L’éradication du marché de l’informel ou le mythe de Sisyphe

Le commerce de pétard est un test pour voir l'efficacité des mesures gouvernementales.
Le commerce de pétard est un test pour voir l'efficacité des mesures gouvernementales.

L’opinion publique nationale ouvre les yeux et tend surtout l’oreille, dans l’attente de l’avènement du 24 janvier 2013, date de la célébration du Mawlid En Nabaoui Echarif avec ce questionnement récurrent : allons- nous célébrer, cette fois ci, cette fête religieuse avec ou sans produits pyrotechniques. Attendons donc pour voir.

C’est en effet un test majeur, révélateur de la volonté des pouvoirs publics d’éradiquer le marché informel. En la matière, pétards et autres produits pyrotechniques qui en sont la panacée, commencent à faire leur apparition, ça et là, sous les portes cochères. Ce business florissant et même tonitruant dirais-je, est tenu par un lobby qui ne s’est pas laissé compter, disons-le jusqu’à fin 2012.

Nous sommes en 2013. Ira-t-on encore jusqu’à tergiverser, temporiser, voire redéployer les besogneux du commerce des pétards, dans par exemple "des espaces commerciaux ouverts", nature du produit oblige. Car ces gus ne se laisseront plus "déposséder" de leurs marchandises, confisquées dans un premier temps, puis restituées. 

Cela c’est produit dans certains quartiers populaires d’Alger l’année passée , à la même époque du Mawlid En Nabaoui Echarif. L’heure était alors à l’apaisement, mais aujourd’hui, les pouvoirs publics ont amorcé une opération d’envergure concernant le redéploiement de tous les marchés informels, y compris bien sûr ceux relatifs à l’écoulement des produits pyrotechniques. Ils ont même engagé leur joker dans cette affaire de redéploiement des marchés informels, sans pour autant prendre en compte certains impacts négatifs, qui ne seront pas sans conséquence sur l’économie nationale.

En premier lieu, l’activité exercée par les jeunes vendeurs issus du commerce informel qui est contenue globalement dans la bibeloterie de bas de gamme, de la revente en état du textile bon marché, importé de Chine, de Turquie et d’Espagne et des cosmétiques aussi variés qu’avariés. Ensuite, la nocivité de ce type de marchandises et les effets pervers induits :

- sur la santé publique, comme les produits de beauté contrefaits ou encore les chaussures chinoises,

- sur l’économie nationale, par l’introduction des textiles étrangers concurrençant les produits du secteur national nonobstant les appels au «protectionnisme» lancés par Hamiani et Sidi Saïd.

- sur la fiabilité du contrôle, au regard de la contrefaçon qui s’est installée durablement dans notre pays.

Ce commerce informel, maintenant toléré et légalisé car "redéployé", fleurit d’Alger à Tébessa en passant par Tlemcen jusqu’à Tamanrasset (?? ????? ??? ????? comme dirait l’autre) et s’expose dans des locaux démunis, vous le remarquerez, de toute enseigne particulière :

Et nos commerçants en herbe, proposent, à l’envi, la même marchandise, contenue dans : 

• Les ridicules jeans "taille basse" qui ne mettent pas du tout en valeur nos petites jeunes filles.

• Les manteaux de "furure" d’un goût plus que douteux.

• Les fameux "pontacool" tirant du rideau de cuisine.

• Les parfums "Dolce Dergana".

Plus sérieusement, il faut se rendre à l’évidence, la filière de l’informel prolifère et coule des jours heureux, compte-tenu des nouvelles perspectives ouvertes par le ministère du commerce qui envisage selon ce qui a été rapporté par El Watan du 06 janvier 2013 :

- La cession de tous les locaux réalisés dans le cadre des programmes de logements publics notamment AADL et sociaux participatifs, au profit des collectivités locales, afin de les mettre à la disposition des jeunes désirant exercer une activité … et ce dans le cadre du plan lancé par le secteur fin août 2012, pour éradiquer le marché informel.

- Le lancement de 250 nouvelles structures commerciales et la réalisation de 150 en perspective.

