Syrie : après les hélicoptères, Al Assad sort ses chars à Damas

Damas est devenue l'ultime champ de bataille.
Damas est devenue l'ultime champ de bataille.

L'étau se resserre inexorablement sur le régime de Bachar Al Assad. Pour gagner du temps il tente de jeter toutes ses forces dans la bataille de Damas. Mais les combattants de l'ASL sont décidés à écourter sa fin de règne.

Le quartier de Qaboun à Damas a été pris d'assaut jeudi pour la première fois par des chars de l'armée syrienne, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), faisant état de "craintes de massacres" dans ce secteur. "Plus de 15 chars et des transports de troupes blindés ont pris d'assaut la principale artère du quartier de Qaboun (est) et il y a des craintes de massacres dans le quartier", a déclaré à l'AFP Rami Abdel Rahmane, chef de l'OSDH. Depuis cinq jours, Qaboun, à l'instar d'autres quartiers de la capitale est le théâtre de combats entre les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) et l'armée qui mène des bombardements notamment à l'aide d'hélicoptères.

Une source de sécurité à Damas avait affirmé, comme pour se justifier, que jusqu'à présent, "l'armée avait fait preuve de retenue dans ses opérations". Elle avait toutefois précisé qu'après l'attentat de mercredi qui a tué trois responsables de l'appareil sécuritaire syrien, dont le beau-frère du président Bachar Al-Assad, l'armée était "décidée à utiliser toutes les armes en sa possession pour en finir avec les terroristes", terme utilisé par les autorités pour désigner les rebelles.

Ailleurs, le régime semble avoir perdu le contrôle de certaines régions, comme la frontière avec l'Irak, selon certaines sources. C'est dire que Damas est la dernière étape avant la fin du régime des Assad.

"Le régime vit ses derniers jours"

Dans les rangs de l'opposition l'enthousiame est revenu après des semaines de doute. Le régime syrien "vit ses derniers jours", a affirmé jeudi à Rome le nouveau chef du Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition syrienne à l'étranger, Abdel Basset Sayda. A l'issue d'un entretien avec le chef de la diplomatie italienne Giulio Terzi, Abdel Basset a ajouté que le veto russo-chinois au Conseil de sécurité de l'ONU pourrait avoir "des conséquences catastrophiques" pour son pays.

Pendant que l'Occident se hâte lentement à imposer une solution militaire, la Russie et la Chine ont opposé leur veto jeudi au Conseil de sécurité à une résolution occidentale menaçant le régime syrien de sanctions. M. Sayda, lui, a estimé de juste que le système de l'ONU était "dépassé".

"Nous ne pouvons pas permettre qu'un régime illégal massacre son propre peuple. Nous devons briser ce cercle vicieux et demander aux Amis de la Syrie, un groupe qui comprend une centaine de pays et jouit d'une légitimité internationale, d'avancer et de parler au régime avec une seule voix", a-t-il ajouté.

"La Russie livre des armes lourdes au régime syrien et elle continue à lui offrir une couverture politique à travers le Conseil de sécurité", a estimé le leader du CNS. "On ne peut pas continuer comme ça parce que les événements vont tomber dans une spirale qui échappera à tout contrôle et sera catastrophique aussi bien pour la Syrie que pour la région dans son ensemble", a estimé M. Sayda.

Où se trouve Bachar Al-Assad ?

Quand le régime vacille, les dirigeants fuient. L'ancien leader libyen, Mouammar Kadhafi, s'était retranché dans son fief de Syrte avant de se faire tuer ; l'ancien président tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali, s'est réfugié avec femme et enfants, en Arabie Saoudite. Avant son placement en détention, l'ex-raïs égyptien, Hosni Moubarak avait pris la poudre d'escampette dans sa maison de Charm el-Cheikh, une station balnéaire parmi les plus huppées de la mer Rouge. Bachar al-Assad suivra-t-il le même chemin ?

Le président syrien n'est pas apparu en public depuis l'attentat du mercredi 18 juillet qui a tué quatre têtes du pouvoir,alimentant toutes les spéculations. Si le chef de l'Etat intervient rarement et que son silence n'a rien de surprenant, cela n'a pas empêché les rumeurs les plus diverses de circuler sur son sort et ce, depuis le début des combats dans la capitale syrienne.

Jeudi 19 juillet, Reuters indiquait, citant plusieurs sources de l'opposition et un diplomate occidental, que Bachar al-Assad avait quitté Damas pour la ville de Lattaquié, sur la côte, à l'ouest du pays. Une hypothèse plausible pour de nombreux observateurs. Cette région est un lieu de villégiature habituel de la famille Assad. L'ancien diplomate Ignace Leverrier expliquait déjà mercredi au Nouvel Observateur que "si la tête du pouvoir était obligée de quitter Damas, elle pourrait tenter de chercher refuge dans le réduit alaouite que Bachar et ses soutiens ont commencé à préparer depuis plusieurs mois. Il s'agit d’une zone qui couvre la côte syrienne de la frontière libanaise au Sud, à la limite de l’ancien sandjak d'Alexandrette au Nord, sur à peu près une cinquantaine de kilomètres de large en direction de l’Est."

