L’Algérie confrontée aux nouvelles mutations énergétiques

Le gaz algérien en direction du marché européen va faire face à une féroce concurrence.
Le gaz algérien en direction du marché européen va faire face à une féroce concurrence.

Après 50 années d’indépendance politique, l’économie algérienne est une économie toujours rentière. Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. Le bilan officiel de Sonatrach donne pour 2009, 43 milliards de dollars de recettes en devises, 57 milliards pour 2010, 72 milliards pour 2011 et une prévision de 76 milliards de dollars pour 2012.

Ce qui donnerait un total 522 milliards de dollars entre 2000/2011 et donc environ 560 milliards de dollars entre 2000 et fin juin 2012, allant vers 600 milliards de dollars fin 201. Cela a permis la dépense publique d’environ 500 milliards de dollars entre 2004/2013 (dont une fraction en dinars algériens) donnant des taux de croissance et de chômage virtuels et de calmer le front social. Les 193 milliards de dollars de réserve de change au 01 octobre 2012 sont également une richesse virtuelle provenant des hydrocarbures. Cette situation est-elle tenable dans le temps ? Il semble bien que l’on assiste en Algérie passivement aux nouvelles mutations énergétiques mondiales qui ont un impact stratégique sur son devenir : 98% d’exportation d’hydrocarbures à l’état brut et semi-brut en 2012 et important 70% des besoins des ménages et des entreprisse qu’elles soient publiques ou privées, le tissu productif étant en déclin. Je recense quatre contraintes qui peuvent limiter ses exportations tout dépendantes de l’évolution de la croissance de l’économie mondiale, de son modèle de consommation énergétique, de l’évolution des prix internationaux en termes réels tenant compte des fluctuations des monnaies clefs notamment du dollar et de l’euro et des couts internes, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement.

La première contrainte est le projet Algérie Italie de Galsi toujours en gestation. Rappelons qu’un accord intergouvernemental relatif à ce projet a été conclu en novembre 2007 entre l’Algérie et l’Italie. Ce gazoduc doit relier Hassi-R’mel à El Kala dans sa partie On shore sur une longueur de 640 km. Dans sa partie Off Shore, le projet reliera El Kala à Cagliari en Sardaigne sur une distance de 310 km. Le niveau de participation de Sonatrach prévu était de 36% et une fois concrétisé, il devait acheminer, directement en Italie, un volume annuel de 8 milliards m3 de gaz. Dans le cadre de l’arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité, publié au Journal Officiel du 10 janvier 2010 français, il était prévu que pour la Corse, les nouvelles centrales thermiques fonctionnent au gaz naturel, dès lors que le raccordement de la Corse au gazoduc Algérie-Italie via la Sardaigne (Galsi) réalisé. Or le projet est toujours gelé comme je le rappelais dans une émission à la télévision française France 3 en décembre 2011 , les élus de la Sardaigne s’étant opposés à son tracé initial.

Deuxième contrainte le projet Medgaz d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux. Qu’en sera-t-il dans la mesure où selon l’agence Reuters en date du 25 décembre 2012 deux partenaires du groupe Sonatrach dans le projet du gazoduc entre l’Espagne et l’Algérie seraient sur le point de vendre leurs participations en raison de la crise qui sévit en Europe notamment en Espagne. Ainsi Endesa et Iberdrola sont en négociations poue retrait dans el capital de Medgaz. Il est à préciser que le capital d’Endesa est détenu à hauteur de 92% par l’italien Enel (ENEI.MI) qui est un leader de la distribution de gaz en Espagne alors que Iberdrola, détenteur de 20% du capital de Medgaz aux côtés de Cepsa avec 20% ainsi que les françaises Gdf et Suez avec 12%.

Troisième contrainte le rapport 2012 de l’AIE selon lequel les USA avec la révolution du gaz schiste devrait être exportateur de pétrole vers 2017 et de gaz horizon 2020 concurrençant sérieusement les leaders actuellement l’Arabie Saoudite pour le pétrole et la Russie pour le gaz. Si les prévisions de ce rapport se vérifient cela serait un grand bouleversement géostratégique. Qu’en sera-t-il pour l’Algérie si le marché américain est fermé horizoin 207/2020 ? A-t-on d’ores et déjà penser à d’autres destinations géographiques et partenaires tenant compte de la concurrence internationale, des couts y compris les couts de transport ? En effet selon le rapport du ministère de l’Energie, publié en 2011, la structure des exportations s’oriente de plus en plus vers les produits gazeux. En effet, la part des produits gazeux durant la période 1962-1999 ne représentait que 29% contre 43% durant la période 2000-2010. Quant aux produits liquides, ils représentaient 71% des volumes exportés durant la période 1962-1999, contre 57% fin 2010. Le pétrole brut exporté représentait 95% des hydrocarbures liquides en 1971 et se situé à 30% en 2010. Quant aux produits raffinés et GNL, leur part a augmenté substantiellement passant de 3% en 1971 à 28% en 2010. Les marchés européens et américains restent les débouchés traditionnels des exportations, ces deux marchés absorbent en volume, respectivement, 63% et 29% des ventes globales des hydrocarbures et en valeur de 56% et 35%, respectivement (source rapport MEM).

