Gestion locale : qui doit gouverner nos communes ?

Daho Ould Kablia, ministre de l'Intérieur et des collectivités locales.
Daho Ould Kablia, ministre de l'Intérieur et des collectivités locales.

Dans le débat actuel sur les élections locales du 29 novembre 2012 et malgré que l’événement se soit resté trop discret et n’aura pas vraiment mobilisé les foules citoyennes et les chroniques médiatiques, plus personne ne peut contester le besoin impérieux d’une clarification des compétences entre cadres territoriaux nommés et dirigeants territoriaux élus au suffrage universel.

Dans cette campagne électorale, les responsables politiques ne manquent pas d’idées : certes c’est le moment de le montrer et de s’imposer dans le débat. Mais, indéniablement, leurs propositions ne pèsent pas lourd dans les discussions avec les citoyens et ne rencontrent que peu d’écho. Explication ? La question du partage de compétences entre élus et fonctionnaires est au cœur de la campagne, mais leur poids de candidat est, nécessairement sous-dimensionné, leur démarche un peu isolée et pour cause : la majorité de ces partis politiques ont vu le jour bien après la promulgation d la loi 11.10 du 22 juin 2011 relative à la commune et n'ont pas participé à la maigre réflexion et au saupoudrage de mesures sur la nécessité et les modalités de la décentralisation régissant le nouveau code de la commune. Vraisemblablement, cette position inconfortable du fait accompli amenuise leur force de persuasion, et aux citoyens de les interpeler en ces termes :

- Pourquoi participez-vous à ces élections locales, alors que vous étiez absent, sinon complices dans la formulation du cadre institutionnel territorial tant décrié dans vos discours ?

- Si les wali et les chefs de daïra se voient toujours comme des garde-fous contre les abus de vos futures collectivités, comment envisagez-vous l’évolution de votre relation avec les fonctionnaires de l’Etat ?

- Mais alors que la commune est la collectivité de base, où est la "proximité" tant vantée à l’heure du dépouillement des compétences et des prérogatives ?

- Vous qui nous avez si bien parlé de ce que devraient être les attributions d’un maire et des périls qui se lèvent sous l’empire du nouveau texte, que feriez-vous si vous étiez à la place des parlementaires de l’ancienne mandature au moment de l’adoption dudit texte ?

- Une avant dernière question plus politique qu’administrative : qui doit gouverner nos communes ?  

- Ne faut-il pas trouver d’autres raisons pour donner plus de pouvoirs aux maires et impulser une vraie décentralisation que la redondante idée d’un rapprochement entre dirigeants et dirigés. Et si l’on posait le problème en termes de responsabilité des gestionnaires communaux devant les électeurs ? Après tout, les maires devraient être comptables à titre personnel de leurs charges ainsi que de leurs bilans, la publication de comptes de gestion pendant un mandat est l’essence même de la démocratie. De cette dernière interrogation se profile quelques axes de réflexion sur la décentralisation qui devrait cesser d’être réservée à quelques grands esprits ou commissions ad-hoc (1) pour se diffuser dans la masse des citoyens. Les lignes qui suivent n’ont d’autre objet que d’ouvrir le débat...

Compétence et responsabilité : la proximité, un "critère" à ébranler

Rapprocher l’administration des administrés, nous assène-t-on depuis l’ordonnance 67-24 du 18 janvier 1967 portant code communal, c’est bien le fait de décentraliser qui porte en lui une double signification de démocratie (proximité du pouvoir de décision) et d’efficacité (accessibilité des services publics locaux et endiguement des rouages bureaucratiques de l’administration).

Mais alors, que la commune soit une grande ville métropolitaine à l’image d’Alger, Oran, Annaba, Sétif ou Constantine ou qu’elle soit un petit bourg du fin fonds de la Hodna ou du Titteri (2), quel est le degré de proximité du citoyen avec sa collectivité de rattachement ? Qui peut affirmer par expérience ou par connaissance du millefeuille administratif algérien que les services d’une commune quelle que fut sa taille, soit plus accessible, plus souple ou transparente que celle d’une daira ou d’une wilaya ?  Et il est parfois plus facile d’approcher des responsables et commis de l’Etat à l’échelle wilayal que de simples administrateurs communaux.

Dès lors, ne pourrait-on imaginer que le critère de répartition de compétences entre les services de l’Etat central ou déconcentré (services des wilaya, daïra et exécutifs locaux) et les services décentralisés (Assemblées populaires wilayale et communale) soit non plus l’insignifiant critère de la proximité des administrés, mais la responsabilité effective (3) du gestionnaire, en fonction de la teneur de l’acte de gestion et de l’importance de la décision prise, de sa traçabilité et du contrôle citoyen qui lui est subordonné ?

