Identité, nantis et démunis : Lettre ouverte au frère Saïd Sadi

Saïd Sadi.
Saïd Sadi.

Vue sa persistance dans les discours, je reviens sur un thème dont j’ai déjà parlé ; j’espère contribuer davantage à son éclaircissement.

J’ai lu cette déclaration de votre part : "Personnellement, et je ne crois pas être le seul, je pense que l’escamotage, voire la néantisation de la problématique identitaire est à la base des dérives et turpitudes qui ont transformé un pays, dont je continue à dire qu’il aurait pu être la Californie de la Méditerranée occidentale, en terrain vague où se libèrent les instincts les plus grégaires.” (Article de Nadir Iddir, Dr Saïd Sadi. Ancien président du RCD, auteur Askuti, c’est la synthèse de l’abîme politico-culturel du pays, in Askuti, c’est la synthèse de l’abîme politico-culturel du pays)

Ecartons un malentendu. Certes, la question identitaire est réelle, et la revendication dans ce domaine est un droit totalement légitime. Mais ce problème est-il vraiment, comme l’auteur l’affirme,"la base des dérives et turpitudes" ? Personnellement, je ne le pense pas, ni en Algérie ni ailleurs dans le monde. Voici pourquoi.

Prenons trois exemples.

1.

Aux U.S.A., les citoyens d’origine africaine, appelés Afro-Américains, sont-ils niés seulement à cause de leur identité ?… Celle-ci n’est-elle pas uniquement le prétexte pour justifier autre chose : leur exploitation économique ou leur exclusion des richesses du pays, et, pour l’obtenir, leur domination politique et idéologique ?…

En voici la contre-preuve : quand un citoyen U.S. d’origine africaine parvient à se placer dans la catégorie des exploiteurs-dominateurs (en devenant, par exemple, patron d’une usine ou maire d’une ville), ne le voit-on pas accepté sans problème dans la catégorie sociale des privilégiés, et cela sans considération de son identité africaine ?

L’exemple le plus symbolique et significatif est Obama. Malgré son origine africaine et le fait d’être un immigré de fraîche date, n’a-t-il pas été président du pays, précisément avec le soutien de la caste dominatrice, laquelle a une identité différente ? Et ce président n’a-t-il pas assuré le maintien du système sociale caractérisant les U.S.A. ?

Par conséquent, ce qui est "la base des dérives et turpitudes", dans la société états-unienne, ce n’est pas l’identité (origine africaine par rapport à celle anglo-saxonne des Wasp : White Anglo-Saxon Protestant), mais la situation économique de l’individu dans la hiérarchie sociale : du côté bénéficiaire ou de celui exclu des richesses du pays.

2.

En France, on sait que les immigrés sont rejetés à cause de leur identité. Mais quand l’un d’eux parvient à s’affranchir de sa condition économico-sociale d’exploité (ou exclu)-dominé, n’est-il pas accepté comme député, sénateur et ministre ?

3.

Venons au cas algérien. Quand un Amazighe (kabyle, mozabite, chaoui, etc.) se trouve se mettant du côté des nantis, et s’accommode du système social existant actuellement dans le pays, ne devient-il pas membre de la caste dirigeante, sans problème ni discrimination ?

Il est vrai que l’Algérie n’a encore jamais eu de président de la république d’origine amazighe. Mais, à supposer le cas, quelle garantie avons-nous qu’il ne sera pas simplement un Obama, c’est-à-dire au service de la caste dominante ?

Par conséquent, ce n’est pas le fait d’avoir une identité amazighe qui le rend acceptable et membre de celle-ci. Ce qui détermine son statut social est sa situation économique de nanti et son choix idéologique de faire partie de cette caste, ou de démuni et sa révolte contre cette discrimination. Dans ce dernier cas, l’identité n’est qu’un élément qui est revendiqué en plus. "Ah ! Vous m’excluez du travail, ou vous me payez mal, parce que je suis amazighe !"

Mais non !… Puisqu’il y a, aussi, des arabophones qui sont chômeurs ou mal payés.

Mais, non !… Puisqu’il y a, également, des Amazighs qui exploitent leurs compatriotes, et des arabophones, les leurs.

Alors, devient évident le fait que l’identité est agitée seulement comme un arbre pour cacher la forêt : exclure des richesses nationales le citoyen le plus faible, et, pour celui dont la force de travail est nécessaire, lui accorder un salaire, en prélevant un profit, la fameuse plus-value.

