Des députés veulent une commission d'enquête sur les droits civils

Des députés veulent une commission d'enquête sur les droits civils

Dans une lettre au président de l’APN, une vingtaine de députés demande la mise en place d’une commission d’enquête sur l’état des droits civils et politiques et des libertés publiques en Algérie. Extraits.

Introduction

A l’instar de celles des pays démocratiques du concert des Nations, la Constitution algérienne, en son chapitre IV, consacre l’essentiel des libertés fondamentales et des droits de l’Homme en cours dans un Etat moderne et démocratique. L’article 32 de notre texte suprême en énonce le principe général (...). Sont solennellement proclamés et garantis l’inviolabilité de la personne humaine et du domicile (art. 34 et 40), les libertés de conscience, d’opinion, (...) La liberté d’organisation, dans ses dimensions multiples de droits de réunion, d’association, de création de syndicats et de partis politiques, et de grève, est affirmée et protégée par les articles respectifs 33,41,42,43 et 57 de la Constitution. Pourtant, dans la réalité, même après l’abrogation de l’état d’urgence, des témoignages quotidiens de victimes et/ou les médias signalent des atteintes aux libertés individuelles et collectives de la part d’institutions et d’agents de l’Etat censés les protéger.

Des cas de sévices corporels, de censure et de contrôle divers sans décision judiciaire, de perturbations inexpliquées d’Internet, de détention préventive abusive, sont signalés. Des interdictions de réunion et de manifestation sont dénoncées. Jusqu’à tout récemment l’accès aux médias publics, notamment audio visuels, était interdit à tout pluralisme d’opinion. Leur récente ouverture reconduit encore arbitrairement l’exclusion de certains acteurs politiques et sociaux.

La préférence donnée par les pouvoirs publics à l’UGTA sur tous les autres partenaires sociaux représentatifs est une discrimination attentatoire aux libertés syndicales. Dès et depuis 1989, la consécration juridique du pluralisme était démentie par le refus constant d’agréer des syndicats étudiants non inféodés aux partis politiques au pouvoir. Les difficultés signalées par des citoyens contre la liberté de créer des associations, particulièrement, au-delà du périmètre territorial d’une commune, vont dans le même sens. L’instrumentalisation de l’appareil judiciaire et de la Loi contre le droit de grève et la liberté de presse n’exprime-t-elle pas une volonté d’homogénéisation du champ politique contraire à la Loi et aux aspirations démocratiques de la société.

Des ministres de la République dont celui en charge de l’intérieur ont affirmé et confirmé publiquement et même tout récemment, à plusieurs reprises, sans raison légale évoquer et sans être rappelés à l’ordre, une option officielle de refuser la création de nouvelles formations politiques. Y’aurait-il une circulaire, un décret ou une ordonnance non connus qui aurait configuré et figé arbitrairement et administrativement le champ politique en lieu et place de la Loi sur les partis en vigueur? Des citoyens auraient-ils donc, seuls, à l’exclusion de tout autre, le monopole du droit de création de partis politiques, de syndicats et d’associations ? Les dispositions constitutionnelles seraient-elles donc sujettes à marchandage politique et partisan clientéliste ? Ce qui est sûr, c’est que l’Algérie et le peuple algérien sont victimes d’un style de gouvernement qui gèle les lois lorsqu ‘elles n’agréent pas le pouvoir.

Le chapitre IV de notre texte fondamental relatif aux libertés politiques et droits civils serait-il donc suspendu par le gouvernement sans que les citoyens n’en soient informés ? Qu’est-ce qui autorise donc le gouvernement à geler des lois en vigueur ? Il est légitime de poser la question : à défaut de parti unique, l’Algérie est-elle tombée dans le règne de la pensée unique?

La récurrence et les manifestations multiformes des violations de la Loi en la matière interpellent gravement, en particulier l’instance parlementaire en charge de la promotion et de la protection des libertés, de par l’article 122 de la Constitution.

Loin de réduire les aspirations des citoyens à des questions de tube digestif, la généralisation de protestations sociales, parfois violentes, dans tout le pays, confirme une absence de dialogue et de médiations révélateurs de graves disfonctionnements dans le dispositif des droits et libertés. (...)

(...) Oui, il est très important de protéger, conforter et surtout appliquer les droits et libertés consacrés par la législation en vigueur et acquis souvent dans les larmes et le sang. En effet, à la base, l’Etat de droit est d’abord l’Etat qui applique ses lois et qui fait du Droit l’instrument fondamental de ses rapports avec les citoyens et de ceux-ci entre eux. (...)

Il est donc urgent pour l’Assemblée nationale d’enquêter sur l’état de l’exercice et du respect des libertés publiques et des droits civils et politiques.(...) Sur la base de toutes les données sus-citées, nous proposons à l’Assemblée populaire nationale la mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire en vue de constater l’état de l’exercice des libertés publiques et des droits civils et politiques.

Proposition de résolution

1- La création d’une commission d’enquête pour évaluer et apprécier l’exercice des droits civils et politiques et des libertés publiques en Algérie à la lumière des dispositions juridiques y afférentes en vue d’examiner les violations dont fait état l’opinion publique, des acteurs politiques et sociaux et des citoyens.

2- La Commission cernera les termes de la problématique de la régression des libertés publiques et droits civils, ses visées, ses circonstances, ses justifications et ses effets sur les citoyens, les institutions et l’Etat à travers une investigation poussée auprès de toutes les parties concernées notamment les Départements et institutions en charge ou en rapport avec les libertés et les organisations de la Société civile et politique et autres personnalités ressources, ce par l’audition de toute personne et responsable concernés ainsi que par la collecte de documents et de preuves et la sollicitation de toute expertise nécessaire.

3- Outre une évaluation générale de notre législation la Commission aura à présenter un rapport sur l’effectivité de l’exercice des droits et libertés dans notre pays ainsi que des propositions susceptibles de mieux garantir cet objectif à l’avenir afin d’éviter la reproduction des violations décrites en introduction.

Délégué des signataires de la résolution : Ali Brahimi

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Commentaires (3) | Réagir ?

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Sid Ali Brahimi

Tant que l'Etat algérien ne consulte pas la société civile par le canal des parlementaires, notamment ceux qui exigent à juste titre, la constitution de deux commissions parlementaires dont l'une, pour faire toute la lumière sur les canaux et les ancrages de la corruption que tout le monde imagine le shema, du reste très bien illustré par un article d'El Watan et, l'autre commission sur les droits et les libertés, je ne crois pas sans cela, que l'Etat cherche une sortie de crise pour le pays et non pour les tenants des rênes, dont ces rênes s'effritent au fil des protestations !

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Sid Ali Brahimi

Cela fait deux commissions que quelques parlementaires honnêtes appellent : la corruption et les droits civiles. Deux fléaux et deux indicateurs d'un Etat dictatorial. Les faux semblants du pouvoir sont trahis avant même l'entame de la soi-disant commission de recueil des avis de la société et des personnalités civiles, représentée par une personnalité du sérail. Il aurait fallu une commission représentative de tous les acteurs de la société et, comme l'a suggéré Moussa Touati, en présence de la presse en général. Le pouvoir a contourné cette passerelle, laquelle pourtant, ne pouvait que rehaussée sa crédibilité dont toute la société en doute. Un retour encore une fois à la case départ, c'est à dire, un recul de deux décennies.

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