Turquie : l’échec du putsch cache l'autre coup d'Etat mené par Erdogan

Le président Erdogan plus puissant après le putsch de vendredi.
Le président Erdogan plus puissant après le putsch de vendredi.

Quelque 45.000 individus sont arrêtées ou licenciées en Turquie suite au coup d'Etat avorté de vendredi dernier. Dans le lot au moins 118 généraux et amiraux dans tout le pays ont été placés en garde à vue, suspectés d'implication dans le coup d'État manqué, selon l'agence Anadolu. 6038 militaires placés en garde à vue. Et environ 3000 fonctionnaires ont été suspendus.

Ces chiffres avancés par les autorités turques montrent l'ampleur de la purge en cours. A croire que tout le haut commandement militaire est désormais derrière les barreaux. Depuis le putsch raté de vendredi dernier, le gouvernement de Tayyep Erdogan poursuit sans sciller sa chasse aux sorcières. Le peuple turc assiste médusé à une véritable opération d’épuration du mouvement güléniste et d’autres organisations de l’opposition. C'est en fait un président plus puissant et déterminé qui sort de l'échec du putsch de vendredi.

Dans un article très intéressant, le quotidien britannique The Telegraph observe que l’échec du coup d’Etat mené par des militaires sert actuellement de couverture à un autre coup d’Etat mené par le président Erdogan. Selon Con Coughlin, du Telegraph, "le fait que Washington évoque ouvertement la possibilité de suspension de la participation de la Turquie à l'Otan montre à quel point les relations se sont détériorés entre Ankara et ses alliés occidentaux après le coup d'Etat avorté".

La féroce répression visant plusieurs segments de l’Etat (Armée, magistrats, police, enseignants) et la société suscite réprobation et suspicion au sein de la communauté internationale. L’argument du démantèlement de l’organisation de Futhullah Gülen, réfugié aux USA, ne convainc pas grand-monde. Des spécialistes émettent même des réserves sur les motifs avancés par le gouvernement dans l’arrestation de nombreux militaires. Ce putsch raté est utilisé comme une occasion opportune par le président pour éliminer définitivement tous les ressorts de l’opposition afin de s’arroger les pleins pouvoirs et d'asseoir son autorité à demeure.

Ainsi Ahmet Insel, professeur de l’Université de Galatasaray, estime, dans un entretien au quotidien français Ouest France, que tous les officiers arrêtés "ne sont pas des gülénistes, mais il est probable qu'un noyau soit impliqué dans cette action".

Con Coughlin souligne que la question de l'éventuelle éviction de la Turquie est posée sur fond de "tour de vis autoritaire" que Recep Tayyip Erdogan s'est mis à pratiquer après les événements de la semaine dernière.

Cependant, en dépit de la répression subie par l’opposition et l’impitoyable guerre menée contre la minorité kurde, la Turquie d’Erdogan a su garder sa place au sein de l'Otan. Il est vrai aussi que la position stratégique de ce pays y est pour quelque chose puisqu’il permet à l’organisation d’avoir un point d’observation et des bases militaires proches de la Russie. A contrario, au regard de la tournure des événements, le président Erdogan pourrait se mettre sur le dos certains de ses alliés occidentaux qui voient déjà assez mal ses penchants islamistes. En la matière, le quotidien turc Cumhuriyet avait pointé de probables liens entre les services secrets turcs et des islamistes syriens. Dans une vidéo diffusé par ce quotidien, on voit des armes aux islamistes syriens. Ces révélations ont coûté cher au quotidien.

Les Etats-Unis par la voix de John Kerry a déjà appelé le président turc à respecter les droits de l'homme. Les Européens aussi ont élevé la voix, notamment après l'évocation d'un possible rétablissement de la peine de mort dans le pays.

Certains observateurs vont plus loin. "S'il a l'intention de poursuivre sa ligne radicale islamiste dans l'avenir, l'Otan n'aura pas d'autre possibilité que de se débarrasser de son allié turc qui lui pose tant de problèmes", pronostique Con Coughlin du Telegraph.

Faut-il cependant rappeler, au-delà de l'accélération des événements ces derniers jours, le président Recep Tayyip Erdogan n'a pas attendu qu'il soit la cible d'un coup d'Etat pour réprimer sans pitié la presse, l'opposition de gauche (notamment) et les Kurdes. N'a-t-il pas introduit un amendement visant à la levée de l'ummunité parlementaire des députés kurdes ? L'armée, quant à elle, a connu de nombreuses purges ces dernières années.

Hamid Arab

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Commentaires (3) | Réagir ?

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msilaDSP DSP

merci

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chawki fali

merci pour l'information et le partage

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