L'Algérie utilise mal sa rente gazière

L'argent du pétrole est utilisé pour acheter la paix sociale, pas pour le développement.
L'argent du pétrole est utilisé pour acheter la paix sociale, pas pour le développement.

L'Algérie n'échappe pas à la "damnation de la rente" qui frappe paradoxalement la majorité des pays exportateurs d'hydrocarbures.

Quatrième exportateur mondial de gaz naturel (qui fournit 90 % de ses recettes) derrière la Russie, la Norvège et le Qatar, elle dispose pourtant des moyens de son développement. Sa situation financière s'avère d'ailleurs impeccable, avec des réserves de change équivalentes à trois ans d'importations, une dette publique dérisoire et un fonds de réserve budgétaire chargé de lisser les à coup conjoncturels.

Toutefois, si l'Algérie s'avère très solide financièrement, cela ne se traduit nullement en dynamique économique, souligne Thierry Apoteker, du cabinet d'analyse TAC. La croissance ne dépassera pas 2,5% cette année, un niveau très insuffisant pour un pays aussi jeune. "L'Algérie utilise très mal sa rente", résume-t-il, "en la consacrant majoritairement à la redistribution mais pas à l'investissement productif".

L'Etat construit des infrastructures, notamment des logements (édifiés en hâte par des Chinois selon des normes peu exigeantes) embauche des fonctionnaires pour faire baisser artificiellement le taux de chômage, mais n'incite pas au lancement d'entreprises. La production manufacturière algérienne, malgré des perspectives dans l'agroalimentaire, le ciment, la pharmacie ou la mécanique, n'est pas à la hauteur d'un pays de 38 millions d'habitants richement doté en entrepreneurs. "Les revenus gaziers ne sont pas au service d'une stratégie de développement à long terme", ajoute l'économiste Jean-Louis Levet. Selon les observateurs, le climat des affaires est gangrené par le piston, le système D, les régulations tatillonnes, la médiocrité des tribunaux de commerce, la non-convertibilité du dinar, un marché du foncier où "il faut attendre deux ans un titre de propriété" et une économie informelle équivalente au tiers du PNB. Auxquels Thierry Apoteker ajouterait "une corruption, certes dans la moyenne des 72 pays émergents que nous suivons, mais un Etat de droit très médiocre". La loi de 2009 plafonnant à 49% la participation d'une entreprise étrangère dans une joint-venture locale décourage aussi les investisseurs, notamment de PME.

Les dirigeants algériens sont conscients de ce qu'un tel modèle fondé sur la mono-exportation de ressources épuisables n'est pas viable à long terme, estime Jean-Louis Levet. C'est pourquoi ils se disent friands de projets de développement industriels, dans le gaz de schiste ou les énergies renouvelables. Mais des réformes radicales pour débureaucratiser l'économie ou "casser" le clientélisme sont fort peu probables avant les élections d'avril 2014, à la fin du troisième mandat du président Bouteflika, estime Thierry Apoteker, "jusque-là, le Premier ministre a pour seule mission d'assurer la paix sociale".

Yves Bourdillon, Les Echos

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Guel Dring

Merci de nous le rappeler mais l'Algérie ne navigue pas en système semi automatique. Il y a bien des timoniers à la barre et il n'y a pas de honte à dire que quand on parle de timon cela veut dire que les gouverneurs ou gouvernants sont des flibustiers.