Kamel Daoud, la France et l'Algérie

Malgré l'histoire commune, il n'y a pas de rapports francs et profonds entre intellectuels algériens et français.
Malgré l'histoire commune, il n'y a pas de rapports francs et profonds entre intellectuels algériens et français.

Chaque jour est un miracle qu'il faut saisir au vol, chaque jour est un morceau d'éternité.

Par Youssef Zirem (*)

Durant de longues années, Kamel Daoud a donné sa vision de l'Algérie, au jour le jour, sur les colonnes du Quotidien d'Oran, un modeste journal régional devenu national puis international, grâce à l'internet. A bien des égards, le Quotidien d'Oran constitue aujourd'hui une belle réussite médiatique. C'est cette chronique osée, Raïna Raïkoum, qui a ouvert le chemin de la littérature à l'auteur de la Fable du nain.

Sorti indemne des griffes sournoises de l'islamisme, Kamel Daoud s'est réfugié dans le territoire apaisé des mots. Au fil du temps, après bien des pérégrinations littéraires, Kamel Daoud a failli avoir le prestigieux prix Goncourt. C'est la consécration parisienne qui coïncide malheureusement pour lui avec la disparition de son père. Médiatisé, sollicité ici et là, Kamel Daoud est resté lui-même ; c'est déjà une énorme prouesse. Kamel Daoud avait auparavant cassé le tabou de l'arabité (en affirmant qu'il n'est pas Arabe, en prenant toujours la précaution de souligner "le monde dit arabe" mais en ne réussissant pas à se départir de son sacré problème avec l'amazighité : cependant on peut comprendre sa position, lui a vécu dans une région où il y a si peu de contestation politique), le tabou de la Palestine (cette cause que de nombreux Algériens tentent de défendre sans connaître la réalité historique et actuelle de cette région du monde tourmentée) ou encore le tabou de l'islamisme, cette barbarie ménagée et excusée par des régimes et des intellectuels, ici et là.

En son temps déjà, l'écrivain Kateb Yacine avait courageusement affirmé qu'il n'était ni Arabe ni musulman ; le rebelle Matoub Lounès s'était également positionné de la même manière. On ne le sait pas toujours en France : Kamel Daoud est le représentant d'une génération d'écrivains francophones algériens formés par une école arabisée, islamisée ; c'est une génération qui a osé casser tant de tabous. Dans cette optique, Kamel Daoud n'est pas seul ; Mustapha Benfodil, Farid Abache, Sarah Haider, Yassir Benmiloud, Yalla Seddiki, Ali Malek, Chawki Amari ou encore Tarik Djerroud osent dire dans leurs écrits le malaise de la société algérienne confrontée à la dictature militaire, au déni identitaire et à la barbarie islamiste.

En France, la réaction du groupe de "spécialistes" à la tribune de Kamel Daoud dans le Monde est, d'une certaine façon, outrancière ; elle contient pourtant des motivations légitimes. Cette réaction s'inscrit dans un débat d'idées souvent biaisé : la presse française, y compris le quotidien Le Monde, trouve du mal à parler de l'islam. Cette réaction porte en elle le sempiternel malentendu entre la France et l'Algérie. Le fait même qu'il n'y ait pas beaucoup de relations entre les intellectuels français et algériens augmente cet éloignement des élites des deux rives de la Méditerranée. Ainsi les clichés viennent dans bien des cas peupler un espace vide ; ainsi le superflu prend facilement le dessus sur l'essentiel pour paraphraser le grand poète René Char. Avant de parler d'islamophobie, il est urgent de situer la place de l'islam dans la société en France et en Algérie. L'islam a un besoin urgent de réformes ; la barbarie islamiste est générée par plusieurs facteurs mais on ne peut pas en occulter l'interprétation littérale du Coran, un texte rassemblé par le calife Othman Ibn Affan, soixante ans après la mort de Mohamed, le prophète de l'islam.

Indépendante depuis plus de cinquante ans, l'Algérie n'a jamais connu d'alternance politique ; le régime algérien est toujours soutenu par la France. Ce soutien est dicté, ces dernières années, par la hantise de voir arriver au pouvoir les islamistes. Mais les islamistes sont déjà au pouvoir : le régime a installé une terrible religiosité qui a gangrené presque toute la société algérienne. Kamel Daoud lui-même ne s'attaque pas beaucoup au vrai pouvoir en Algérie ; il estime également que la priorité n'est pas la chute du régime algérien. Mais tant que ce régime algérien illégitime, autoritaire, antisémite, antikabyle, champion des manipulations plurielles, est en place, il est impossible de voir le moindre changement dans le sens du progrès social, de la modernité, de la justice sociale et des libertés. Ainsi ce régime se permet tout : militant des droits de l'homme, le docteur Kameleddine Fekhar et ses compagnons sont injustement emprisonnés depuis de longs mois et cette énorme injustice n'émeut pas beaucoup d'intellectuels, ni en Algérie ni en France.

