Turquie: l’impitoyable traque des putschistes, Erdogan veut la tête de Gülen

Turquie: l’impitoyable traque des putschistes, Erdogan veut la tête de Gülen

Après le putsch avorté contre le pouvoir du président turc Recep Tayyip Erdogan, des milliers de partisans sont de nouveau descendus dans les rues d'Ankara et d'Istanbul au soir du samedi 16 juillet 2016 pour manifester leur soutien aux autorités. Le chef de l'Etat a participé au rassemblement d'Istanbul. Face à la foule, il a demandé au président américain d'extrader son vieil adversaire Fethullah Gülen, qui vit aux Etats-Unis. Il a aussi parlé d'un retour de la peine de mort en Turquie. Une purge a commencé dans le pays, bien au-delà de l'armée.

Les rassemblements de samedi ont été importants, surtout à Istanbul et beaucoup moins à Ankara. Les Turcs qui avaient été invités à manifester toute la journée, via des SMS envoyés par les opérateurs mobiles, ou encore à l'aide des très nombreux appels d'imams proférés depuis les mosquées, notamment lors des appels à la prière. Une nouvelle véritable démonstration de soutiens pour Recep Tayyip Erdogan après le coup d’Etat manqué.

Le président turc était lui-même présent lors d'une de ces manifestations à Istanbul. Un rassemblement au cours duquel la foule a notamment réclamé que les responsables du coup d'Etat manqué soient lynchés, rapporte notre correspondant sur place, Alexandre Billette. Ce à quoi le chef de l'Etat a répondu en promettant à ses soutiens que la question de la peine de mort allait être soumise au Parlement prochainement. En Turquie, la peine capitale a été abolie il y a dix ans.

Passages à tabac

Si quelques-uns sont parvenus à s'enfuir, officiellement, le bilan du coup d'Etat manqué est très lourd : 161 morts et 1 440 blessés dans les forces loyalistes et chez les civils, selon le Premier ministre Binali Yildirim. Selon l'armée, 104 insurgés ont été abattus dans ses rangs. Quelque 2 839 militaires auraient été arrêtés. «Ces lâches se verront infliger la peine qu'ils méritent», a déclaré le chef du gouvernement.

Des soldats rebelles auraient déjà été passés à tabac. Un photographe de l'Agence-Presse confie avoir assisté, sur un pont d'Istanbul, au lynchage de deux militaires. L'un d'eux est mort sous ses yeux. Le département d'Etat a déconseillé aux Américains de se rendre en Turquie, et les accès à la base d'Incirlik, dans le sud du pays, ont été fermés. Les Etats-Unis ont donc suspendu leurs opérations aériennes contre le groupe Etat islamique en Syrie.

Un "Etat parallèle" turc ?

Pendant les 24 premières heures après le début du putsch, après son retour express de vacances en pleine nuit, le président Erdogan s'est donc prêté à un savant exercice de communication. Jusqu'à samedi soir, il a tout fait pour démontrer le soutien populaire dont il bénéficie dans le pays, et qui justifie à ses yeux les mesures qu'il entend désormais prendre pour punir les mutins qui se sont dressés contre lui.

Au centre du courroux présidentiel : Fethullah Gülen. Agé de 75 ans, le prédicateur musulman turc vit en reclus en Pennsylvanie depuis 1999. Mais cet un homme est à la tête d'un mouvement très influent dans son pays, et le président turc voit en cet ancien allié un ennemi juré. A peine arrivé à l'aéroport d'Istanbul samedi matin, Recep Tayyip Erdogan a dénoncé un soulèvement dans lequel «l'Etat parallèle», la confrérie Gülen, «a également une part». Il l'a de nouveau sous-entendu samedi soir devant la foule.