En clair, la vraie question n’est plus de savoir si l’administré citoyen est plus proche de l’administration, mais plutôt si les gestionnaires auxquels mandat est attribué pour une compétence, assumeront une responsabilité politique en fonction de l’incidence de cette responsabilité sur la vie de la cité. Autrement dit, parallèlement à des prérogatives élargies aux maires dans les services fondamentaux (état civil, urbanisme, éclairage et aménagement urbain, hygiène et salubrité publique, voirie, travaux et transport urbain, sécurité, prévention et tranquillité, sport, loisirs, tourisme, culture, environnement, énergie...) il est naturel d’opposer un strict contrôle citoyen sur les choix budgétaires à faire et aussi sur la célérité d’exécution.

Les citoyens devraient participer à l’élaboration, l’exécution et le contrôle du budget communal pour prévenir tout acte de corruption ou de mauvaise gestion, c’est seulement à ce prix que les maires accompliront sereinement leur responsabilité. C’est d’ailleurs ainsi que cela se passe en général dans les démocraties : aux premiers (citoyens) la liberté de la critique ; aux second (décideurs) le poids de la décision ; aux uns le prestige de l’idéal ; aux autres l’autorité du réel. Plus de compétences, plus de contrôle citoyen et moins de tutelle, voici le credo d’une administration plus transparente ou la proximité et synonyme d’arbitrage et de participation citoyenne et la responsabilité des élus et synonyme d’inspection et de contrôle citoyen.

Telles sont, me semble-t-il, les rapports et les prérogatives entre acteurs des collectivités territoriales. Ces questions, au fond, formulées tout au long de cette contribution, recoupent et détaillent celles formulées par la philosophie politique, nos candidats à ces élections locales devraient continuellement se les poser :

1- Que puis-je savoir de la vie de la cité ? c’est connaître le réel dans tous ses états en réponse à cette question. 2- Que dois-je faire pour en améliorer le fonctionnement ?, désigne le territoire de l’éthique en politique, faire programme (pratique) et lui donner du sens. 3- Que nous est-il permis d’espérer sans  être ni trop ambitieux ni trop modestes ?, cherche à trouver une forme de salut public. C’est à ces trois questions que toutes les autres interrogations politiques se ramènent : sur les institutions, sur les finalités, sur les modalités, et enfin sur le comment et le pourquoi du politique et du changement des systèmes politiques.

Ferhat Djalal Firas

(1) Commission Missoum Sbih dont le "rapport sur la réforme des structures de l’Etat" présenté au président de la République le 25 novembre 2000 est resté dans les tiroirs de la présidence au seul motif qu’il proposait le concept de la Régionalisation administrative ; concept qui a besoin de temps pour être maturé, nous dit-on !

(2) Le Hodna : région de l’est de l’Algérie délimitée par les wilaya de M’sila et Batna. Le Tetteri : région du centre de l’Algérie dont la capitale est Médéa.

(3) Le terme d’effectivité, qui est couramment utilisé en Anglais dans un sens précis (effectiveness) est plus ambigu en langue française. On peut admettre qu’il "correspond à la qualité de ce qui se traduit en acte réel. L’effectivité, prise dans cette acception, ne se confond pas avec l’efficacité, même si elle en est proche. Parler de l’effectivité de la justice administrative ce n’est pas mesurer son efficacité, mais c’est évaluer le degré de traduction dans la réalité des décisions qu’elle rend." L’effectivité de la justice administrative en France, Jean- Paul Costa.

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Commentaires (3) | Réagir ?

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Khalida targui

un maire en Algerie c'est celui qui vient pour ruiner la commune et bye bye

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rabah Benali

Bonjour.

J'ai une idée !!

Option N° 1:

Importer des chinois et leurs donner un bâton chacun.

Il feront de très bons maires qui mèneront à la trique, fainéants, paresseux et tire-au-flanc.

En plus, ils ne sont pas chers.

Option N° N2

Importer des frères "Orientaux". (Egyptiens, Syriens, Jordans).

Ils feront aussi de bon maires. Ils acheveront l'œuvre éducative de leurs ancêtres de 62 ameutés par Benberla / Bourourou and Co. Le résau mosquées est à présent dense etétoffé sur l'ensemble du territoire. L'absurde peut continuer. Tant qu'il y a encore quelques goutes de pétrole et de gaz. Si non ce sera trop tard.

Rabah Benali

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