Le colonel Si Sadek est mort

De droite à gauche : Amar Ouamrane, Mohamed Zammoum, Dehilès Slimane, Ahmed Bouguerra, Mohammedi Said et Krim Belkacem.
De droite à gauche : Amar Ouamrane, Mohamed Zammoum, Dehilès Slimane, Ahmed Bouguerra, Mohammedi Said et Krim Belkacem.

Slimane Dehilès, connu pendant la guerre de libération sous le nom de Si Sadek, s’est éteint samedi à Alger. Il avait 91 ans.

Verbe haut et voix de stentor, Si Sadek est très tôt entré dans la lutte politique. Il est né à Iwa?iyen (les Ouadhias) dans le piémont du Djurdjura, en Kabylie, le 14 novembre 1920. Orphelin dès l’âge de 15 ans, il a consacré sa vie à la lutte pour la liberté et contre toutes les oppressions. L'homme a effectué un véritable parcours du combattant : En octobre 1943, soldat parmi les troupes alliées, il a combattu les nazis près de Naples, en Italie. En août 1944, Slimane Dehilès et son bataillon entrent en France, après avoir perdu beaucoup d’hommes face à une résistance farouche, ils arrivent à Strasbourg le 24 décembre 1944. En mai 1945, il était mobilisé à Obstad, en Allemagne.

En 1946, il adhère au MTLD et active sous l’égide de la Fédération de France. En 1953, il est arrêté et écope de 8 mois d’emprisonnement et 70.000 anciens francs d’amende et frappé d’interdiction pendant 5 ans en Algérie pour avoir distribué des tracts hostiles à la présence française en Algérie.

Dès novembre 1954, il rentre clandestinement à son village en Kabylie, il fut l'un des premiers à rejoindre les rangs de l’ALN (Armée de libération nationale). En juin 1955, il participa à la réunion d’Ath Dwala, ayant regroupé Amirouche Aït Hamouda, Krim Belkacem, Mohammedi Saïd, Yazourène (Vriruc), Abderahmane Mira. Laquelle réunion avait débouché sur une grande offensive contre l’armée française, au cours de laquelle ils avaient récupéré 1200 armes, 627 millions en argent liquide et 12 millions de cartouches.

Fort de son expérience militaire, c’est à lui qu’échut le devoir de former la première compagnie en Kabylie. Ce qu'il fit avec brio : "En moins de six mois, l’organisation politico-militaire était une réalité." Mais il n’est pas resté longtemps en wilaya III. Comme des dizaines de djounouds de la Kabylie, il désigné par Abane Ramdane vers la deuxième moitié de 1956 à la tête de la wilaya IV en remplacement de Omar Ouamrane. L’Algérois et le massif blidéen avaient besoin de renforts en hommes et en armes en ces premières années de la guerre d’indépendance. "La Wilaya IV, dont j’avais la charge, était devenue une wilaya intellectuelle, avec tous les étudiants qui y affluaient. Forcément, elle gênait. Surtout le groupe d’Oujda qui avait juré de liquider les intellectuels pour réduire les effectifs de l’intérieur. C’était un plan sordide", disait-il. Une année plus tard, appelé par Krim Belkacem, il rejoint Tunis. Si Sadek était le soutien fidèle d’Abane Ramdane dans l’état-major de la révolution à l’extérieur. Il payera cette fidèlité par une espèce de marginalisation. Le colonel Sadek ne s’était jamais remis de l’assassinat d’Abane Ramdane. Jusqu’aux derniers jours de sa vie, il parlait de ce dirigeant de la révolution. Le colonel Si Sadek devient de juste membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) de 1957 jusqu'en 1962.

Abane assassiné, Si Sadek refusa d’appartenir aux différents clans qui se sont constitués à l’extérieur. L’homme était de nature rebelle et tranchant, il n’aimait pas les faux-semblants. Aussi, il n’hésitait pas à le faire savoir. Il avait confié à des proches qu’il était étroitement surveillé par les hommes de Boussouf au Maroc.

