Le bras d’honneur !

Le bras d’honneur !

C'est le plus célèbre manchot d'Alger depuis le peintre Issiakhem.

Il partage d’ailleurs avec l’artiste d’être né sous le même olivier, dans la même Kabylie et d'avoir, lui aussi, perdu le bras gauche sous l’explosion d’une grenade. Mais, à la différence de M'hamed Issiakhem, lui ne l’a pas cherché. L'engin qui emporta son bras était lancé par un policier algérien, un maudit soir d'octobre 1988, dans ce qui restera la jacquerie singulière, un peu chahut de gamins un peu révolution avec, au final, quelques centaines de cadavres, un président qui fait son mea culpa, le pluralisme, la liberté de la presse, toutes ces choses dont Azouaou sait mieux que quiconque qu'elles coûtent un bras.

Vous le verrez parfois dans un de ces tripots algérois qui sentent la bière et la sardine grillée, vous le croiserez souvent dans les derniers lieux de convivialité de la ville désenchantée, mais vous le rencontrerez à coup sûr dans les instants de recueillement à la mémoire de toutes ces victimes anonymes qui ont fait octobre et pour lesquels nous n'avons jamais su quoi faire. Azouaou ne les oublie pas. "Eux sont morts, moi je n'ai perdu qu’un bras…" Ne le croyez surtout pas. A ses plus proches amis, il s'abandonne parfois à un poignant moment de vérité : "J’échangerais bien la démocratie contre un autre bras." Et ne le jugez surtout pas : nul d'entre nous ne sait à quel point est lourde une vie de liberté sans son bras.

Vous le croiserez parfois comme une survivance d'un temps qu'on ne voudra plus connaître, comme une mauvaise conscience, comme une créature embarrassante, et vous oublierez un jour de le saluer, pendant que lui continuera son chemin, vous oublierez de le saluer et ce sera le jour du Commencement, le commencement de la grande amnésie, instant fatal où nous redeviendrons bâtards d'histoire, oublieux du nom de nos mères pendant que Azouaou fera l'ultime bras d'honneur à la piètre mémoire des hommes.

M.B.

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Commentaires (3) | Réagir ?

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Khalida targui

Pour échanger la démocratie par un autre bras il faut d'abord qu'elle existe, oui les perdants ont toujours tort comme les abscents

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Amnay Djennadi

Le régime algérien a toujours bien joué, on estropie les azwaw pour casser leur aspiration de liberté, on encourage les tueurs en série, alis les repentis et autres barbus assimilés, et on enterre définitivement la mémoire

Cceh deg-negh

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