Syrie: l'ONU enquête à la frontière turque, le régime poursuit son offensive

L'armée syrienne a envoyé lundi ses chars dans l'est du pays, à la frontière irakienne. "Quelque 10 chars et 15 à 20 transports de troupes ont été déployés autour de la ville d'Abou Kamal", à 500 km à l'est de Damas, a-t-il affirmé.

Des experts de l'ONU se trouvaient mardi à la frontière syro-turque pour recueillir auprès de milliers de réfugiés syriens des témoignages sur la répression du régime qui poursuit une offensive militaire meurtrière dans le Nord malgré les condamnations internationales.

Trois mois après le début le 15 mars d'un mouvement de révolte pro-démocratie inédit, le pouvoir, déterminé à mater toute contestation, a envoyé ses chars vers la ville d'Abou Kamal, à la frontière avec l'Irak dans le nord-est, après avoir lancé une vaste opération dans le nord-ouest du pays.

Entretemps, la France continue de militer auprès des 14 autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU afin d'obtenir une majorité de 11 voix pour voter un projet de résolution condamnant cette répression, la Russie et la Chine y étant strictement opposées.

Et la secrétaire d'Etat Hillary Clinton a de nouveau accusé l'Iran de soutenir "les attaques brutales" du régime syrien, la Maison Blanche renouvelant son appel à une transition ou un départ du président Assad.

Mais le pouvoir reste sourd à ces protestations.

L'armée a poursuivi son ratissage dans le gouvernorat d'Idleb, à 330 km au nord de Damas, notamment à Ariha et Maaret al-Nomaan dans les environs de Jisr al-Choughour, ville désertée par ses habitants et sous contrôle militaire, a indiqué à l'AFP un militant des droits de l'Homme.

"Six civils ont péri à Ariha", a-t-il dit sans autre précision.

"Des soldats se dirigent vers Maaret al-Nomaan. Ils viennent des villes d'Alep et de Hama", a affirmé Rami Abdel-Rahmane, chef de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.

Selon les témoins, l'armée empêche la population de quitter le gouvernorat d'Idleb, tirant sur ceux qui risqueraient de déjouer les check-points militaires.

Malgré cela, la mobilisation hostile au régime ne fléchit pas et des manifestations nocturnes continuent d'avoir lieu, selon l'opposition.

Les autorités affirment que l'armée traque des "groupes terroristes armés", responsables selon elles de violences et de viols, ce que démentent les réfugiés arrivés en Turquie, accusant Damas d'ouvrir le feu sur des manifestants pacifiques.

Le nombre de Syriens ayant trouvé asile en Turquie a dépassé les 8.500, à quoi s'ajoutent 5.000 autres réfugiés au Liban. Une fois franchie la frontière turque, ils sont dirigés vers des camps dressés par le Croissant-Rouge.

Mais des milliers hésitent encore à quitter leur pays et s'entassent le long de la frontière, qu'ils franchiront si l'armée devait arriver.

Parmi eux, 300 membres de la tribu des al-Tayib.

"Il n'y a pas d'eau, rien à manger, les enfants pleurent tout le temps, que dieu le punisse! Il a même empoisonné notre eau", s'époumone en désignant le président syrien une matrone, interrogée par l'AFP à travers la ligne de démarcation.

"Tous les gens ici sont sans toit, sous la pluie et dans le froid, est-ce que ce n'est pas un pêché, ça?" s'emporte-elle, désignant des cabanes de branches bâties à la hâte, des tentes branlantes confectionnées à partir de toiles plastifiées.

Mais ces Syriens préfèrent cette précarité à la barbarie des soldats: "Ils ont tué une personne de notre tribu. Ils ont aussi coupé les doigts d'une autre", affirme la mère de famille.

Face au refus du régime de laisser entrer équipes humanitaires et groupes des droits de l'Homme, des experts du Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme sont arrivés dans la province turque de Hatay, où affluent les réfugiés.

Leur mission est d'"enquêter sur les exactions" en Syrie, a dit à l'AFP un membre de cette mission.

Plusieurs témoins, dont un colonel déserteur interrogé par l'AFP en Turquie, ont raconté avoir vu "des snipers iraniens" et des membres du groupe chiite libanais Hezbollah tirer sur la foule.

Un officier syrien, Hussein Harmoush, a par ailleurs confirmé des dissensions au sein de l'armée, racontant avoir "tendu des pièges" avec d'autres déserteurs afin de retarder l'avancée des pro-régime à Jisr al-Choughour.

Dans une nouvelle tentative de médiation, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a téléphoné à M. Assad pour l'appeler à établir d'urgence un calendrier de réformes et mettre fin à la répression qui a coûté la vie à 1.200 personnes et entraîné l'arrestation de quelque 10.000, selon des ONG et l'ONU.

AFP

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