“Quelque lignes, quelques silences, quelques douleurs et …”

Je viens par la présente contribution libérer mon désespoir en boite avec “Quelque lignes, quelques silences, quelques douleurs et …”
Ma poésie d’un haraga ‘ancien cadre’ , chômeur depuis 1997, est l’élégie qui laisse entendre sa longue plainte et ses déboires dans un très beau pays mal administré auquel on prête mille maléfices et mille enchantements ou sont mélangés dans la plus grande confusion :
“Mouches ignorantes, cadres marginalisés, dinosaures, ombromanes, batteurs de bendir et la liste est longue”…
Par cette évocation du chao, je vous invite à lire l’Histoire qui titube sur les tréteaux d’un pays fantoche : celle de l’extrémiste qui jura d’instaurer la charia, celle du laïc dont la vie ne fut pas un “ escalier de verre ”, celle de la nomenklatura qui a orchestré le délire dans le feu, les bras tendus vers l’occident.
Ce chant est enfin celui d’une élite aujourd’hui handicapée des deux pieds par les services secrets qu’on loue de brigades anti-terroriste.

Texte 01 : Les hordes

Ils sont revenus, cette nuit encore
J’ai entendu les bruits

De leurs pas qui vont et viennent
Entre les arbres

Il ne peut battre son plein
Ce cœur porté par mon pied
Qui retient la porte
Qui retarde l’envolée
Et qui tremble
Devant la horde
Qui s’éloigne
Dans la nuit d’à coté.
Comme la veille.
Comme les autres fois.
Je ne sais depuis combien de temps se répète ce manège.
Au début, je croyais à quelque farce
D’un voisin venu caracoler sous mes fenêtres.
Mais aucun d’eux ne pos­sède de sabre.
Je vais chercher mon luth et jouer un peu de musique
il ne faut pas grand-chose pour être heureux

Texte 02 : Hommage à Matoub

Je suis revenue de loin
Avec un avant-goût de Matoub
À Tizi
Où je n'avais jamais vécu auparavant.
Si je parviens à retrouver
L’arcane de son épopée
Je flânerais encore
Au quartier de son enfance.
Place de l’ancienne mairie
Je danserais un peu.

Je verrais le jour se lever au mont Djurdjura,
Goutte d'obscurité dans une jarre.
Je prendrais un café à Larbaâ Nath Irathen
Lentement je monterais la grande pente
Sous l’auvent de la maison de Matoub
Je m'arrêterais ...
Je repartirais sans lui dire adieu
Mais ce n'est pas pour lui
Que je serais triste:
C'est pour moi.
Je croyais nouer avec lui une parole ombilicale pour le ressusciter par mes prières
C'est lui qui m'a survécu, insouciant.

Texte 03 : Frère Matoub

La ville est muette
Et sans air
Le silence s’étire
A l’envers
La main brandie
Ouvre son éventail
Chute ma prière
Qui veut marcher…
Je suis terrorisé
Un arbre
Devient une forêt étrange
Comme un lieu de légende
Dedans long brame
Des grandes bêtes vigiles
Impossible de crier
La mort est là debout
Dans cet instant non encore advenu
Prie prie avec moi frère Matoub
Je suis perdue de toute façon
Ma disparition ne provoque
Pas mon absence

Texte 04 : A l’aurore

Nous revenons pas à pas
De nos terres
Tachés de sang

C’est une nuit sans nom
Que nous ne n’oublierons pas
A cause de l’odeur insolente
Du silence
Qui tue
Et de l’hydre de l’enfance
Qui continue
De cuver ses rancœurs
Mais nous devons y retourner
Tout de même
comme des aveugles
Indifférents et patients,

jusqu’à ce que notre soif débusque
Cette langue en fugue
qui nous a écorchée
puis abandonnée

Texte 05

Je crois que beaucoup de monde meurt de la misère mais aussi de cette absence de nourriture culturelle dans ces pays ou des energumene comptables bloquent tout esprit qui ait un élan de semence, peut vaincre la matière...

Texte 06

Toutes ces lois peuvent et ne peuvent pas être discutées.
Puisque, entre ce qui est banni
et ce qui n’est pas banni,
Il y a le grand livre de signes,
de marches en bois vert et de garde-fou.
Réunies, ses lignes de force tiennent
des leçons de l’ancien régime
D’un art totalitaire d’après guerre.
On dit que celui qui le rédigea
Était en croisière.
Ivre mort.
Ah ! Nous n'étions pas nés encore.

C'est alors que vient un petit roitelet
Et ordonna de séparer de sens contraire
La populace par une barrière
Pour l’apaisement surtout
Afin de voir clair :
L’oeil des animaux,
Les insultes fumeuses dans la bousculade,
La rumeur qui sort des blés,
Le rire des généraux
Et les enfants qui s’envolent

Abdelkader Kabache

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Commentaires (3) | Réagir ?

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Solstice

En pensant à chacun de nos drames qui ne semblent pas connaitre d'épilogue, comme si la fin d'un drame régénère systématiquement un autre encore plus tragique, elle me revient à l’esprit la sentence prémonitoire de Mouloud Feraoun, NOS MALHEURS DE DEMAINS SERAIENT PIRE QUE CEUX D'AUJOURDHUI,

Quelle est la différence entre la France coloniale qui nous a jeté dans l'obscurité de l'ignorance, et de la misère et les colons prédateurs de l’Algérie indépendante, qui jettent au quotidien, nos enfants à la mère pour servir d'appât aux bêtes féroces des fonds marines.

L’Algérien semble t-il est le Sisyphe de ses gouvernants prédateurs, dans toutes les périodes de son histoire, il est condamné par le ciel à rouler le rocher, jusqu’à ce qu’il se révolte contre les chaînes séculaire de sa soumission car la servilité et la résignation, sont les véritables blasphèmes, tout le reste est le superflu de la religion, que les marchands de la Mort. l’ont bien fructifié, pour immoler tout un peuple.

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Maurice-Alain Baillergeau

C'est seulement à cause de ceux qui sont sans espoir que l'espoir nous est donné. [Walter Benjamin) 39/45 a pris fin, la colonisation aussi.

L'Europe fédérale est morte sous les coups des inconscients, les pays autour de la Méditérrannée vont prendre le relais et retrouver les échanges des temps immémoriaux.

Vos écrits, d'une vérité et d'une douleur infinies, sont peut être ceux qui marquent le temps mort avant la remontée vers la surface et l'espoir - Ne lâchez pas prise !

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