L’exploitation des contractuels, le concours et stabilité dans l’éducation

Nouria Belghebrit, ministre de l'Education.
Nouria Belghebrit, ministre de l'Education.

Devant la double pression de la démographie et de l’augmentation de l’accès à l’école, on a vu apparaître dans de nombreux pays africains au cours des années 1990 un nouveau type d’enseignants : les enseignants contractuels.

Ces nouveaux enseignants se distinguent généralement des autres enseignants par leur mode de recrutement, leur statut, leur formation professionnelle et leur salaire. Le recrutement massif d’enseignants contractuels a largement contribué à l’extension de la scolarisation dans le pays. Cependant, il a également suscité de vifs débats sur la qualité de l’éducation. L’objectif de cette étude est donc d’évaluer l’incidence de ces enseignants sur la qualité de l’enseignement fondamental en se basant sur des éléments factuel.

Bien que la présente étude ne soit pas représentative de l’ensemble des élèves algériens, les tendances dégagées sont cependant trop marquées pour ne pas être prises en compte. Les résultats obtenus laissent penser que l’école algérienne est confrontée à des problèmes de qualité tout à fait spécifiques. Au sujet du statut des enseignants, les résultats obtenus ont le mérite d’être sans ambiguïté : quel que soit le niveau considéré, les élèves qui ont été scolarisés durant l’année de l’évaluation avec des enseignants contractuels ont en moyenne de meilleurs résultats que leurs camarades scolarisés avec des enseignants titulaires, toutes choses étant égales par ailleurs. On remarque que ces différences se créent surtout en mathématiques et que la situation est particulièrement flagrante au lycée. Toutefois, du fait de relations étroites entre les variables de statut, de formation professionnelle et d’ancienneté, il n’a pas été possible de départager les effets associés à chacune de ces variables. Les analyses ont mis en évidence l’incidence négative de la formation professionnelle longue (un an et plus) et de l’ancienneté sur les acquisitions des élèves. Cela signifie que les résultats positifs des enseignants contractuels seraient surtout imputables à la mauvaise performance des autres enseignants dans un contexte global de faible qualité de l’éducation.

L’impact du recrutement massif de ce type d’enseignants à moindre coût a largement contribué à l’extension de la scolarisation dans le pays. En effet, les estimations montrent qu’en 2012-2013, les enseignants contractuels ont permis de scolariser environ 1 000 000 élèves supplémentaires. L’impact direct sur la scolarisation est donc indéniable. Toutefois, le débat relatif à ces nouveaux enseignants s’est surtout focalisé sur les questions de qualité de l’éducation : ces enseignants moins formés et moins expérimentés suscitent des interrogations, voire des critiques.

Les enseignants contractuels sont recrutés par contrat de droit public à durée déterminée, sur des fonctions d'enseignement, de documentation, d’orientation ou d'éducation. Le contrat est signé entre le directeur de l’académie et le contractuel pour une durée maximale d’une année scolaire, lors d’une affectation sur poste resté vacant après le mouvement des personnels titulaires ou pour une durée égale à celui du remplacement en cas de recrutement pour pallier l’absence d’un enseignant momentanément absent. La durée hebdomadaire du service correspond à l’obligation réglementaire de service des professeurs titulaires occupant l’emploi correspondant. Le salaire du contractuel est de moins de 26 000 DA.

Les contractuels sont devenus «bouche-trous» de l'éducation nationale. Il est malheureusement assez fréquent, surtout lorsque l’on est non titulaire, d’attendre désespérément son salaire ou des sommes dues par l’administration

Souvent c’est des de licenciés et travaillent pour l’Éducation Nationale depuis plusieurs années. Parfois certains contractuels, depuis cinq ans maintenant, se présentent au concours de recrutement, et à chaque fois la majorité d’entre-deux et à chaque étude de leur dossier, est recalée. Étrangement, plus ces enseignants contractuels avancent dans le métier et la maîtrise de l'enseignement, plus ils ne sont pas reconnus par l'enseignement public et garderont leur statut de contractuels.

Certains ont enseigné plusieurs années en tant que remplaçants à plusieurs niveaux et filières midux que certain(e)s des collègues qui ont de l'expérience dans ce métier et titularisé.

En effet, on leur a confié toutes les classes de collège; au lycée, ils ont enseigné à des secondes, des premières (sciences, math, techniques mathématiques, lettres, langues, gestion et économie), des terminales de toutes sections. Ces contractuels possèdent des rapports d’inspection favorables.

Ces contractuels ont le droit et le devoir d'enseigner et ils en sont capables !

