race de se sentir algérien à part entière.

Mais cette nouvelle conception ne peut être réalisée avec ce système obsolète qui ne porte pas de projet politique véritablement démocratique. Pis, lui, il renforce cette vision sectaire et réductrice pour se perpétuer. Et d’ailleurs, il ne réussit, pendant 50 ans que dans la division des Algériens surtout sur leur identité. Pourtant, certains, qu’on avait stigmatisés de berbéristes, proposaient déjà en 1949, une vision séculière, démocratique et laïque en prônant l’édification de l’Algérie algérienne. Donc, l’Algérie ne peut être algérienne qu’après le départ de la caste usurpatrice.

Zoubir Zerarga

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Commentaires (14) | Réagir ?

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amazigh zouvaligh

Le problème crucial de l’Algérie est celui de l'Identité, quand le pays retrouvera sa véritable identité plusieurs fois millénaire dont le substratum est le berbère et qu'on cessera de lui coller les archaïsmes bédouins de la péninsule arabique lointaine, ce jour là, tous les problèmes du pays se régleront d'eux même!le reste n'est que du baratin!

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djamel rami

Cette photos de deux imposteurs bien planqués pendant la guerre qui ont confisqué l'indépendance et volé la victoire aux véritables combattants de l'intérieur et aux martyrs ne doivent certainement pas etre au ¨Paradis.

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