Les partisans du président turc Tayyip Erdogan se rassemblent sur la place Taksim à Istanbul, le 16 Juillet 2016.REUTERS/Alkis Konstantinidis

Demande d'extradition

"Ici j'en appelle à l'Amérique, j'en appelle au président (américain Barack Obama). Monsieur le président, je vous le dis, renvoyez ou livrez-nous cette personne !», a lancé M. Erdogan à ses soutiens stambouliotes samedi soir, sans jamais prononcer le nom de Fethullah Gülen, que le président américain Barack Obama a toujours refusé de renvoyer en Turquie. «Il y a un jeu avec l'armée, et cela est lié à des forces extérieures", insiste le président turc.

Dans un entretien accordé au New York Times un peu plus tôt, alors que Recep Tayyip Erdogan reprenait la main dans le pays, Fethullah Gülen avait fermement dénoncé le putsch, se défendant d'avoir le moindre lien avec un quelconque complot, et suggérant à son tour qu'il était «possible» que le président turc en soit lui-même l'instigateur. Washington, qui a promis d'aider son allié turc dans son enquête sur le coup d'Etat, a néanmoins réclamé à Ankara des preuves d'une éventuelle implication de M. Gülen avant de parler d'extradition.

Aussitôt après, la purge

Pour la confrérie Gülen aussi, la purge est lancée. Plus de 2 700 juges et un magistrat de la Cour constitutionnelle ont été interpellés. Ce n'est pas la première fois que l'actuel pouvoir turc procède à ce type d'opérations, mais ce coup-ci, «l'ampleur est notable, et la rapidité aussi», explique Elise Massicard, chercheuse pour le Centre de recherches internationales à Paris.

«On n'a pas encore d'information précise pour savoir qui sont les militaires arrêtés et qui sont les magistrats pour lesquels des mandats d'arrêt ont été prononcés, ajoute-t-elle. Le gouvernement accuse la mouvance de Fethullah Gülen et a donc tendance à justifier ses sanctions par l'appartenance à cette mouvance. Comme il s'agit de fonctionnaires, il y a des états de service, etc. Ensuite, quels sont les critères retenus ? C'est difficile de le savoir à ce stade.»

Putsch raté, mais violent

Vendredi soir avant minuit, un communiqué des «forces armées turques» avait proclamé la loi martiale ainsi qu'un couvre-feu dans tout le pays. Les putschistes expliquaient avoir effectué une «prise de pouvoir totale» au nom de la nécessité de «rétablir l'ordre constitutionnel, la démocratie, les droits de l'homme et les libertés» en Turquie, le président Erdogan étant accusé d'avoir bafoué ces valeurs.

Les combats qui s'en sont suivis, avions de chasse et chars à l'appui, ont donné lieu à des scènes de violence inédites à Ankara et Istanbul depuis des décennies. Le Parlement aurait été bombardé, un avion aurait largué tôt samedi une bombe près du palais présidentiel, aux abords duquel des avions de chasse F-16 ont attaqué des chars des rebelles, selon la présidence. M. Erdogan a également affirmé que l'hôtel où il se trouvait en vacances a été bombardé après son départ.

Carrefour stratégique

Samedi, Barack Obama a réuni son conseil de sécurité nationale pour analyser la situation. Il a réitéré son soutien au gouvernement turc et lui a demandé «d’agir dans le respect de l’Etat de droit» pour répondre à ce coup d'Etat avorté. La crainte de Washington, c’est que les relations avec M. Erdogan, qui n’étaient pas des meilleures jusqu'ici, deviennent encore plus difficiles, explique notre correspondant à Washington, Jean-Louis Pourtet. Or, les Etats-Unis ont besoin de cet allié réticent, un membre-clé de l'Otan.

Pendant combien de temps la Turquie va-t-elle fermer son espace aérien ? Selon le Pentagone, des négociations sont en cours avec Ankara pour que les opérations aériennes contre l'EI reprennent rapidement. Outre le cas Gülen, une autre source de friction complique néanmoins la tâche des Américains : les Kurdes qui combattent les jihadistes sur le terrain sont appuyés par Washington, alors que Recep Tayyip Erdogan les considère comme des terroristes.

Avec RFI

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Commentaires (4) | Réagir ?

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msilaDSP DSP

merci

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chawki fali

merci pourl'info

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