L’Algérie et la nostalgie coloniale

L'Etat algérien n’a jamais entrepris sa décolonisation culturelle et spirituelle
L'Etat algérien n’a jamais entrepris sa décolonisation culturelle et spirituelle

Nous avons tendance à croire que la nostalgie de l’époque coloniale n’est vivace que dans les cœurs et les regards des anciens colons qui, partis précipitamment en 1962, avaient perdu leurs pouvoirs, leur pays natal, leurs biens, leurs terres, leurs esclaves et leurs Fatmas de service !

Nous découvrons après 50 ans d’indépendance que, de ce côté-ci de la Méditerranée, les nostalgiques de l’ordre colonial sont nombreux, et là où nous ne les soupçonnions guère. La ferveur officielle avec laquelle fut reçu le président français nous renseigne sur la résurgence de l’esprit du colonisé !

Si, après plus d’un siècle de résistance à la barbarie coloniale et après huit années de guerre sanglante, le peuple algérien avait réussi au prix fort à se débarrasser du joug de la quatrième puissance militaire mondiale, l’Etat algérien n’a jamais entrepris sa décolonisation culturelle et spirituelle. Les pouvoirs officiels algériens donnent l’image d’héritiers capricieux, incapables de gérer l’héritage que leur a laissé l’ancienne puissance coloniale. Ils rappellent de façon récurrente cette dernière pour leur refaire la leçon de choses, leur montrer encore une fois le mode d’emploi de la gouvernance ordinaire.

La gestion du plus grand pays d’Afrique sur le modèle colonial jacobin n’est pas chose aisée. Jusqu’à quand et comment une dictature peut-elle perdurer sans l’aide de l’Occident ? Ayant acheté la paix sociale grâce à une manne pétrolière providentielle et miraculeusement échappé à la tourmente "des printemps arabes", le régime d’Alger survit avec la hantise d’un tsunami populaire imprévu, sachant la société algérienne grosse d’une révolution contenue, reportée mais inéluctable. Les tenants du pouvoir algérien ont compris que le règne de la rente pétrolière ne peut être éternel, ils entreprennent de rééquilibrer leur hégémonie par la création d’une économie créatrice de richesses, de valeurs ajoutées matérielles et immatérielles, système dans lequel ils garderont l’initiative et les rênes de la conduite. Le retour au nationalisme économique de Boumediene malgré l’émergence d’une bourgeoisie compradore au poids politique avéré dans les institutions et les rouages de la haute finance nécessite le savoir-faire extérieur, celui de la France est incontournable !

La France peut-elle apporter une aide à la démocratisation de l’Algérie ?

Quand nous regardons vers l’Occident à partir de nos contrées sous-développées, nous voyons deux entités symbiotiques que nous aurions aimé séparer. La société civile occidentale avec ses valeurs humanistes, sa culture de libertés et ses exigences démocratiques qui constituent notre rêve, notre idéal, notre projet de société ! A ses cotés, évolue cet Occident néocolonialiste avec ses armes terrifiantes qu’il vend en fournées illimités aux dictateurs criminels pour qu’ils matent leurs populations, les maintenant dans des conditions de survie inhumaines, cet Occident et ses multinationales voraces qui détruisent la planète au nom du profit, s’enrichissent sur le dos des peuples opprimés par des dictatures barbares qu’il nourrit et protège !

L’Algérie n’échappe pas à ce mouvement d’entretien des dictatures dont le rôle est de reproduire les hégémonies économiques et politiques des multinationales et des grandes puissances. Dans cette dialectique structurante des dictatures des pays sous-développés et reproductrice des mêmes suprématies économiques et politiques mondialistes, c’est souvent la dictature aux abois qui a la nostalgie des l’ère coloniale !

Aujourd’hui, nous entendons un double appel de l’Algérie vers la France. Le peuple algérien opprimé dessaisi de l’initiative historique, de ses savoir-faire, de ses savoir-vivre, réduit à un amas précaire de chômeurs, d’assistés déculturés par une arabisation moyenâgeuse et une islamisation au contenu barbare, appelle la société civile française, cet Occident humaniste, cultivé respectueux des diversités, défenseur des droits et des libertés, à l’aider dans ses luttes contre l’oppression interne, pour sa délivrance par l’émancipation et le développement.

De son côté, le pouvoir d’Alger, vivant de la rente pétrolière, se reproduisant par la corruption et la fraude électorale appelle l’autre Occident, celui de l’injustice, du néocolonialisme, de l’accaparement des richesses des peuples, l’Occident surarmé, celui des multinationales voraces, à venir l’aider dans sa mue, sa reproduction, son passage vers une autre forme de gouvernance. Pour se maintenir, il est prêt à partager ses rentes, non pas avec son peuple, mais avec les tenants du pouvoir et des richesses dans l’ancienne puissance coloniale.

Nous avons entendu François Hollande dire ses vérités sur l’ordre colonial, on en attendait pas plus. Plus surprenante est l’approbation silencieuse des vieux caciques du parti unique qui n’avaient cessé de lancer des années durant leurs cris d’orfraie, qui reconnaissent à demi-mot les "bienfaits de la colonisation" !

Si la droite française, à l’aise dans la militarisation des régimes des anciennes colonies, la formation et la reproduction des systèmes dictatoriaux, l’intervention militaire directe pour sauver ses intérêts dans ses anciennes colonies, ne nous surprenait pas dans sa démarche néocoloniale. Nous attendions que la Gauche française soit moins à l’aise dans ce rôle de gendarme aux allures civilisées ! C’est se tromper lourdement de croire que l’emballage change le produit ! 

De Béjaïa, Rachid Oulebsir

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Commentaires (14) | Réagir ?

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Abdellaziz DJEFFAL

Après plusieurs siècles tenus à l'écart de la civilisation du fait des royaumes décadants et de la répression de la libre pensée, les Algériens tout comme les autres peuples de la région, furent forcés par la violence coloniale d'intégrer la marche des peuples pour le progrès et la modernité. Un Etat fortement centralisé mais qui institua la commune et les collectivités locales, l'état-civil, la dislocation de l'ordre tribal pour lui substituer un ordre étatique, l'institutionnalisation d'un territoire cinq fois plus vaste que la France métropolitaine. En 1962, après la libération du peuple et le recouvrement de la souveraineté nationale, nous avions quand même hérité d'un Etat structuré et fonctionnel. Depuis l'on s"éloigne, chaque fois que la terre fait un tour autour du soleil, de l'orbite de la civilisation pour retomber dans notre orbite ancestrale: L'ignorance, l'obscurantisme et le fatalisme. Hélas beaucoup de vérités ne sont toujours pas bonnes à dire.

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sam abed

Je pense que vous misez trop sur les kabyles parce que vous êtes loin de la Kabylie. Je suis Kabyle, mais je dois avouer que nous sommes noyés dans cette Algérie islamo-arabisée. Il n'y a rien qu'a voir le nombre de filles qui portent le Hidjab et le nombre de jeunes qui font la priere. Ne me dites surtout pas que la religion n'a rien a voir. Meme la langue se meurt de jour en jour.

La cause de tout ça est bien sur la pauvreté et le chômage. En plus, les kabyles deviennent de plus en plus materialistes. Pas de temps pour la culture, la langue, les principes... ce qui est d'ailleurs compréhensible.

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