Quatrième contrainte le devenir du plus grand projet de gazoduc algérien Transmed qui fournit du gaz naturel algérien à l'Italie depuis 1983 à raison de 30 milliards de m3 par an qui devait être porté à plus de 34 milliards de mètres cubes gazeux fin 2010 et 40 milliards fin 2012 avec la nouvelle stratégie offensive de Gazprom à travers Northstream et Southstream. Rappelons que le Nord stream, a été inauguré le 8 novembre 2011 qui permet l’acheminement de gaz russe en Europe. C’est un projet stratégique dont le tracé, d'une longueur de 1 224 km, doit à terme permettre de transporter 55 milliards de mètres cubes de gaz par an de Vyborg jusqu'à la ville allemande de Greifswald en traversant les eaux territoriales de la Russie, de la Finlande, de la Suède, du Danemark et de l'Allemagne. "Le volume de gaz fourni (sera) comparable à l'énergie produite par onze centrales nucléaires", a expliqué Vladimir Poutine lors de l’inauguration. La première conduite, d'une capacité de 27,5 milliards de mètres cubes, a été achevée en mai 2011. Une deuxième est en cours de construction et doit être entièrement posée d'ici à la fin 2012, doublant la capacité de la liaison. Le vice-premier ministre russe, Igor Setchine, a indiqué que le montant du projet s'élevait à 8,8 milliards d'euros en tenant compte des coûts de financement. Quant au projet de South Stream, concurrent direct de l’Algérie, afin de le mettre en œuvre, le russe Gazprom et Eni ont créé en 2008 la compagnie South Stream AG. En juin 2010, ils ont signé un mémorandum visant à associer le groupe français EDF au projet.

En mars 2011, Gazprom et Wintershall Holding GmbH ont signé un mémorandum d'entente sur la participation de la compagnie allemande à la construction du tronçon sous-marin du gazoduc. Tout comme Nord-Stream, il doit permettre à la Russie de contourner l'Ukraine, principal pays de transit. Fin décembre 2011,selon le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, les travaux du gazoduc South Stream, destiné à livrer du gaz russe à l'Union européenne via la mer Noire, ont commenceront dès fin 2012 et non plus en 2013 comme prévu initialement dans le projet pour se terminer en 2015. Lors de cette rencontre le feu vert a été donné par la Turquie à la Russie pour faire passer South Stream dans ses eaux territoriales en mer Noire, cette dernière ayant signé un accord avec l'Autriche sur South Stream, dernier document nécessaire pour lancer le projet. Auparavant, Moscou la Russie avait déjà signé des accords intergouvernementaux avec la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Grèce, la Slovénie et la Croatie. Long au total de 3.600 km, (la longueur du tronçon sous-marin sera d'environ 900 km et sa profondeur maximale de plus de 2.000 m), South Stream doit alimenter en gaz russe l'Europe occidentale, notamment la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l’Autriche, la Grèce et l'Italie, via la mer Noire et les Balkans. Il doit permettre à la Russie de contourner l'Ukraine, principal pays de transit. D'une capacité de 63 milliards de m3 de gaz, le tronçon sous-marin doit entrer en service en 2015, le coût estimatif du projet étant évalué à 15,5 milliards d'euros. L’ensemble de ces projets en plus de ce qui se passe en Syrie, ont remis en cause le projet Nabucco où en décembre 2011, simultanément la Turquie et l'Azerbaïdjan avait annoncé la mise en place du gazoduc transanatolien qui devait absorber le gaz de Shah Deniz initialement envisagé pour Nabucco qui est un projet de gazoduc reliant l’Iran et les pays de la Transcausasie à l’Europe centrale.

En conclusion tout en n’oubliant pas la forte consommation intérieure qui avec le doublement des capacités d’électricité à a partir des turbines de gaz et du faible prix environ un dixième du prix international représentant horizon 2017/2020 plus de 70 milliards de mètres cubes gazeux, quel sera le devenir de l’Algérie au niveau du marché mondial énergétique face à ces contraintes ? Pour le gaz pourra-t-elle exporter ses 85 milliards de mètres cubes gazeux prévus à un prix de cession rentable ? Que sera l’Algérie horizon 2025-2030 avec une population de 50 millions d’habitants face à ces bouleversements géostratégiques ? Aura-t-elle réalisé une transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures reposant sur l’entreprise créatrice de richesses dans el cadre des valeurs internationales et son soubassement la valorisation des compétences ?

Abderrahmane Mebtoul Professeur des Universités Expert International

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Commentaires (3) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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