Mais les résultats des concours sur une simple étude de dossier sont négatifs et l’on fait appel à de nouveaux enseignants sans aucune expérience qui auront besoin d’un temps d’expérience et de formation alors que l’éducation possède déjà des enseignants contractuels non recrutés qui ont ce statut. C'est honteux !

L’exploitation de ces contractuels a dépassé tout entendement ils sont mal rémunérés et souvent ils ne perçoivent jamais leur salaire et une grande partie d’entre-deux attendent leur premier salaire depuis deux ans.

SUR QUOI SE BASE-T-ON DANS L'EDUCATION NATIONALE POUR CONSIDERER QU'UNE PERSONNE PEUT OU NON ETRE UN BON ENSEIGNANT A RECRUTER?

Travailler pour l'Etat ? Un rêve pour beaucoup d’Algériens, a fortiori en temps de crise. Mais entre les contractuels en attente de titularisation, les salariés mal qualifiés et de manière générale le non-respect du Code du travail, l'Etat n'est pas toujours un employeur modèle.
Les contractuels ont tous les devoirs mais très peu de droits… ils sont plus de 40.000 enseignants précaires répartis dans le public.

Pour résumer un peu certaines expériences, certains sont en poste depuis 2008 en attente d'un poste, c'est-à-dire qu'ils attendent le coup de fil magique de recrutement. Avec le peu de postes disponibles (et en baisse constante) ça devient de plus en plus dur.

"Le concours a pour objectif de reconnaître les acquis professionnels des enseignants, or on s'aperçoit que le jury ne joue pas le jeu, relayant les propos de divers candidats au concours réservé. D'autre part, le concours est souvent inaccessible aux contractuels. Il faut pourtant résoudre le problème des contractuels de longue date." Une bataille qui s'avère encore longue à gagner.

Tout le monde a compris que l’état pour limité le fort taux des salaires a recours à la précarité de l’enseignant par la politique de la contractualisation de l’emploi. Ce qui présage un avenir incertain dans l’éducation et une attaque contre l’école publique. Le gouvernement algérien a accepté le recrutement à la Fonction publique de 19 000 enseignants alors que les besoins sont de 40 000 ce qui montre que cette année scolaire 2015-2016 encore on aura 20 000 contractuels.

Depuis bientôt trois mois, les quelque 20 000 contractuels de l'éducation, observent des sit-in sous l’égide du CLA pour exiger du gouvernement le recrutement à la Fonction publique de tous les contractuels ayant plusieurs années de service effectif et l'octroi des primes et indemnités liées à la fonction, telles que prévues par le statut général de la Fonction publique ainsi que le payement de faible salaire.
Relativement aux mouvements des contractuels, aucun comité intergouvernemental chargé de cette question et composé des ministres de l'Education nationale, la ministre de la Fonction publique et du Travail n’ont animé un point de presse à l'effet de livrer à l'opinion nationale, le niveau de traitement de la plate-forme revendicative de la CNCV.

Précarité de l’emploi dans l’éducation

L’Algérie semble aujourd’hui éprouver les plus sérieuses difficultés à passer au modèle d’école conçu à la scolarisation massive. La recherche d’un modèle plus adapté aux besoins et aux ressources des pays a mis à l’ordre du jour la nécessité de promouvoir des réformes majeures. En fonction des contextes nationaux, celles-ci concernent aussi bien l’orientation, la structure et le fonctionnement du système, que son mode de gestion et de financement.

Une partie de la réponse a été tentée par des actions sur les différents leviers de la politique scolaire. Sont soulevées les questions relatives au curriculum, aux langues d’instruction, nationales ou locales, et à la pédagogie, à l’exemple de l’approche par les compétences tout comme celles portant sur l’utilisation des ressources existantes. Mais, concernant la réalisation de l’objectif d’éducation pour tous et indépendamment des espoirs mis en disposition, c’est l’équation posée par le recrutement d’enseignants en nombre suffisant et en qualité qui figure parmi les questions les plus ardues de.

Les paramètres de l’équation sont simples, puisque le coût salarial des enseignants représente entre 75% du budget de fonctionnement de l’éducation. Pour y faire face, plusieurs pays et parmi eux l’Algérie expérimentent le recrutement et la mise en service de «nouveaux enseignants» par la contractualisation. Donc l’Etat aujourd’hui ne veut pas revoir le volume horaire de l’enseignant l’obligeant dans certains cas à recourir à des heures supplémentaires à moindre coût et à encourager de plus en plus le système de contractualisation dans l’enseignement ; il s’agit essentiellement de recourir à un personnel enseignant à moindre coût afin d’être en mesure d’élargir l’accès et de répondre aux besoins de massification et de démocratisation de l’éducation.