Ces faits ne prouvent-ils pas que la base des "dérives et turpitudes" de n’importe quelle société humaine, y compris l’algérienne, n’est pas l’identité mais d’abord la position dans un système social, caractérisé par l’existence d’une minorité nantie, vivant au détriment d’une majorité dominée ? Et que, par conséquent, l’identité est utilisée seulement comme prétexte pour cacher justifier cette situation de base ?

Il en est, d’ailleurs, de même de la religion. Identité et religion sont, certes, des droits humains inaliénables. Mais toutes les deux sont utilisées pour détourner l’attention des victimes sociales de la cause véritabble de leur malheur.

Ne pas le comprendre c’est tomber dans le piège, par ignorance. Ne pas l’admettre, c’est être complice de ceux qui manipulent ces deux aspects idenditaires pour cacher leur motivation réelle, celle de “base”, la racine.

Alors, attention à ne pas mettre la charrue devant les bœufs ! Veillons à déceler la vérité malgré les masques qui veulent la cacher.

"Tu rabâches des idées vieillies !", objectera-t-on. Hélas!… La description que j’ai exposée est une réalité encore actuelle, et plus cruelle aujourd’hui que par le passé, vu le triophe du capitalisme sur toute la planète. Une minorité de requins-sangsues jouissent de vivre en ignorant les plus démunis et en faisant suer la majorité de l’humanité, partout sur cette planète, Algérie comprise.

Ajoutons cette observation.

"Mais tes paroles divisent les citoyens !", me reprochera un autre.

Voici ma réponse :

- Mes paroles ne font que décrire la réalité. Ceux qui ont divisé la société sont les profiteurs qui la dominent, quelque soit leur identité ethnique ou religieuse. Ceux-là, leur identité réelle et première a un nom : capitalistes. Cela signifie amasser de l’argent au détriment des autres. Ce sont eux qui ont établi la division de la communauté humaine en deux parties antagonistes ; la première tire profit de la seconde. En parlant de la société, j’agis simplement comme un médecin devant un corps humain. L’accuserait-on d’être la cause d’une maladie quand il se contente de la constater ?

Encore ceci. Vive la liberté !… Mais celle de chacun a une limite : ne pas s’exercer au détriment d’un autre. De là s’ensuit une règle. Tout être humain est libre de revendiquer et d’avoir le droit à l’identité ou à la religion de son choix. Mais là, aussi, existe une limite : que ce choix ne cause pas de dommage à un autre. Ce que j’affirme ici n’est-il pas conforme à la raison et à la justice ?

L’argent ! Oui, l’argent, ou plus exactement son accumulation capitaliste est le nerf de toute guerre, et d’abord de celle cachant son nom : la guerre sociale.

La preuve ?… Supprimez l’exploitation économique, il n’y aura plus besoin de domination politique-idéologique ; alors, chacun sera libre et respecté dans son identité et sa foi religieuse.

Des exemples existent : les rares phases historiques où les humains ont pu réellement vivre libres et solidaires ; de même, les rares associations entre citoyens libres et solidaires. J’ai dit "rares" parce que l’humanité reste encore sous l’horrible joug de la domination, permettant l’exploitation de l’être humain par son semblable.

Mais ce qui est rare pourrait l’être moins ; il suffit de contribuer à en créer les conditions, avec patience et intelligence, filles de l’esprit libre et solidaire.

De tout ce que je viens de dire, je présente la demande au frère Saïd Sadi.

Quand vous dites que "la problématique identitaire est à la base des dérives et turpitudes", que proposez-vous pour garantir qu’une fois le problème identitaire réglé, nous n’assisterons pas à la naissance d’une nouvelle caste qui exploitera et dominera ses compatriotes de la même identité ?

Vous savez que nous avons déjà failli une fois. Contre le colonialisme, nous avons combattu pour notre identité algérienne. Mais cet idéal fut manipulé par une camarilla ; elle s’est érigée en une nouvelle caste, réduisant les citoyens à des sujets asservis, sans distinction de leur identité arabophone ou amazighe. Un travailleur arabophone n’est-il pas victime des mêmes iniquités que celui amazighophone ?

Dès lors, comment s’assurer que la reconnaissance de plein droit de l’identité, dans ce cas amazighe, ne finira pas de la même manière ? Autrement dit, comment l’issue ne serait pas la naissance d’une minorité de nantis amazighs vivant et jouissant au dépens d’une majorité de leurs compatriotes démunis ?