Y. Z.

(*) Youssef Zirem est écrivain. Son prochain roman intitulé, La Porte de la mer sortira à Paris, aux éditions Intervalles, au mois de juin prochain).

Plus d'articles de : Débats

Commentaires (7) | Réagir ?

avatar
kleef yahi

Je sens un éveil de jalousie et un manque d'objectivité et d'engagement. KD a pu séduire avec son talon, son merveilleux style et surtout il transmet des messages, soulève le débat, casse les tabous avec une simplicité que d'autres n'en pas.

avatar
Dhrifa N'targa

Blarebi, que, finalement, c’est Boudjedra qui a raison de dégommer Sansal et KD ! Sauf que c’est qu’il le fasse à partir d’une zawiya à laquelle il n’a jamais appartenu et avec des fetwas et anathèmes pour les chasser de la littérature, ça me trifouille kamim chwiya. C’est takhir zamane qui veut ça: Boudjedra en est réduit à distiller du vinaigre dans des fragments chez Tyassa. Tandis que d’autres se sentent obligés de lui mettre de la pommade : « Au fil du temps, après bien des pérégrinations littéraires, Kamel Daoud a failli avoir le prestigieux prix Goncourt. C'est la consécration parisienne …" et puis vlan, passez-moi l’éponge que j’aille vous le rincer : « mais en ne réussissant pas à se départir de son sacré problème avec l'amazighité : cependant on peut comprendre sa position, lui a vécu dans une région où il y a si peu de contestation politique » et … nianiania !

Moi aussi tahet biya. Kikount 3la didani j’étais grande chor-niqueuse dans la célèbre revue littéraire et scientifique « la TGT » : La Tzaguète Guezgata Tribune. J’y ai d’ailleurs publié un article fortement documenté sur KD, où j’explique comment ce héros anti-Prométhéen a volé leur obscurité aux islamistes. Et comment ces fripons ont fait mine de ne pas s’en apercevoir. Et pour cause: ce n’est pas à eux qu’il aurait chipé du savoir : « C’est quand j’ai allumé que je me suis aperçu que j’étais dans le noir », qu’il a dit. La seule chose qui me réjouit aujourd’hui c’est que moi et Boudjedra, pour ce qui nous revient de dégommage, on n’a rien laissé à Fafa. Nekini j’ai dégommé amouriw (heqi).

Qu’est-ce que la littérature ? Se demandait Jean Saul Parte.

"c'est l'effort conjugué de l'auteur et du lecteur qui fera surgir cet objet concret et imaginaire qu'est l'ouvrage de l'esprit. Il n'y a d'art que pour et par autrui". Qu’est- ce que « Meursault, contre-enquête » sans « L’Etranger », le contexte actuel, et toute la marmelade que les médias et le marketing lui ont rajouté en guise de vaseline pour le faire passer ? Qu’en serait-il advenu de ce roman si on lui avait donné un autre titre : genre « on a tuEr Moussa » Et surtout sans aucune référence à « l’Etranger » quelle valeur ce roman aurait-il eu en soi ?

Qui connait : Jonathan Littell, François Weyergans, Laurent Gaudé, Jacques-Pierre Amette, Pascal Quignard, Jean Jacques Schuhl, Jean Echenoz ?

Ces écrivains ont eu le Goncourt ces 15 dernières années.

Et : Herta Müller, Orhan Pamuk, Harold Pinter, Elfriede Jelinek, John Maxwell, Imre Kertész, José Saramago, Dario F Seamus, Heaney Kenzaburo, ODerek Walcott ?

Ce sont des prix Nobel de littérature !

Faulkner (prix Nobel 1949) est considéré comme le Balzac de la littérature américaine, par l’élite française qui l’avait considéré comme l’un des meilleurs écrivains américains de tous les temps, mais peu de gens l’ont lu en France où en réalité il est n’est connu que de nom, car ses livres sont harassants. Je connais un très grand lecteur encore plus bouquimique que moi, Kichi, qui depuis 1976 n’arrive pas à finir l’un de ses livres les plus faciles « Lumière d’Aout ». J’en ai lu une dizaine. Lisez les commentaires des lecteurs sur « Le bruit et la fureur », vous verrez que c’est une prouesse que de lire ce roman entièrement. Je n’en dirais pas autant des livres de Sansal et du roman de KD, qui eux sont agréables à lire. Mais, putain ! Juste ça !

