Élections : de la clientélisation à la sous-traitance au despotisme

Le MPA de Benyounès, un des laudateurs de Bouteflika a été gracêment remercié.
Le MPA de Benyounès, un des laudateurs de Bouteflika a été gracêment remercié.

On a coutume d’évoquer le rachat de la paix sociale par une réévaluation de la redistribution de la rente de la part du pouvoir au profit de ses forces structurantes et autres concurrentes (intérieures et extérieures), à la suite de la pression engendrée par "le printemps arabe" et les menaces des forces impérialistes sur la souveraineté nationale.

Cette opération de corruption généralisée appuyée par un leurre de réformes imposées par une répression draconienne avait assuré au pouvoir le maintien et la stabilisation du statu quo. L’effervescence du printemps arabe passée, les révoltes populaires atténuées, l’impérialisme rassasié, le pouvoir revient à ses vieilles habitudes despotiques en remettant au goût du jour l’instrumentalisation de la façade démocratique à outrance. Avec cette fois-ci un cynique franchissement d’un pas de plus dans l’abîme de l’avilissement des élites et de la constellation de clients opportunistes qui gravitent autour. On passe alors d’une simple clientélisation de ces élites qui meublaient autrefois passivement les structures de la façade démocratique en échange d’une rémunération confortable, à l’octroi d’un marché de sous-traitance pour la soutenir, la défendre et l’embellir en échange de la gestion des affaires communales, avec tout ce que cette institution permet comme rapines et détournements garantis d’impunité. Le pactole des logements sociaux et d’autres opportunités courantes à se partager entre membres de l’APC.

Il ne s’agit plus de désigner un client acquis au système pour meubler symboliquement le fauteuil de président d’APC. Avec la révision du code électoral en 2011, l’article 80, qui est une loi organique, est venu remplacer l’ancienne loi simple 69 du code communal et son amendement, qui désignait Président d’APC le candidat du parti arrivé en tête. Cet article 80 introduit une concurrence ouverte entre tous les candidats, où chacun peut prétendre à la présidence de l’APC. Le but de l’opération est de stimuler l’implication des candidats à plus de ferveur dans leur investissement dans la défense de la façade démocratique pour gagner les faveurs du système et prétendre être élu. Car, comme chacun sait, les partis politiques ne se présentent pas aux élections avec un programme. Le programme que le futur président d’APC doit appliquer est le programme officiel de la présidence de la République distillé hiérarchiquement du sommet à la base en passant par le Wali et le chef de Daira. Quant au rôle du Président d’APC, tout le monde sait qu’il est dépourvu de toute prérogative souveraine. Le Wali étant le véritable dépositaire du pouvoir local et il est le seul détenteur du pouvoir décisionnel.

Désormais, chaque élection se transforme dorénavant en une opération de charme et de séduction du pouvoir de la part des partis et de leurs candidats. La campagne électorale devient un acte d’allégeance au pouvoir, une promotion et un soutien explicite de la façade démocratique. En quelque sorte une sous-traitance à la légitimation du système de pouvoir à travers une adhésion fervente à la façade démocratique au plus offrant, c’est le cas de le dire.

Après que l’on a peiné à trouver l’adresse du pouvoir, voilà que l’on nous dit qu’il réside normalement à son adresse naturelle, c’est-à-dire la Présidence de la République et que certains cercles, qui se nichent dans les entrailles de l’ANP, semblent l’empêcher de fonctionner. Comme si le Président de la République est une émanation de la souveraineté populaire ! et que le pouvoir réside en dehors de l’armée. L’absurde se joint au pathétique pour en appeler à "la résistance populaire pour organiser la riposte." Véritable guerre de clans ou allégeance sophistiquée ? Plus spectaculaire, l’expression populiste performative : "le peuple aime son Président". On a eu droit par ailleurs à une véritable psalmodie délirante : "Notre participation aux élections locales a été tout simplement une réussite remarquable et tout à fait notable. C’est le début d’un long parcours où il faudra participer encore plus. Le devoir d’agir en tant que slogan officiel montre que c’est par là la voix de la sortie de la crise, c’est par l’effort, par la présence sur le terrain, par le travail continu, c’est ça qui donne le résultat et ce n’est sûrement pas par les critiques sans arrêt et les plaintes et surtout de se cacher dans son salon et critiquer". Ce délire exprime parfaitement le soutien aveugle au consensus rétributeur et de jeter le discrédit sur l’opposition radicale en rupture avec le despotisme. Une parfaite illustration de l’allégeance active, qui se proclame en tant que telle dans une surenchère sournoise et sans ambiguïté.