- L’intégration de 10.000 jeunes dans les marchés et l’inscription de prés de 40.000 autres pour l’exercice de l’activité commerciale, en toute légalité.

- L’exploitation des places publiques pour créer «temporairement» des espaces commerciaux couverts.

- L’inscription d’une enveloppe de 10 milliards de dinars pour la réalisation des structures d’accueil des marchands ambulants. 

Au demeurant, ces efforts des pouvoirs publics et à leur tête le ministère du commerce, sont louables à plus d’un titre, notamment dans ce qu’ils comportent comme volonté du gouvernement en matière de prise en charge des problèmes des jeunes.

Mais si l’on se réfère à ce que j’ai essayé de démontrer supra, et les dommages collatéraux induits sur l’économie nationale par ce type de commerce hybride, qui n’apporte aucune plus value, force est d’admettre qu’il faut, maintenant et plus sérieusement, aller vers d’autres pistes de prise en charge de nos jeunes, en ayant à l’esprit le fameux proverbe asiatique «ne me donne pas de poisson, apprends-moi plutôt à le pêcher». Parmi ces quelques pistes, non exhaustives bien sûr, retenons : 

• L’information émanant du Président de le fédération des artisans de l’UGCAA, M. Yaici Réda qui, lors d’un point de presse a affirmé qu’un promoteur est disposé a recruter immédiatement 500 jeunes à des postes de plâtrier, vitrier, électricien et autres métiers liés au bâtiment et à la construction.

• L’autre information émanant du même responsable qui affirme que sa fédération s’est engagée dans «un programme de formation des vendeurs ambulants», des jeunes sans emploi, âgés de moins de 16ans ou ayant purgé des peines de prison ; cette formation permettra aux apprenants de s’initier aux 372 métiers pratiqués actuellement dans le domaine de l’artisanat ; outre une assurance sociale, un présalaire et un suivi régulier, ces jeunes auront un diplôme d’Etat.

• Les véhicules-ateliers acquis grâce au micro-crédit, qui ont permis à des jeunes professionnels de faire étalage de leur art et d’en tirer des revenus plus que substantiels 

• La mise en valeur des terres agricoles dans le sud notamment.

• La récupération et le traitement des déchets.

• L’enlèvement des ordures ménagères.

• Et d’autres créneaux aussi porteurs qu’utiles. 

Tout ceci pour dire, amis lecteurs, que d’autres voies sont possibles en matière de prise en charge de nos jeunes qui n’ont pas tous forcément "la bosse du commerce" mais qui risquent pour un grand nombre d’entre eux de la contracter et de répondre massivement à «l’appel d’air » du ministère du commerce et de "l’effet papillon" induit par ses mesures. 

Pour être encore plus explicite, je vais vous livrer encore une dernière information pour la route et elle est de taille car émanant de monsieur le Wali d’Alger qui affirme : La Wilaya d’Alger qui compte 13.000 artisans, tous métiers confondus, ne dispose que de 3 dinandiers … et le métier de boulanger, comme nous l’avons souvent constaté à nos dépends, les jours de fête, est menacé notamment dans les grandes villes. En la matière, il ne faut pas se rater. En conclusion, pour en finir avec ce sujet, qu’il me soit permis de formuler une exigence et un espoir :

- L’exigence d’abord, celle qui concerne "l’opération de réalisation des 100 locaux par commune" telle que décidée par le Président de République, en matière de respect de "l’affectation grevée" au profit des jeunes réellement porteurs de "projets économiques" ou pour "l’exercice de professions libérales".

- L’espoir ensuite que le règlement de cette question du commerce informel, n’emprunte le parcours du fameux rocher de Sisyphe, qui m’a servi de titre pour cette contribution et nous ramène au point de départ.

En tout état de cause, je garde l’espoir de fêter dignement et surtout spirituellement, le Mawlid En Nabaoui Echarif, d’autant plus que les pouvoirs publics ont engagé, solennellement, leur joker dans l’éradication du marché informel, ou qu’il soit et quoi qu’il commercialise.

Cherif Ali

Plus d'articles de : Opinion

Commentaires (0) | Réagir ?