L’esprit des lettres

L’esprit des lettres

En décidant de boycotter le salon du livre de Paris, qui honore Israël, les écrivains et éditeurs algériens ont pris leur responsabilité. Nul ne leur en a fait injonction, hormis le devoir de conscience qui les amène à se démarquer d’une célébration d’Israël qui est en même temps un déni des Palestiniens. Les Algériens ne sont pas seuls dans ce cas de figure, puisque leurs homologues marocains, tunisiens et libanais ont également décidé de boycotter le salon du livre de Paris. Ils ne pouvaient, d’ailleurs, pas faire moins que des intellectuels israéliens qui ont refusé de prendre part à cette manifestation qui fait pourtant l’exégèse de l’Etat hébreu. Chacun pourtant est libre de vouloir y aller, et c’est le cas de rares écrivains algériens qui, comme Boualem Sansal et Maissa Bey, ont affirmé leur détermination à participer. Cette dernière a pu arguer, dans une déclaration à un quotidien français, qu’elle y allait en tant qu’écrivain et non pas comme citoyenne algérienne, s’étonnant au passage de la confusion entre l’un et l’autre. La nuance peut, en effet, être faite et chacun peut y adhérer si elle était invoquée, cette fois, que pour légitimer une présence à un salon du livre qui fête les 60 ans d’un Etat qui, aujourd’hui, tue des nourrissons palestiniens dans leur berceau. Aucune pensée généreuse ne peut dédouaner Israël de semblables crimes : le sang des victimes tombées quotidiennement à Ghaza éclabousse plus que symboliquement le salon parisien du livre. Même en occultant sa citoyenneté, un écrivain — quel qu’il soit — ne peut pas détourner les yeux du spectacle de la tragédie palestinienne et choisir la commodité d’une cécité de circonstance. Le philosophe Jean-Paul Sartre s’était déclaré prêt à prendre les armes pour aider à la libération du peuple algérien : sa citoyenneté française n’en était pas pour autant dissoute. Le refus de la chaise vide peut se comprendre, mais ce n’est pas le salon du livre de Paris qui va infléchir le sort du durable conflit israélo-palestinien. Les organisateurs de la manifestation sont, par contre, comptables d’un évident parti pris en privilégiant Israël au détriment de la Palestine. Aller au salon de Paris dans de telles conditions, et même à titre individuel, en avançant toutes les justifications, équivaut à valider le plus fort contre le plus faible. Honorer Israël, comme le fait le salon de Paris, équivaut à accorder une prime à la force brutale, et cela implique une atteinte à la morale que même des écrivains israéliens ont nettement perçue. Mais il faut donner acte à Madame Maissa Bey, dont le talent personnel se suffit à lui-même, que l’écrivain peut ne pas être un citoyen de son pays. Oui, parce qu’il est aussi un citoyen du monde et que cette qualité l’oblige à une lucidité supérieure qui transcende le commun des mortels. La plus élémentaire des règles de solidarité, au moment où des dizaines de Palestiniens meurent violemment, de ne pas donner des gages à un Etat qui, de surcroît, les tue en toute impunité. Le reste pourrait être — si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes — de la littérature.

Amine Lotfi ( El Watan)

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Commentaires (2) | Réagir ?

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abdelaziz kalédo

Je ne comprends pas la publicité faite pour "Israël Immobilier Maisons De Luxe À Israël Trouvez votre maison de rêve!" sur une page du Matin!!?? Ce serait intéressant d'acquérir une maison à Israël, une qui soit bâtie sur les ruines d'une maison d'un palestinien!

Ce placard publicitaire me donne la nausée, bravo le Matin pour cette merde!!!

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rachid rachid

Pour remercier Maissa Bey pour sa participation au Salon du livre, le Centre Culturel Algérien la reçoit le 12 mars.

Tout les moyens son bons pour ramasser les pièces même entâchées de sangs des bébés Palestiniens, c'est vraiment bas, mesquin et monstrueux comme attitude.