Pour certains, commentant les résultats des partis islamistes, ils abondent dans ce sens, en pervertissant leur traduction, dont la presse nationale et internationale n’a pas manqué de faire résonner l’écho. En s’appuyant sur "la percée d’un parti qu’ils considèrent être due en grande partie à sa condamnation claire et ferme de l’intégrisme, faisant de l’anti-islamisme son slogan de campagne." Et de conclure que "l’Algérie de 2012 semble avoir pris ses distances avec la mouvance islamiste, influencée par l’incapacité des partis islamistes au pouvoir en Tunisie et en Égypte à assurer l’ordre et le progrès et leur alliance contre-nature avec l’impérialisme." Une adhésion à ce credo avec un score de 2,44% que le parti en question a glané, sans tenir compte évidemment de la fraude, relève tout simplement du mensonge et de la manipulation. Les conclusions optimistes : "Les Algériens ont signifié de manière claire leur refus catégorique de l’islamisme politique", sont en vérité un leurre, qui ne tiennent pas compte de la réalité de la situation. D’abord, le rejet des partis islamistes est dû certainement à leur longue compromission avec le pouvoir dans le rôle de clients dociles. Ensuite, par leur rejet de la part du pouvoir lui-même en tant que potentiels concurrents sérieux, en organisant la fraude pour les faire échouer, après avoir islamisé intempestivement l’État lui-même, en faisant de l’exclusive de leur discours identitaire islamique une référence inopérante. Le rejet de l’islam politique aurait eu un sens si l’électeur aurait contesté au pouvoir l’islamisation intempestive de l’État et plaidé pour la sécularisation de la société et la consécration de la liberté de conscience. À vrai dire, qu’est-ce qui différencie le discours du FLN de tout autre parti islamiste du point de vue religieux, n’est-ce pas un excès de nationalisme douteux dont l’électeur est saturé plus que par le discours islamiste, auquel il s’identifie le plus naturellement par sa profonde croyance. Encore une forme de sous-traitance de l’embellissement de la façade démocratique en mettant un voile sur le vrai visage du système.

Tout se règle ensuite par les mécanismes de la fraude hautement perfectionnée et maîtrisée par les artisans de ce secteur. Les agents affectés aux bureaux de vote pour la surveillance du déroulement du scrutin et du dépouillement, ainsi que leur chef, sont choisis en fonction de leur perméabilité à la corruption et à leur docilité, puis lâchés sur le terrain avec des consignes strictes. L’administration chargée du recrutement de ces agents pose une seule condition : soit participer directement, soit fermer les yeux sur le bourrage des urnes. Les menaces de représailles en cas de non-respect de ces engagements feront le reste. Ceci explique l’absence de plaintes de la part de ces agents. Car, ils sont directement impliqués dans la fraude, dont ils se rendent complices, par leur participation active. C’est une pratique généralisée à toute forme de scrutin en Algérie, que ça soit les présidentielles, les législatives, les locales ou même syndicales, car, ils sont payés pour frauder et gonfler les résultats. Un comportement social, largement intériorisé, motivé par le principe de koul ou wakel, littéralement : de toute manière si ce n’est pas moi qui vais frauder c’est quelqu’un d’autre qui en profitera, autant frauder pour ne pas passer pour un niais au milieu des loups. De toute façon, même si plainte, il y a, aucune n’aboutira, car tout est contrôlé par les sbires chargés des basses besognes du système. La plainte n’aura aucun suivi devant une justice aux ordres. Cependant, quelques lampistes payeront les frais du leurre d’une opération mains propres.

