Le front social en ébullition : la colère d’un peuple démuni vivant dans un pays riche

Le front social en ébullition : la colère d’un peuple démuni vivant dans un pays riche

Dockers, boulangers, chauffeurs de taxi, professeurs, médecins, enseignants, fonctionnaires, lycéens, tous menacent de recourir à la grève. Jusqu’où ira le mécontentement ?

Pas moins de dix ports commerciaux seront aujourd’hui paralysés. 14.000 dockers risquent de répondre à l’appel de la Coordination nationale des syndicats des ports. Les chauffeurs de taxi menacent de suspendre la casquette. Les boulangers d’éteindre leurs fours. L’Intersyndicale de la Fonction publique revient à la charge.
Tandis que la Coordination des douze syndicats autonomes avec le CLA ont décidé d’une autre grève nationale de trois jours pour les 24, 25 et 26 février prochains. Le Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes) grogne lui aussi. Réuni les 23 et 24 janvier 2008 en session ordinaire, le Conseil national a voté le recours à une grève nationale de 15 jours renouvelable à compter du mois de mai 2008. De grève en grève...
Les revendications de toutes ces franges sociales n’ont toujours pas été prises en charge. Alors que les syndicats représentent la majeure partie des couches sociales, le gouvernement reste de marbre. Il fait la sourde oreille à une contestation qui risque de faire des dégâts.
L’Intersyndicale autonome de la Fonction publique menace d’«internationaliser» son dossier. «Ainsi, après la mobilisation sans précédent du 15 janvier dernier et le message lancé par les travailleurs et les syndicats de la Fonction publique au gouvernement, force est de constater qu’une fois de plus, celui-ci reste sourd et insensible au ras-le-bol et aux revendications légitimes et pressantes des fonctionnaires», note un communiqué du CLA.
Etrangement habitué à ces situations «anormales», le gouvernement n’est nullement inquiet. Il a adopté la politique de l’usure. Certes, hier, le ministre de la Communication affirmait que «le gouvernement est disposé à élargir le débat pour toucher tous les partenaires sociaux agréés» au sujet de la grève de 3 jours annoncée par l’Intersyndicale à partir du 10 février. Une «disponibilité au dialogue» qui ne s’est pas traduite, du moins pour le moment, par des actions concrètes.

Les débrayages font partie des faits ordinaires de la vie des travailleurs algériens, tout comme la négligence au quotidien de nos dirigeants. La contestation exprimée pratiquement par les couches sociales n’a pas eu d’écho. Elle est même ignorée. Professeurs, médecins, cheminots...et potaches ont exprimé leur ras-le-bol et tiré la sonnette d’alarme. Une protestation aussi généralisée aurait renversé le gouvernement dans d’autres pays où la citoyenneté a son poids. En Algérie, en revanche, ces signaux de détresse se sont «évanouis» dans les colonnes de la presse écrite.
Jusqu’où les travailleurs doivent-ils aller pour faire valoir leurs revendications? Attend-on que la population durcisse davantage le ton en adoptant d’autres moyens d’expression? Sortir dans la rue, par exemple, ou recourir à l’émeute? D’ailleurs, ces méthodes extrêmes ne sont pas étrangères à notre société, notamment auprès des jeunes.

Devant le silence radio des responsables, le recours à de telles formes de contestation n’est pas à écarter. Des méthodes qui apparaissent sporadiquement dans différentes régions du pays; qui pour réclamer de l’eau, qui encore pour dénoncer un abus d’autorité. La gravité de la situation réside justement à ce niveau-là. Des partis politiques et des organisations de la société civile ont déjà attiré l’attention des pouvoirs publics sur les risques d’une explosion sociale aux conséquences navrantes.

Outre l’entêtement des responsables, il faut dire, aussi, que la ténacité dont font montre les syndicats autonomes est, en partie, liée à la situation économique du pays. Car on ne fera jamais admettre aux Algériens des vérités plus paradoxales: celle d’un peuple démuni vivant dans un pays riche.
Le ministre des Finances vient d’annoncer que les réserves de change ont atteint les 110 milliards de dollars. Les déclarations triomphalistes des membres du gouvernement ne peuvent, malheureusement, à elles seules changer un quotidien pénible.

Farouk DJOUADI (L'Expression)

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Commentaires (9) | Réagir ?

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belka stamb

les greves et les contestations de cette nature sont des coups d epee dans l eau pour ce regime ils ne les reconnaissent meme pas dont acte.

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Rachid Ait Ali Kaci

Clignotant parlementaire.

07/02/2008

Les députés « indépendants » ont été réunis le 04 février à l’APN par un officier. Objet de la convocation : leur enjoindre d’appeler immédiatement à un troisième mandat de Bouteflika. La déclaration doit être faite incessamment. Ceux qui spéculaient encore sur des divergences au sommet au sujet de la révision de la Constitution seront édifiés après cette sortie ; ces parlementaires sont en effet de très bons indicateurs sur le tableau de bord du régime algérien.

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Cynisme du pouvoir, humour de la jeunesse

07/02/2008

La rumeur courrait depuis quelques jours dans tous les quartiers d’Alger mais on ne savait pas s’il s’agissait d’une blague ou d’une info. Finalement il y a bien un groupe de jeunes harragas qui se sont regroupés pour exiger eux aussi…. un troisième mandat du chef de l’Etat. Ironique, Mounir de Bab el Oued, explique : Ould Abbes (ministre de la solidarité nationale) offre des minibus à toutes les associations qui appellent à une présidence à vie de Bouteflika. J’espère qu’après notre déclaration en faveur du raïs il va nous donner…de bonnes barques.

Qui a dit que les jeunes Algériens n’avaient pas d’humour ?

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