Une fuite de Bachar al-Assad ne signifierait pas pour autant un repli. Une retraite stratégique sur la côte pourrait annoncer au contraire sa volonté de résistance. Selon les sources citées par Reuters, le président continuerait de coordonner la riposte de cette base-arrière. Ignace Leverrier estime lui aussi que le pouvoir peut envisager ce "réduit comme un refuge temporaire, où il pourra résister et s'organiser dans la perspective de reconquérir depuis là la Syrie". 

Reste l'hypothèse de la fuite à l'étranger. Parmi ses alliés, Bachar Al-Assad pourrait trouver exil en Russie ou en Iran. En décembre 2011, le quotidien israélien Maariv affirmait que le vice-président syrien Farouk al-Charah s'était rendu à Moscou le 16 décembre pour discuter avec le ministre des Affaires étrangères russe Sergei Lavrov de l'installation du président syrien en Russie en cas de chute du régime.

Mais jeudi, un proche conseiller de Vladimir Poutine, a déclaré à Reuters qu'il n'avait pas connaissance de la possibilité d'accueillir sur son sol le président syrien. "Je le vois mal fuir à l'étranger", jugeait encore Ignace Leverrier. "Je ne suis pas sûr d’ailleurs que ceux qui l'entourent le laisseraient faire. Ni que lui-même ait une vision des choses tout à fait conforme à la réalité. On a souvent constaté de sa part une sorte d’auto-aveuglement depuis le début du soulèvement populaire contre son régime… Il est, enfin, entouré de personnes qui n'ont pas toutes intérêt à lui montrer ou lui laisser percevoir la réalité de la situation de la Syrie, de  l’évolution de la révolution et de l’opinion qu’a de lui la population."

Cependant, en réponse à ces rumeurs de fuite, des sources syriennes interrogées par le journal libanais "As-Safir", ont déclaré que Bachar al-Assad se trouvait toujours à Damas.

Jeudi dans l'après-midi, un conseiller du chef de l'Etat en a remis une couche pour essayer de couper court aux spéculations. Il a assuré à l'AFP qu'il était en contact direct avec Bachar Al-Assad et que ce dernier se trouvait dans son "palais présidentiel à Damas avec ses collaborateurs" et qu'il continuait de diriger "les destinées du pays".

Pour appuyer la déclaration,la télévision d'Etat syrienne a diffusé jeudi les premières images du président Bachar Al-Assad après l'attentat. Selon ces images, le dictateur, en costume bleu, reçoit le nouveau ministre de la Défense, Fahd al-Freij, en uniforme militaire, après la prestation de serment. Le chef de l'Etat l'invite ensuite à s'asseoir et converse avec lui. Le général Freij a succédé au ministre de la Défense Daoud Rajha, tué dans l'attaque de mercredi. Reste à savoir combien de  temps reste pour que le regime éclate et tombe. La chute peut arriver rapidement comme nous l'avions vu en Tunisie, en Libye et même en Egypte ou un peu plus longtemps. 

L.M/Agences

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Decrauze Loïc

Été syrien : ça chauffe pour Bachar el-Assad.

Du printemps arabe 2011 on passe à l’été syrien 2012 qui pourrait enfin carboniser la tête tyrannique du pouvoir politique, à moins que la riposte sanglante reporte la victoire des opposants à une autre saison. Celui qui avait l’apparence la plus conciliante des dirigeants de la région affiche à son compteur la plus féroce et durable résistance aux révolutionnaires. Il faut dire que les deux membres permanents encore non démocratiques du Conseil dit de Sécurité ont tout fait pour bloquer une quelconque initiative onusienne.

Pour quelques repères polémiques sur les révolutions arabes, cf. http://pamphletaire. blogspot. fr/search/label/R%C3%A9volutions%20arabes

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Guel Dring

Il peut toujours sortir ce qui peut lui passer par la tête, ramener l'armée rouge, les chinois, les chiites, Hassan Nasrallah tous les soldats de la terre, rien n'y fera. Le glas a sonné par le décret divin. Ce décret peut être interprété lorsque l'on comprend par des signes - que la logique ne saisit pas -, qu'il n'y a plus de marche arrière, que les évènements vont s'accélérer et que c'est en toute évidence le début de la fin. Personne n'aurait imaginer que Kadafi serait déniché dans le lieu où se déléctent les... ratons. Al Assad sera-t-il rattrappé dans une cage à.... lions.