Azawad (nord-Mali) : l'intervention n'est pas pour demain

Chasser les troupes d'Aqmi est la raison invoquée pour intervenir dans l'Azawad.
Chasser les troupes d'Aqmi est la raison invoquée pour intervenir dans l'Azawad.

La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, était à Alger ce lundi pour tenter d’obtenir le soutien des autorités locales au déploiement d’une force africaine dans le Nord-Mali, tombé aux mains des groupes islamistes au printemps dernier. Mais si la mobilisation diplomatique bat son plein, le début de l’action militaire prendra encore du temps.

Un calendrier des opérations toujours nébuleux

"A partir du moment où le déploiement de la force sera validé par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, probablement début décembre, on peut animer le paysage à Bamako dans les deux mois qui suivent. Au-delà, c’est une autre paire de manches." Ce haut gradé français se montre prudent quant à la possibilité de passer à l’action rapidement dans le nord du Mali, une zone enclavée et désertique, contre les groupes islamistes qui tiennent les villes de Tombouctou, Gao et Kidal. La future force africaine est en effet censée intervenir en soutien de l’armée malienne, en état de déliquescence avancé. "Remettre en ordre de marche les soldats maliens va prendre plusieurs mois", assure un expert militaire. L’Union européenne, qui a décidé de participer aux côtés de la France à la formation et à l’entraînement des forces de sécurité locales, vient d’effectuer un audit au Mali afin d’évaluer l’ampleur de la tâche.

La planification des opérations, elle, a déjà été effectuée par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), avec l’aide aussi active que discrète de Paris. Une dizaine de pays africains ont promis d’envoyer des troupes, mais rien n’est encore véritablement acquis. L’aide des Européens et des Américains sera cruciale pour assurer le transport de cette force sur le terrain, et lui fournir des équipements adéquats et du renseignement sur les positions des groupes islamistes. "Mais il faut d’abord répertorier les unités africaines disponibles, les équiper et les entraîner, et établir un plan d’engagement précis", note une source militaire française. Un délai de six mois paraît réaliste.

Une course contre la montre face aux terroristes

Paris veut aller vite. "La menace terroriste est permanente, immédiate et concrète", dit une source proche du dossier. Pas encore sur le territoire national, dit-elle, même si les services français affirment avoir déjoué plusieurs tentatives d’infiltration depuis 2009, mais principalement dans les Etats voisins du Mali, où la France a des ressortissants et des intérêts : au Sénégal, au Niger, en Côte-d’Ivoire… La perspective du déploiement de la force africaine se rapprochant, Paris s’attend d’ailleurs à de possibles "coups" de la part des terroristes. "Ils ne vont certainement pas rester les bras croisés en attendant l’offensive de la force africaine", dit-on à Paris. Récemment, un groupe qui ciblait un humanitaire italien a kidnappé plusieurs employés africains d’une ONG dans le sud-est du Niger, une région pourtant éloignée des sanctuaires terroristes dans la zone sahélienne.

Paris, qui a accueilli avec circonspection les informations faisant état de l’arrivée massive de jihadistes étrangers à Tombouctou ou Gao, redoute plutôt la "professionnalisation" des activistes d’Aqmi et de ses affidés "Ils cherchent à acquérir de nouvelles compétences techniques", confie-t-on à Paris. Les hommes d’Aqmi disposeraient, notamment, de missiles sol-air Sam-7 issus des anciens arsenaux du colonel Kadhafi. Jusqu’ici, ils ne s’en sont jamais servis. Mais il y a un début à tout…

Paris cherche à ne pas apparaître en première ligne

Tout en militant activement pour le recours à la force contre les terroristes islamistes, la France répète qu’il revient aux Africains de prendre les choses en main. En refusant d’apparaître en première ligne, elle cherche à ne pas mettre en danger la vie de ses six ressortissants aux mains des islamistes et que ces derniers menacent d’exécuter en cas d’intervention militaire.

Au-delà de cette préoccupation d’ordre humanitaire, Paris doit tenir compte de la sensibilité d’Alger, qui se méfie de l’interventionnisme de l’ex-puissance coloniale dans une zone qu’elle considère comme sa chasse gardée. Mais aussi de celle des pays africains soucieux d’affirmer leur indépendance et leur compétence. A commencer par le Mali lui-même. Pour l’heure, Paris renforce ses capacités de renseignement dans le Sahel et se livre à un travail de l’ombre en formant depuis plusieurs mois, avec l’aide de forces spéciales déployées sur place, des bataillons en Mauritanie et au Niger.

«Aqmi et le Mujao, ce n’est pas le Pacte de Varsovie ! Quand les salafistes verrront monter 3 000 soldats maliens bien équipés, soutenus par 3 000 soldats africains et par les moyens logistiques et de renseignement occidentaux, ils détaleront de Tombouctou et Gao», assure un haut responsable français. Si tel est le cas, il faudra alors les "cueillir" aux frontières pour éviter de propager la menace terroriste dans toute la région. A cet égard, la contribution des Etats riverains, tels la Mauritanie, le Niger et surtout l’Algérie, sera décisive. Celle-ci vient de décider d’envoyer un millier d’hommes dans le sud du pays, à la frontière avec le Mali. "Renseignement et mouvement, ce sont les clés de la réussite de la future opération", ajoute un officier français.

Thomas Honung

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