Au pied du mur, le clan Bouteflika cherche une sortie de crise

Abdelaziz Bouteflika.
Abdelaziz Bouteflika.

Incapable de dynamiser l’économie de l’Algérie ou d’intégrer l’OMC, le gouvernement Bouteflika mise tout sur une augmentation du prix du pétrole.

Il y a une bonne raison pour laquelle la réunion de l’OPEP les 28 et 29 septembre prochain se tient Alger. Après quatre mandats au pouvoir le régime du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a démontré son incapacité à diversifier l’économie de l’Algérie. Cette situation était bien détaillée dans le document "Shale Gas in Algeria No Quick Fix" publié en novembre 2015 par l’Energy Security and Climate Initiative (ESCI) du Brookings Institution. "Algeria continues to struggle to diversify its economy and especially its exports, which even for an OPEC country are markedly reliant on hydrocarbon sales. In addition, the authorities struggle to create the right conditions to attract foreign investors, apart from the energy companies who have been in the country for a long time and have grown accustomed to Algeria’s specificities" y est-il mentionné dans la conclusion en page 24. Les auteurs du document ont de plus remarqué le manque de démocratie en Algérie et le fait que les élites sont dans un état de guerre potentielle avec la population algérienne. "The Algerian regime stands out as particularly opaque and authoritarian even in a region known for opaque, authoritarian regimes. Clement Moore Henry and Robert Springborg classify it as an archetypal “bunker regime”—almost a military outpost in a “potential state of war” with Algerian society, even as competing political clans maneuver within the state “bunker” to secure power", ont-ils affirmé des dirigeants du pays en page 9.

Cette situation se complexifie par le fait que le gouvernement Bouteflika ne peut pas non plus compter sur l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour l’aider dans sa diversification économique puisqu’il n’en fait pas partie. Alors que depuis le 29 juillet l'Afghanistan est devenu le 164e pays à faire partie de l’OMC et que le Liberia l’avait fait deux semaines auparavant, l’Algérie a depuis 1994 mené 12 rounds de négociations multilatérales. Ces négociations pour adhérer à l’OMC ont donc duré pendant tous les quatre mandats de Bouteflika et rien n’a abouti. La raison en est que la structure actuelle de gouvernance de l’Algérie est en contradiction directe avec les principes de l’OMC qui demande un traitement égal de toutes les entreprises. Or, le gouvernement algérien crée des lois, réglementations et réformes qui ont en commun de favoriser ou nuire à des acteurs économiques ciblés. Comme les clans au pouvoir en Algérie font les lois à la pièce en fonction de leurs propres besoins, l’adhésion à cet organisme qui gère la presque totalité des transactions commerciales internationales leur causerait d’importantes pertes financières. En fait, l’Algérie prend même la direction opposée puisqu’elle crée présentement des restrictions commerciales alors que dans son dernier rapport l’OMC a mis les pays en garde contre les répercussions dangereuses d'une telle augmentation.

Comble de malheur pour l'Algérie, selon la Banque mondiale, elle risque la faillite dans moins de cinq ans. La dégringolade économique s’accentue donc et peut être remarquée dans l’achat de produits dispendieux comme des automobiles par la population. La facture d’importation des véhicules durant les sept premiers mois de 2016 est en baisse de 68 %. La situation est encore pire au niveau du nombre de véhicules importés. Ils passent d’environ 203 000 unités pour cette période en 2015, à un peu plus de 53 000 véhicules cette année, soit une diminution d’un peu moins de 74 %. Pris à la gorge, le gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika a souligné le 20 août, le caractère incontournable du processus de réformes économiques. Il reste au régime à travailler avec acharnement à une augmentation rapide du prix du baril de pétrole.

Les lobbyistes d’Alger tentent donc de trouver un accord qui pourra réconcilier l’Arabie Saoudite et l’Iran. Les tentatives d'Abdelaziz Bouteflika de faire baisser la production mondiale de pétrole pour en faire monter le prix se butent cependant à deux grands obstacles. En premier, non seulement l'Arabie Saoudite n’est pas prêt à diminuer sa production, mais elle l’a en fait augmenté depuis le début de l'année. Le dernier rapport de l'OPEP montre qu’elle a atteint 10,6 millions de barils par jour (mbj) en juillet, contre 10,2 mbj au trimestre précédent. Le prix du baril de brent est donc aux environs de 50 $. Un assez bon prix si on considère celui avoisinant les 30 $ auquel il était descendu il y a un an, mais tout de même très loin des 140 $ qu’il a déjà valu. De plus, l’Iran veut récupérer à tout prix sa part du marché du brut d'avant les sanctions internationales. Elle vient donc d’augmenter sa production à 3,85 mbj par jour alors qu’elle était de 2,7 mbj avant l'accord nucléaire de 2015. Cette lutte entre l’Iran et l'Arabie saoudite, pour des parts de marché a d’ailleurs été centrale dans l'échec de la réunion de l'OPEP au printemps.

Le résultat de toute cette situation est que face à un important déficit budgétaire, la population algérienne est touchée par des compressions importantes qui s’empilent. L’avant-projet de la loi de finances 2017 prévoit de nouvelles taxes dont une sur l’efficacité énergétique pour économiser l’énergie. La grogne s’élève donc dans la société oppressée. La secrétaire générale du PST, Louisa Hanoune, qualifie les dernières lois sur le remodelage du code électoral et des retraites, de dérives autoritaires d’un gouvernement qui multiplie les atteintes aux libertés démocratiques, de la presse et d'organisation. Elle dénonce aussi la corruption du pouvoir politique qui dilapide l’argent de l’État pendant que les oligarques ne paient pas leurs impôts et envoie leur argent hors du pays. Une escalade qui intervient, selon elle, dans un contexte de crise de succession à la tête du pays. Pour elle, le régime a provoqué la déliquescence des institutions et donne des coups de poignard dans le dos de la Révolution.

Le FLN dénonce pour sa part le viol de la ligne du parti, par des attaques des membres du bureau politique sur des moudjahidine et moudjahidate et demande le départ de Saâdani. De l’autre côté de cette brèche sociale qui s’agrandit, l’armée continue à s’abreuver avec la même intensité au robinet du régime. Le gouvernement vient d’ailleurs d’annoncer que les militaires ne subiront aucune compression. L’armée vient de plus de se doter d’un nouveau bâtiment de guerre qui possède les technologies les plus modernes dans le domaine militaire naval.

Michel Gourd

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Commentaires (12) | Réagir ?

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msilaDSP DSP

MERCI

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moh arwal

Le plan A pour 2019, c'est said Bouteflika au pouvoir mais en cas de faillte et d'implosion ils préparent l'élection anticipée comme plan B.

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