Écartons un éventuel malentendu.

Cette question n’est pas inspirée par une conception jacobine, centralisatrice et autoritaire d’une nation, au service d’une majorité ethnique au détriment d’une autre, minoritaire. Cette interrogation est simplement dictée par un souci : le projet d’une Algérie constituée de régions autonomes, liées par un pacte fédéral, n’est valable que s’il vise à transformer le pays en une nation politiquement démocratique, économiquement bien portante, culturellement éclairée, enfin à l’abri d’agressions impérialistes. Cela implique justice sociale, liberté et solidarité entre les citoyens, quelle que soit leur identité.

Dès lors, peut-on déclarer que le problème identitaire est "la base des dérives et turpitudes" du pays, sans préciser son insertion dans un cadre économico-social qui le produit et le conditionne ?… Sans cette clarification, la revendication identitaire ne devient-elle pas un simple prétexte pour conquérir une position au sein d’une nouvelle caste dominatrice ? Dans ce cas, où serait l’aspect émancipateur pour le peuple laborieux de cette ethnie ?

Fraternellement,

Kadour Naïmi

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Commentaires (9) | Réagir ?

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gestion

verry nice post, thanks for share

http://virtuelcampus. univ-msila. dz/inst-gtu/

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Massinissa Umerri

Une preuve supplementaire, a ceux qui commandent "Le Matin", qu'ils ont besoin d'une edition "khorotto", c. a. d. en Arabe et que la "reflection" model arabe, cesse de polluer partout. Bref, vous usez des motes "ethnicite'", "culture" a tout-venant, tout en traitant de race... Comme c'est le cas Obama - qui n'a rien d'Africain que la couleur de sa peau. Quand a sa tete, elle est Irelandaise, c. a. d. celle de sa mere et sa famille maternelle qui l'a eleve'. De son pere, il n'y a presque pas de trace. Puis, vous parlez de ces "presidents" qui seraient comme-ci comme -ca, s'ils etaient Amazighs. Mais, ca va dans la tete ou quoi ? Tous les presidents et politiques en Algerie sont Amazighs, a l'exception de Gamal Abdel-Nasser, qui est leur maitre par influence ideologique... Puis vous inserrez "arabophones" dans le tas, mais pas Arabes... Franchement, dans le sujet que vous essayez d'aborder, il y a 2 groupes": Les malades et les non-malades, Mais surtout que ce triage ne concerne que les Algeriens, et certainnement pas les Kabyles. Nous sommes un Peuple, Nation et Pays a part - Sous domination algerienne certes, mais tout votre charabia, ainsi que celui dumalade-dooctoor-en-chef, ne concerne que les horottos, et cela vous avez oublie' de le preciser, c. a. d. le domaine de definition de votre analyse-khorotienne. Quand on s'invente des histoires pour nier sa race et son heritage, on est tout simplement malade, et les plus malades de ceux-la sont les plus odacieux, allant jusqu'a tuer tout ce qui ose exprimer leurs quatre verite's. Je fonctionne en Anglais exclusivement depuis des decennies, c. a. d. toute ma vie d'adulte, comme Citoyen Americain, et n'ose ou ressens le besoin d'apparaitre Anglo-quoi-que -se soit... Je suis Kabyle, de race et de culture et Citoyen Americain. Mes co-Citoyens, quelque soit leur race ou heritage culturel ou ethnique, reconnaissent et salut les miens par fraternite' patriotique et notre adhesion volontaire a quelques valeurs fondamentales inscrites dans la Constitution et declaration d'Independence de ce pays, que nous partageons.

Tout compte fait, ces valeurs definissent la notion de Citoyennete', qui est la mesure commune a tous.

La culture Amazigheest riche et magnifique en concepts et valeurs, avec un point faible qui est responsable de sa defaillance: La Langue. Les Anglais, nos cousins lointains, avaient ce probleme durant des siecles, ce qui les a expose' a la dominance des Allemands et Francais. Un jour, ils se sont mis au travail, et ont modernise' leur langue, au point ou elle est devenue, une veritable arme... leur seule arme, tout compte fait et unevaleur: l'honnetete'. Cela est possible, d'un point de vue scientifique, si seulement les males de la region, decidaient un jour de cesser d'etre les madama du psychopthe, analphabet du 7eme siecle, de labas...

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