Mandat d’arrêt international contre Chakib Khelil : quelques vérités à rappeler pour les amnésiques (partie 1)

Mandat d’arrêt international contre Chakib Khelil : quelques vérités à rappeler pour les amnésiques (partie 1)

C'est avec, on le devine, un ton faussement triomphant, que le procureur général de la cour d’Alger, Belkacem Zeghmati a donc annoncé, ce lundi 12 août, la décision de l'Algérie de lancer un mandat d’arrêt international contre l’ancien ministre de l’Énergie et des Mines, Chakib Khelil, sa femme, ses deux enfants et Farid Bedjaoui.

En d'autres temps, nous aurions applaudi à cette résurrection de la justice algérienne soudainement réveillée à ces obligations. Mais non ! La justice de notre pays, totalement inféodée au pouvoir politique, n'a aucun mérite dans ce qu'il faut bien appeler un "fait italien". Par ailleurs, il n'est plus possible de cacher la responsabilité directe du président Bouteflika dans ce gigantesque scandale qui, tôt ou tard, épousera la forme d'un Bouteflikagate.

Mais commençons par la justice pour dire que rien ne se serait produit si l'affaire n'avait provoqué un séisme en Italie et si le parquet de Milan ne s'était montré intransigeant. Pour la première fois, en effet, le sort d’une enquête sur un scandale algérien ne dépend pas de la justice algérienne mais d’une partie qui se joue sans les dirigeants algériens, sur laquelle ils n’ont aucune prise et dont les deux stars ne sont ni avant-centres ni barytons, ils ne s’appellent ni Ronaldo ni Caruso ni Pavarotti, mais Fabio De Pasquale et Sergio Spadaro et ils sont procureurs. Ces deux magistrats font peur aux tontons macoutes qui dirigent l'Algérie. De Pasquale et Spadaro sont décidés à aller le plus loin possible pour faire la lumière sur cette grande rapine qui a provoqué un véritable séisme en Italie. Des dirigeants de la filiale du géant ENI viennent d’être limogés et l'opinion publique suit avec attention cette nouvelle affaire de corruption dont elle redoute qu'elle n'ait des ramifications avec la mafia. Les fier-à-bras qui nous gouvernent sont terrorisés.

A cela s'ajoute le fait que The Federal Bureau of Investigations (FBI) américain s’intéresse de près à Chakib Khelil. Le FBI, qui possède une représentation à Alger (qui couvre le Niger et la Tunisie également), enquête sur l’origine de la fortune de Chakib Khelil. L’intérêt vient du fait que l’ex-ministre algérien de l’Energie est un citoyen américain. 2. Pire : l'instance judiciaire algérienne s'apprêtait à enterrer l'affaire. Le clan Bouteflika avait, en effet, réussi à "relativiser" l'escroquerie en la classant comme affaire relevant seulement du tribunal correctionnel, avant que, à peine dix jours après le début de l'enquête à Milan, la justice algérienne, mise au pied du mur, s'astreint à désavouer le juge instructeur et criminalise l’affaire. C'est cela la vérité, Monsieur le Procureur ! 3.

De quel côté était la justice algérienne quand la presse dénonçait Chakib Khelil et les escrocs ? Du côté des escrocs. Pour avoir divulgué le dixième des chiffres que révèle aujourd'hui l'affaire "Sonatrach 2", Le Matin fut poursuivi en justice par Chakib Khelil, indigné qu'on pût douter de sa probité et une juge d'Alger, sensible à toutes sortes d'arguments, m'a condamné en qualité de directeur du Matin, ainsi que deux collègues journalistes, à trois mois de prison ferme ! Qu'en dites-vous aujourd'hui, Monsieur le procureur ? Il est au moins l'heure d'une question inévitable : qui a jugé non seulement recevable mais légitime la plainte du ministre Chakib Khelil au point d'envoyer en prison des journalistes pour avoir rapporté des faits vérifiés ? Le rôle joué par une justice complètement inféodée au pouvoir politique aura eu un catastrophique effet antinational : il a empêché l'éclatement de la vérité à temps. Elle était, ceci dit, dans son rôle d'appareil d'oppression. L'obstruction à la vérité sur les grandes malversations financières dans l'appareil de l'Etat empêche les vrais débats sur la nature du pouvoir.

Oui, la justice algérienne était du côté des escrocs, et cela, quoi que vous fassiez, cela restera une tâche honteuse sur le front des magistrats qui se sont prêtés à cette criminelle complicité.Nous y reviendrons, évidemment, avec d'autres révélations, car tout doit être enfin dit sur cette justice algérienne asservie et corrompue et qui, aujourd'hui, bombe le torse pour des exploits dont elle est totalement étrangère

M.B.

Lire aussi : Et qui va juger Bouteflika ?

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Commentaires (44) | Réagir ?

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departement education

merci

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rami sami

MERCI

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