Médéa : les vandales à l’assaut de la ville

La plus ancienne porte de la vieille ville : l’entrée de Hammam Sidi Slimane
La plus ancienne porte de la vieille ville : l’entrée de Hammam Sidi Slimane

Autrefois havre de paix, d’histoire et de mondanité, Médéa, la ville millénaire, n’est plus ce qu’elle était depuis que des «âmes bien pensantes»,et certains de ses notables cautionnaient et cautionnent toujours la défiguration historique de la cité.

Tour à tour, la vieille ville et tout ce qu’elle renfermait de vestiges historiques ont été carrément détruits par l’incurie, la bêtise,la forfaiture l’imbécilité des tenants du pouvoir local d’époque, personne ne s’en est y offusqué, pas même les "amis" d’une association à caractère caritative de la ville.

Les dégâts sont considérables sur tous les plans, surtout, historique. Qu’on en juge : destruction du parc Breauté (Bhair breauté), le poumon végétal de la ville, transformé en un hideux bloc de béton, sentant la pisse à mille lieues à la ronde. Censé être un centre commercial pour réanimer l’activité économique locale avec ses dizaines de magasins, il finira par devenir un centre de dépôt de marchandises, et un lieu où il est dangereux de s’y aventurer de nuit.

La place des Martyrs (ex-placette el général) avec ses arbres centenaires, ses plantes grimpantes, son jasmin, ses cafés maures, ses artisans du cuir. Tout ce décor pittoresque et ses odeurs sont partis en fumée, par la grâce de l’exécutif communal de l’époque. Pour en faire quoi ? Une placette déserte et convertie par la complaisance en un souk à ciel ouvert, qui sitôt terminé, laisse derrière lui des tonnes d’immondices et de déchets. Comble de l’ironie, en face et aux plaisirs des yeux des étrangers venant visiter le musée des Arts populaires. "Minute ! qui t’as dit arts populaire ? C’est aar populaire !".

La mosquée Hanafi du vénérable cheikh Foudil Skender pour son agrandissement, subira à son tour les méfaits de ces tartares, de ces vandales du XXI ème siècle, en la transformant entièrement sans pour autant lui conserver son caractère historique, l’on rapporte que l’un des maçons s’opposa à la destruction des voutes et des colonnes de l’époque ottomane, ce vénérable maçon s’attira les foudres d’un notable de la ville : "Casse ! casse-moi ca, les gens ne viennent pas ici pour prier les pierres !". Voilà qui renseigne sur le niveau intellectuel de ces "mécènes" !

S’ensuivit alors une série de destructions inconséquentes et saugrenues de l’aspect historique, de la mosaïque, de la faience, des fresques islamiques de l’époque turque, des mosquées de cheikh Mustapha Fekhar et du djamaa el Kebir de cheikh Brahim Bendali-Braham pour soi-disant l’agrandissement des lieux du culte, alors que le revenu financier du waqf constitué de bain-maures et de douches loués depuis des lustres pour financer les frais de maintenance et d’entretien de cette dernière mosquée n’a pas été payé depuis presque 20 ans. Le mystère demeure entier quant à la disparition de tout le trésor d’antiquités des trois mosquées : des horloges-pendules en cerisier ont été subtilisées sans gêne et sous l’œil bienveillant de la Direction des affaires religieuses. Même la mosquée Al Nur, son très joli mihrab et ses trottoirs font, actuellement, les frais de la forfaiture. Ces nouveaux looks architecturaux de nos mosquées leurs donnent une sensation et un reflet trompeur au visiteur de passage sur l’histoire islamique de la ville, et lui suggère un islam très récent à Médéa.

Même Dar el émir Abdelkader, classé patrimoine national par le passé, n’a pas été épargné par l’incurie. Censé être réhabilité, tout le charme que l’on lui connaissait, avec sa fontaine, ses canons et ses plantes grimpantes, ce joyau a été entièrement défiguré avec une rénovation qui laisse perplexe, telle la pose de dalles de sol, qui ferait glisser n’importe quel cavalier hardi avec ses bottes cloutées d’époque. Ce massacre a été perpétré avec la bénédiction et sous la supervision du ministère de la Culture de Khalida Toumi. Triste constatation, vous en convenez sûrement !

Les dégâts ne s'arrêtent pas là malheureusement. Ainsi, de juste, l’on ne peut retenir sa sainte ire sur l’association qui se prétend être "les amis de Médéa", sur son silence et sur son inhabilité à organiser une conférence d’architectes du terroir, d’experts,d’archéologues et constituer un audit sur la préservation de tout ce qui peut être encore sauvé de la vieille ville, de ficeler un dossier béton, et le présenter à des organisations internationales pour son financement, pour la réhabiliter et lui rendre ses portes cochères, ses cafés maures et leurs arômes, l’odeur de son jasmin, l’activité des vieux métiers à l’odeur du cuir et bien d’autres souvenirs…Cependant ce vœu pieu sera-t-il réalisé ?

Brahim Ferhat

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Emiliano Zapata

C'est le résultat d'une fuite en avant du système hérité de Boukharouba qui déteste l'Algérie authentique et qui a fait des Algériens des étrangers chez eux.

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madjid ali

C'est l'exode rural, les fils de la ville les vrais Médeens ont disparu, certains ont été victimes de la reoression, d'autres ont fui la ville. on ne reconnait plus personne