L’année 1959, la révolution algérienne a connu l’une des périodes les plus terribles de sa jeune histoire. Multiplication des opérations militaires française, pertes énormes de moudjahidine et d’officiers de valeur. Et surtout, une crise au sommet.

En décembre 1959, Si Sadek participe à la fameuse réunion des 10 colonels à Tunis. Celle-ci avait pour objectif de remanier les organismes extérieurs du CNRA et du GPRA, pour tenter de résoudre le différend entre l’état-major et le GPRA, qui était d'après lui « monté de toutes pièces par Boussouf qui voulait tout contrôler en mettant les hommes du MALG aux postes sensibles.» La réunion avait duré 33 jours et débouché sur la création de l’état-major général, dont le commandement est confié à Houari Boumediene. Il a été désigné au commandement des opérations militaires spéciales et occupa le poste d’adjoint du colonel Houari Boumediene sur le front ouest jusqu’à l’indépendance.

Au FFS

A l'indépendance en 1962, le colonel Sadek est élu en député de Tizi-Ouzou. Il siègera à partir de septembre dans cette première assemblée constituante dont la majorité des membres était acquise au chef du gouvernement, Ahmed Ben Bella.

Dès septembre 1963, il a fait partie des membres fondateurs du Front des forces socialistes. Il a été chargé avec le commandant Lakhdar Bouregaa d’organiser le mouvement dans l’Algérois. Lakhdar Bouragaa et ses compagnons ayant déposé les armes en novembre 63, à la faveur d’un premier accord avec Ben Bella, Si Sadek s’est retrouvé isolé. En 1964, il rejoint la Kabylie où il a fait partie de l’état-major du FFS avec Aït Ahmed, Yaha Abdelhafidh, le commandant Moussa, et quelques autres. Mais l’insurrection armée du FFS ne tient pas ses promesses. La terrible pression militaire, la répression qui s’est abattu sur la Kabylie (3000 sympathisants du FFS arrêtés) et l’appui d’une milice populaire ont eu raison du mouvement. Hocine Aït Ahmed est arrêté à Aït Zelal avec quatre autres militants. Dépité, Si Sadek rejoint la France clandestinement où le FFS avait une puissante Fédération. Au printemps 1965, Si Sadek et Yaha Abdelhafidh négocient la fin des combats avec les hommes du régime. D’abord à Paris, au domicile de Mourad Oussedik, avocat et militant du FFS. Yaha poursuit les négociations à Alger après le coup d’Etat du 19 juin avec Cherif Belkacem pour la libération des détenus. L'insurrection du FFS avait fait plus de 400 Kabyles morts dans les rangs du FFS. A partir de 1966, il se retire de l’activité politique et finit par rentrer en Algérie.

Dans un entretien datant de 2006, Si Sadek dira de Ben Bella qu’il "est devenu le Bon Dieu en 1962. Nous avions fait la guerre pour arracher notre liberté et nous nous trouvions devant un régime qui faisait régner la terreur, la peur et l’injustice. A-t-on combattu et fait tant de sacrifices pour en arriver là ?".

Durant les sanglantes émeutes Kabyles (2001-2003) le colonel Si Sadek avait répondu négativement à la demande du régime algérien qui l'avait sollicité pour une médiation avec le mouvement citoyen. L'âge et la maladie n'avaient point altéré son sens de l'honneur et des responsabilités. Il avait choisi la justice contre l'arbitraire du régime qu'il a combattu dès 1962, il déclara d'ailleurs en 2006 que "ceux qui ont trahi paieront un jour".

Certains disaient de lui qu’il était grand, maigre, au regard rieur, rusé et plein d’humour. Autodidacte, il était d’une grande culture. Il pouvait aussi bien réciter des poèmes de Si Mohand que des tirades de Victor Hugo.

Son enterrement a eu lieu dimanche dans sa région natale, les Ouadhias, dans la wilaya de Tizi Ouzou.

Synthèse Yacine K.

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Commentaires (13) | Réagir ?

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fateh yagoubi

merci

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departement education

merci

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