La démocratie est-elle concevable dans le monde musulman ? 3. Pourquoi il faut envier les Israéliens

La démocratie est-elle concevable dans le monde musulman ? 3.  Pourquoi il faut envier les Israéliens

Alors que les régimes arabes se servent de l’état de guerre pour imposer la dictature, constate un journaliste palestinien de Nazareth, la démocratie israélienne survit aux conflits et à tous les scandales de corruption.

Photo : Gila Svirsky, leader du mouvement pacifiste israélien

Chaque année, à l’occasion du nouvel an juif, les journaux israéliens font le bilan politique, économique et sécuritaire des douze mois passés. Qu’ils soient de droite, de gauche ou indépendants, ils s’accordent sur la bonne situation économique. Plus de 1 million de personnes, certes, vivent au-dessous du seuil de pauvreté (dont un enfant sur trois), mais le chômage a reculé, le produit national brut a progressé et l’industrie israélienne a augmenté ses exportations, y compris vers le monde arabe. Vous avez bien lu : Israël exporte vers le monde arabe, pour une valeur de 8 milliards de dollars par an [5,7 milliards d’euros ], selon les statistiques officielles.

Sur le plan politique, l’année fut agitée : le président Moshe Katzav a démissionné à la suite de son inculpation pour harcèlement sexuel ; le ministre de la Défense, Amir Peretz, le chef d’état-major, Dan Haloutz, et un grand nombre d’autres hauts responsables militaires ont démissionné [à la suite des échecs de la guerre au Sud-Liban, en août 2006]. Selon toute probabilité, ce seront Benyamin Nétanyahou, du Likoud, et Ehoud Barak, du Parti travailliste, qui s’affronteront aux prochaines élections.

Car il y a des élections en Israël. Ce pays qui est en état de guerre permanente avec les pays arabes depuis sa création, en 1948, qui est en état de guerre avec le Hamas dans la bande de Gaza, qui a mené la guerre contre le Hezbollah et qui est en situation de tensions permanentes avec la Syrie, ce pays n’en est pas moins une démocratie, avec le multipartisme, un véritable Parlement, une presse libre de critiquer le gouvernement et une justice qui enquête sur le Premier ministre dans le cadre de soupçons de corruption. La corruption existe dans tous les pays, mais, dans les pays démocratiques, personne n’est au-dessus des lois, et la presse mobilise l’opinion publique contre les dérives des puissants.

Pendant ce temps, les pays arabes brandissent “l’unité nationale face à l’ennemi sioniste” pour justifier la répression du pluralisme et de la liberté d’expression. Pas un seul scandale n’y est révélé puisque leurs régimes omnipotents traitent les citoyens comme des otages et se servent de la presse pour cacher leurs travers. Récemment encore, plusieurs journalistes égyptiens ont été condamnés à un an de prison pour avoir émis des doutes sur l’état de santé du président Moubarak.

Nous le disons à regret : alors que la démocratie israélienne – malgré ses tares – est une source de puissance, les dictatures confessionnelles et tribales du monde arabe sont une source de faiblesse. Depuis des décennies, les Arabes n’ont pas droit à la parole pour critiquer ou simplement s’interroger sur l’état réel de leurs pays. Parallèlement, toute tentative de rendre compte de la réalité israélienne est considérée comme l’apologie de l’ennemi sioniste. Nous, Arabes israéliens, nous sommes les plus fervents opposants à la politique israélienne, mais nous voudrions dire ceci : la dictature est un facteur de faiblesse parce qu’elle ne mobilise pas la population et ne favorise pas la croissance économique. Il est absurde d’accuser celui qui critique les dictatures arabes de ne pas être patriote. Nos régimes sont des loups pour leurs propres peuples, mais des agneaux pour l’Occident en général et pour les Américains en particulier.


Salem Jubran

An Nahar-

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Commentaires (6) | Réagir ?

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elmenfi

azlugawa (9 octobre, 2007 a 13:18) commence sa reflexion ainsi écrit:

« Evidement vu des Amériques, ? »

Il me semble, Monsieur, qu?en repondant de cette maniere a une personne qui dit vivre en Amerique, procede des memes techniques d?exclusion qui ont mine la societe algerienne.

Je vis moi meme en Algerie, dans un quartier de cette peripherie qui fait partie de mon quotidien, et je ne suis absolument pas derange par des avis qui viennent de partout. Bien au contraire. Cela permet d?avoir de nouveaux axes qui eclairent notre regard.

Cet ostracisme (je l'espere involontaire) manifesté a l'encontre d?un citoyen algerien qui vit outre mer, confirme des clivages qui ont la vie dure et au point de s?etre banalises.

Les groupes de « l'interieur » contre ceux de « l'exterieur », les kabyles et les arabes, les musulmans et les non musulmans, les femmes et les hommes, la langue arabe et le tamazight, les ?nationalistes et les ?hizb franssa??

Cela depasse, et de loin, la simple question de l'islamisme. Ce rejet des autres cache un desarroi inavouable mais surtout insupportable.

Vos references a St Augustin, au Coran devraient vous encourager a partir a l'assaut de Bastilles que l'on juge inaccessibles.

En considerant que « le regard d?Amerique est condescendant », vous jetez en meme temps un regard de mepris.

Ceci est nettement exprimé dans votre derniere remarque : « Mais le General ne suit il pas les opérations de loin? » Qui est donc ce General que tout le monde considere comme etant paradoxalement AU C?UR du probleme. ?

Cordialement

elMenfi

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Larbi Chelabi

azlugawa

Votre réponse est troublante et elle ne peut s?expliquer que par ce système d?auto-défense que les algériens développent dès lors que quelqu?un pose un regard différent sur une société travaillée au corps par toutes sortes d?intégrismes qu?ils soient religieux ou pseudo-laic. Mon propos n?est ni hautain, ni condescendant. Il dit en substance que ce pays appartient à tous et que seul le respect de tous est garant d?une paix sociale durable. On ne peut pas accepter l'argument selon lequel les comportements excessifs doivent être tolérés car ils sont l'émanation d?une rage imcompressible. Nous sommes en pleine déconfiture et nous cherchons les moyens de vivre en sécurité. Alors commençons par l'essentiel c?est à dire par écouter l'autre, ce qu?il a à dire, donner son propre point de vue et essayer d?arriver à un compromis. Vous voyez, je ne parle pas de consensus car la démocratie est un ensemble de compromis c?est pour cela qu?on dit d?elle qu?elle est le moins mauvais des systèmes politiques connus à ce jour.

Contrairement à ce que vous dites, je vis dans un pays lointain mais cela ne fait pas de moi à algérien à part. J?ai le droit à mon opinion, y compris quand elle va à contresens des positions dominantes. Ce n?est pas de l'arrogance mais une invitation à ceux et celles qui ont des choses intéréssantes à dire à prendre la parole car pour l'instant il y a plus de bruit que d?intelligence qui circule dans ce forum. Pour le reste, que je vive dans la périphérie du pays d?acceuil comme vous l'insinuez ou que la nécessité m?ait poussé vers d?autres rivages plus cléments, ceci est personnel si vous le permettez. Cela ne m?empêche pas de vous pardonner, car semble t-il dans notre pays il faut savoir comprendre les gens quand ils perdent le Nord

Salutations

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