Impacts de l’intégration de la loi de finances complémentaire dans la LF 2014

Le pouvoir se serait-il déplacé d'El Mouradia au palais du gouvernement ?
Le pouvoir se serait-il déplacé d'El Mouradia au palais du gouvernement ?

Pour la première fois depuis des années, le gouvernement a décidé d’annuler la loi de finances complémentaire 2013 (qui se fait par ordonnance, ne laissant aucune marge de manœuvre aux députés pour la modifier) et de l’intégrer dans la loi de finances 2014, puisque ne s’est pas tenu le Conseil des ministres devant être présidé par Bouteflika avant le 02 septembre 2013, date limite, avant la cession du parlement, qui selon la Constitution est le seul habilité à l’avaliser. Depuis la révision de la Constitution en 2008, instaurant un régime super présidentiel, le Premier ministre est devenu un simple coordinateur.

1.- Les militaires distinguent à juste titre tactiques et stratégique, les tactiques devant s’insérer dans le cadre de l’objectif stratégique. Les plus grands planificateurs à ne pas confondre avec la planification des ex pays communistes sont les multinationales, les pays développés et émergents. Dans les pays développés n’existent pas de lois de finances complémentaires , à de rares exception près en cas de guerre ou de fortes tensions sociales Faute de vision stratégique, naviguant à vue, en Algérie nous assistons à des lois de finances complémentaire à répétition alors que ce n’est qu’un simple document comptable public retraçant l’évolution des recettes et des dépenses, donnant soir un solde positif ou négatif (déficit budgétaire). D’ailleurs la comptabilité régissant les administrations n’a guère évolué depuis des décennies, étant largement dépassée, les pays soucieux de l’efficacité de l’Etat, appliquant la méthode de rationalisation des choix budgétaires, l’Etat vivant en principe grâce à la fiscalité des entreprises et des citoyens. En Algérie n’existe pas de management stratégique, à moyen et long terme et donc d’instruments opérationnels de l’efficacité des administrations qui ont pourtant un important budget à leur disposition. Les différents rouages de l’Etat vivent au gré de la conjoncture parce, puisque après 50 années d’indépendance, L’Algérie n’a pas d’économie productive : 98% d’exportation provenant des hydrocarbures et important 70% des besoins des ménages et des entreprises privées et publiques dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% (exemple la SNVI où la majorité des composants sont importés). Il suffit que le cours du baril chute pour toute la loi de finances devient caduque.

2.- Il s’ensuit que des éléments de politique économique sont inscrits souvent dans les lois de finances exemple la règle des 49/51% qui a bouleversé toute la politique économique du pays. L’artifice de mettre 37 dollars dans les lois de finances depuis quelques années ne doit pas faire illusion, la différence étant mise dans le fonds de régulation des recettes géré d’une manière occulte. Exemple il suffit de dévaluer le dinar de quelques points par rapport au dollar le faisant passer de 100 dinars un euro à 105 dinars pour augmenter ce fonds puisque les recettes d’hydrocarbures en dollars sont converties en dinars. A cela s’joute les produits importés dont les taxes se calculent sur la valeur dinar au port : exemple 1 euro de marchandises donnerait 105 dinars au lieu de 100 auquel on applique la taxe. Ces cotations administratives du dinar de la part de la banque d’Algérie permettent de voiler l’inefficacité de la dépense publique et donc la réalité du déficit budgétaire en augmentant artificiellement la fiscalité des hydrocarbures et les taxes douanières. Pour plus de transparence dans la gestion des deniers publics, il serait préférable sa suppression et que les lois de finances soit établi sur le cours du marché quitte à ce que l’excédent soit placé dans un fonds pour les générations futures comme cela se fait en Suède. En réalité en 2011/2012 la dépense publique fait que l’Etat algérien, selon le gouverneur de la banque d’Algérie, a fonctionné non sur 37 dollars mais sur 110/115 dollars avec la gonflement du budget de fonctionnement. Selon le rapport de l’OPEP de début juillet 2013, pour l’année 2013 l’Algérie fonctionnera sur la base d’un cours de 125 dollars expliquant l’importance du déficit budgétaire.

3.- Il avait été programmé bon nombre de dépenses non prévues dans la loi de finances 2013 (comme tous ces montants additionnels débloqués par le Premier ministre lors de ses tournées dans les wilayas ; idem pour les recrutements dans les administrations) qui devaient être avalisées par la loi de finances complémentaire afin de couvrir les dépenses additionnelles. Dans ce cas, il faut distinguer le secteur économique du secteur de l’administration qui vit sur son autofinancement dont les grandes entreprises qui ne sont pas concernés mais elles sont minoritaires. Car, même au sein de l’économique, 90% du tissu économique sontconstitués de petites et moyennes entreprises qui dépendent de la commande publique. Exemple les commandes des wilayas auprès des petites entreprises de BTPH ((bâtiments travaux publics) non prévues par la loi de finances 2013. Or en intégrant les dépenses dans la loi de finances 2014 qui sera voté certainement fin décembre 2013, les montants disponibles au niveau des différentes secteurs et wilayas le seront qu’en avril/mars 2014. Ces PME pourront-elles attendre jusque là pour payer leurs travailleurs ? Concernant l’administration, régie par la comptabilité publique, très rigide, et demandant du temps du fait du poids de la bureaucratie, pour le budget de fonctionnement il y aura problème pour les recrutements additionnels exceptionnels parce non prévus mais pas pour ceux qui étaient en fonction avant 2013. Pour le budget d’équipement, il y aura un vrai problème pour les travaux additionnels non prévus par la loi de fiances 2013, où les montant ne pourront pas être débloqués pas mars avril 2014, à moins de mesures exceptionnelles pour éviter des licenciements massifs et l’arrêt de certains chantiers.

Il existe deux possibilités à partir d'artifices comptables mais devant s’inscrire dans le cadre d’un Etat de droit pour éviter des dérives futures :

Premièrement, puiser dans les reliquats en cas où certaines rubriques n'ont pas été intégralement dépensées du fait de la faiblesse des capacités d'absorption souvent constatées au niveau des wilayas mais devant rester, selon les règles des finances publiques, dans la même rubrique. Deuxièmement donner des instructions aux banques publiques pour un prêt bancaire pendant cette période, l’Etat s’engageant à supporter le taux d’intérêt. En résumé, cette situation traduit le manque de cohérence et de visibilité de la politique socio-économique actuelle

Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, Expert International en management stratégique

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