Les commissions de surveillance des élections sont impuissantes à réagir et dont les comptes-rendus sur d’éventuelles irrégularités n’ont aucun pouvoir d’influence sur les résultats du scrutin. Elles constituent plus un argument structurel dans la gestion de la façade démocratique, qu’une réelle instance faisant force de loi. La passivité des élites, de la presse et de la société civile, fait d’eux également des complices devant cette abominable fraude qui règle le fonctionnement des institutions. Alors qu’ils devraient manifester énergiquement leur rejet de la validation de ces élections. Comment ils peuvent accepter cela, alors qu’ils sont dans leur droit de le contester ? Si pour certains, la menace de la terreur exercée par le pouvoir est franchement dissuasive, pour d’autres, rien moins que l’accommodement à la situation, qui sert leurs intérêts pour des dividendes de la rente, semble être le seul mobile de leur silence. Pourtant, la flagrance de la liste des cas de fraude est seulement ahurissante. Le fichier électoral n’a pas été remis dans plusieurs Wilayas et communes, dû aux ingérences des autorités locales et administratives. Listes et PV trafiqués. Des morts ont été rajoutés sur les listes. Les corps constitués et principalement l’ANP ont participé au bourrage des urnes en votant plusieurs fois. Scandaleuse est cette vidéo qui circule sur You Tube où l’on voie des individus imposants, le doigt trempé dans l’encre phosphorique, valider tous les noms des absents sur les listes électorales et bourrer les urnes, cela s’est passé à Tébessa. La liste des cas de fraude est interminable, tellement chaque bureau de vote a son lot de fraude.

Voilà donc venu le temps des sous-traitants du despotisme, derniers avatars de chiens de garde, tenus en laisse par une soupe froide que peut être à leur tour les y voilà ! C’est donc à de nouvelles hordes de sous-traitants, les panses rivées sur les entrailles de la terre qui nous a vus naître tous égaux devant les dieux et les hommes, que nous devrions faire face. Des hordes qui s’apprêtent à prendre la relève et à assurer la transition de l’éternelle transition de nos enchaînements à leur bigoterie de malheur. Des milices de milices, des avatars d’avatars se contentant d’éphémères gloires. Car tout ce qui reste de leur face humaine n’est plus présentable devant le jugement de l’histoire, ni de celui des hommes. Une élite perdue dans l’ambivalence du consensus dominant et leur encrassement dans l’autisme de leurs maîtres, vomissant à tue-tête leurs grossières justifications sourdes, braillant leur appétit sur les crêtes et les cimes de la mauvaise presse, pour se faire bonne conscience, à l’adresse d’oreilles sourdes, par leur rupture irréversible avec le despotisme. Villépendant les espaces libres en écho à leurs souteneurs, qu’ils tiennent pour des critiques cachés dans leurs salons, plutôt lorsque ceux-ci mettent en scène la honte qui préside au dépérissement de tous les lieux de cette terre, s’émeuvent et se dressent contre leurs chaînes, dans cette nuit sans lune qui nous traverse par son obscurité en abîme.

Youcef Benzatat

Plus d'articles de : Débats

Commentaires (10) | Réagir ?

avatar
Massinissa Umerri

"... Avec la révision du code électoral en 2011, l’article 80, qui est une loi organique, est venu remplacer l’ancienne loi simple 69 du code communal et son amendement, qui désignait Président d’APC le candidat du parti arrivé en tête. Cet article 80 introduit une concurrence ouverte entre tous les candidats, où chacun peut prétendre à la présidence de l’APC. ... "

Mais que ce soit X ou Y, qui fasse la girouette, le vent vient toujours de bouteflika a travers la chaines de mules la moins chere. . . . La est le sujet a debattre ou je ne sais quoi. Je suis content de faire parti du MAK, seul endroit ou la vraie et seule question du jour ou plutot du siecle est pose'e et debattue... le reste...

-1
avatar
oziris dzeus

Si chacun des élus peut P/apc ou P/apw pourquoi alors les têtes de liste? et donc le paris politiques, tous, sont complices de la grande arnaque. il est temps de tous vendre alors on élimine hanou qui ne cesse de crier que le capitalisme tue et on fait rentrer dans l'aréne un play boy qui se la joue libéral et connaisseur en économie. de toute les façon tout le monde sait ce que va faire boutef des richesses de l'algérie. il va les distribuées a ses amis Arabes et français et puis il partira. si on laisse boutef agir, il va ruiné les algériens en un trimestre. il n' a plus besoin d'un autre mandat il lui suffira de quelques mois pour mettre l'algérie a genou devant les français et les emirs arabes. pour les complices c'est leur rôle depuis le début en toute conscience donc ce ne sont que des traitres. Un jour un émir bouabaya va insulter et cracher, en directe à la télé, le nouveau play boy de boutef et ce jour là n'est pas si loin. Un homme conscient des conséquences néfastes de ses actes n'est qu'un traitre à son pays et ses concitoyens comme dirait sartre. Les algériens savent et sont conscient donc chacun aura sa part de résponsabilité dans ce qui se trame contre l'algérie. aprés la corruption voici la prostitution politique. on aura tout vu.

visualisation: 2 / 8