Depuis la rentrée, les derniers projets ministériels ne se privent pas pour autant de créer de nouveaux précaires : recrutement de agents de prévention et de sécurité, Emplois Professeur (contrats), recrutement d’enseignant-e-s contractuel-le-s à temps partiel après les concours exceptionnels de mai 2015, recrutement de enseignants en statuts précaires (emplois aidés ou autres) par l’Éducation nationale ou par les collectivité territoriales dans les écoles , collèges et lycées...

Le CLA dénonce les conditions d’exercice et de rémunération de ces personnels, conditions qui ne cessent de se dégrader, le plus souvent en dépit du code du travail!.

Toute cette précarité fragilise le service public d’éducation, toute cette précarité doit cesser ! Le statut de fonctionnaire titulaire doit être la norme de l’emploi dans la Fonction Publique.
Le CLA a appelé tous les collègues non-titulaires, titulaires, enseignant-e-s, non enseignant-e-s à se mobiliser collectivement et à se rassembler devant les directions de toutes les académies d’Algérie. Dans plusieurs académies, des rassemblements ont eu lieu, parfois, regroupant contractuels et titulaires. Des délégations ont été ou seront reçues pour évoquer auprès des directeurs les conditions de travail alarmantes des personnels non-titulaires, peser sur les renouvellements de ces dernier-e-s en continuant à demander leur titularisation puisque leurs postes correspondent à des besoins pérennes.

Nous porterons ces revendications et le témoignage des mobilisations locales au ministère où nous serons reçus. Notre syndicat est déterminé à continuer la lutte contre cette précarisation inacceptable et appelle tous les personnels à faire de même.

La situation des contractuels est une situation précaire : difficulté d’obtenir un plein temps à l’année, contrats qui ne sont pas reconduits systématiquement d’une année sur l’autre. Ils sont les premières victimes des suppressions de postes dans l’Éducation nationale. Beaucoup sont contraints de travailler loin de leur domicile et ont des difficultés à se faire rembourser les frais de transport. L’accès à la formation est au bon vouloir de l’administration. Ils subissent des ruptures dans le traitement car ils sont tributaires des dates d’arrêt maladie des personnes qu’ils remplacent. Leurs contrats sont parfois sur 10 mois donc pas de salaire durant l’été,... et, comme pour tous les contrats précaires, les droits syndicaux sont difficiles à faire respecter et l’intimidation hiérarchique facile à exercer.

Le Bureau National du CLA, Conseil des Enseignants des Lycées d’Algérie a toujours attiré l’attention des plus hautes autorités sur le besoin urgent de former des enseignants et des enseignantes de qualité en offrant un statut leur garantissant de meilleures conditions de vie et de travail.

Malheureusement au début des années 2008 des effectifs importants d’enseignants ont été admis au départ volontaire à la retraite. Nous avons perdu une grande partie de notre élite. L’échec de ce programme est aujourd’hui connu. Les candidats au départ étaient mal préparés à l’aventure. Les initiateurs du programme pensaient ainsi créer une nouvelle race d’opérateurs économique en dégrossissant les effectifs de la Fonction publique.

Mais la conséquence la plus fâcheuse, voire la plus dramatique, fut la fermeture des écoles de formation. La pénurie s’est accentuée avec les départs normaux à la retraite. La population scolaire n’a pas cessé de croître significativement alors que les enseignants manquent cruellement. Des solutions à l’emporte-pièce ont été imaginées.

Les classes à double – division et à double vacation furent inventées, ainsi que la pédagogie des grands groupes. L’on assiste à un recrutement de personnel enseignant d’un genre nouveau sans formation initiale, sous le régime du vacation puis par contractualisation. Naturellement la voix du CLA s’est exprimée. L’opinion publique nationale et internationale a bien été alertée. La campagne de dénonciation entreprise contre les profanateurs de notre système fut bien menée.

Le résultat des Instituts de formation furent récupérés (Il en faut encore beaucoup). Le CLA, on le sait suffisamment, revendique un statut de fonctionnaires d’Etat aux enseignants contractuels tous ordres confondus. L’antériorité de cette revendication par rapport à celle revendiquée par d’autres organisations syndicales doit être établie dans le nouveau statut de l’éducation. Il faut éviter de jouer à la récupération. Pour le CLA, l’intégration de tous les contractuels de l’éducation dans la Fonction Publique est une nécessité.

Arrêt du recrutement de contractuels dans l’éducation ! Fin de la contractualisation avec intégration de tous les contractuels dans l’éducation! À travail égal, salaire égal et statut égal ! Titularisation !

Hakem Bachir,

syndicaliste au CLA et professeur de mathématiques au lycée Colonel Lotfi d’Oran

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