Thoura, ya thakhir ezamane, j’en suis réduite à radoter avec des teyabates el hamam. Le plus dur c’est que j’aime ça.

Nom de Dieu ! J’ai l‘impression de tapiner dans la dialectique et de branler des eunuques pour traire l’ambivalence et l’ambigu.

Pourta zrigh la tyrannie de la praxis !

Pourquoi Fafa a renié notre enfant prodigue qu’elle a adopté ? Est-ce parce qu’elle ne connait pas notre ingratitude ou au contraire c’est elle qui n’est pas reconnaissante ? Elle nous l’a recraché, ya boureb ! Cette insolente de Fafa, comme un vulgaire haraga. KD un génie.

Donald Trump, quand il a dit : je n’accueillerai plus de musulmans aux States si …..

Vous avez vu l’oiseau là-bas ? …. Sur la branche… Non, sur l’autre arbre…. Ça y est, il est parti ! Ih, les liaisons dangereuses, d’autres ont morflé à cause de ça, je ne suis pas Hilary, iksitira.

Moi aussi, je n’appellerai plus jamais amcic un chat !

Khinwi les hommes, vous ne savez pas ce que c’est « addud » (lahmel) ! Un engrossement !

Le jour où vous accoucherez sans péridurale, venez vous plaindre du déni de maternité !

Sartre écrivait- j’ai oublié où- « il n’y a pas de mauvais père », c’est la relation de paternité qui pourri tout.

Il n’y a pas de mauvaise mère non plus !

Ya din qessam erebbi, ils sont là, après un matricide et un déni de filialité, à brandir des tests génétiques en guise de droit d’exhumer un oedipe mal liquidé, sous prétexte qu’on ne guéri pas des atavismes et de la congénitalité.

We3lech ya Fafa, pourquoi tu nous as laissé te renier ? Muqel thoura, tous nos ectoplasmes, c’est parce que tu nous as mal soigné. Et pourta t’as eu le temps : centranta kamim !

Mettez-vous, ya boureb, dans la peau d’une mère qui a fait une grossesse tératogène, nagh dans la peau de Rosemary (Rosemary’s Baby) qui a accouché du bébé hadek !

Imaginez, Khinwi les hommes, aderwem la3djev, tweldou 3djeb !

Bezef l’ingratitude hadi, ow ! Dija Fafa qu’elle ne vous a pas noyés nagh mangé juste parce que tous petits dija vous étiez indigestes, en plus, vous lui reprochez de ne pas vouloir dire que vous êtes beaux, sous prétexte que même la mère à Qaci Moudou le trouvait plus beau qu’ A3li n’Delou.

Il faut lui reconnaitre ya les ingrats que, même si vous lui avez niqué sa psychologie à Fafa, physiologiquement 3end’ha lkebda, thes3a thassa.

Si, elle n’est pas rancunière ! Et ça ne peut pas s’expliquer autrement. Elle aurait pu kamim se mettre en colère et dire que l’adolescence permanente bezef ! Non c’est non !

Entouma : j’veux bien être indépendant, mais raki tchoufi lhala ya louwmima, je vais rester encore à la maison. Et quand vous restez à la maison, thtsoughalikound (elle vous revient) l’envie de déterrez des cadavres nagh de lui chier le sqef.

« Wa khalaqnakoum chou3oubène, la3elakoum tataqouna.

3la koulihal tataqouna aki 3ib en kabyle. C’est elhakoumou takathourou, en plus hard.

Ayavava ! Saquata d’indépendance, mais l’individuation wlech !

Elle est timorée Fafa meskina. « Ipitite que la fois où mes tests de maternité étaient négatifs ce n’était pas une grossesse ultra utérine ou nerveuse, ni une aérophagie, mais un déni de grossesse », qu’elle se dit. Et pourtant je ne me souviens pas avoir avorté.

Fafa elle est prête à assumer une partie de vos remords mais il ne faut pas trop la charger kamim !

Les kabichous disent : « c’est çuilà kila coupé la branche kidoit la trainer (win iggezmène thasseta atsizoughar).

Comme il a dit Rocard : barkew ur tmenyiketh ara, les zombies hadouk, l’islam, c’est pas nous. On est prêt à prendre notre part de votre misérabilité mais ifoupa pousser kamim, on n’est pas des bœufs !

-1
visualisation: 2 / 6