Scrutin local : les "Zorro" en campagne

Les candidats en campagne : entre le masque et l'épée...
Les candidats en campagne : entre le masque et l'épée...

Le spectateur du JT de 20h de la télévision de Bouteflika, s'il a la patience de suivre la campagne du scrutin local, ne manquera certainement pas de relever le net contraste entre la diversité des régions annoncées par le présentateur où tel candidat mène campagne et l'uniformité des discours tenus à la tribune par les "Zorro" des partis en lice...

Du nord au sud, d'est en ouest, les élus potentiels n'ont aucun sur la région dans laquelle ils se sont portés sur les listes, ignorant superbement les réalités sociogéographiques et historiques de leur patelin. Tous les discours commentés par les journalistes sur place sur de courtes interventions des orateurs, dans la diversité des partis, auraient pu être tenus dans n'importe quel endroit du pays, ou même dans un pays virtuel tant les diatribes assénées au public éparpillé qui peine aux injonctions des chauffeurs de salle qui commandent derrière l'orateur, des applaudissements vite éteints. Les régions ne sont citées que par le présentateur qui annonce les meetings presque à la criée. Ainsi, tous les partis politiques n'ont aucune assise régionale et n'ont à aucun moment cité la commune dans laquelle ils s'adressent à leurs futurs administrés. Mais de quoi, de qui parlent ces candidats? Qu'est-ce qui remplit leurs harangues?

Alors que les affiches qui débordent des placards réservés à la campagne, signalent les circonscriptions et le numéro du parti comme pour un jeu de loterie, le contenu des discours de campagne puise dans la négation totale des spécificités régionales. Même la référence à Novembre 1954 qui revient dans les discours des candidats ne repose sur aucune réalité géographique et historique, ne servant qu'à remplir d'idéologie creuse et insipide pour compenser l'absence totale d'un programme qu'aurait à estimer les citoyens. Tel candidat émettant de Constantine a annoncé une longue liste de moudjahidin de la région n'a eu d'énumération que Abdelhamid Ibn Badis, s'excusant de ne pouvoir citer tant d'autres en raison d'une longue liste; tel autre, au sud du pays, menace de se retirer même s'il est élu si d'aventure il s'avérait que son élection est due à la fraude. Tel autre, appelle toute l'Algérie, s'adressant aux quelques citoyens présents dans une salle exiguë, à sortir manifester pour dénoncer l'agression israélienne contre Ghaza; tel autre dit pouvoir déminer toutes les bombes à retardement par lesquelles il a comparé le chômage des jeunes, la corruption du pouvoir, des élus, le terrorisme, les détournements de projets économiques, l'avilissement des valeurs du 1er Novembre; tel autre enfin se propose d'initier une campagne de lutte contre la bureaucratie durant une année afin d'éradiquer ce fléau.

A ces mots d'ordre qui n'intéressent pas le terreau natal qui sait ce que novembre veut dire, frappé en plein dans le mil par la corruption, la destruction préméditée des potentialités économiques qu'il recèle, qui subit tous les jours l'iniquité d'un régime qui n'a de régions que pour semer la haine, le racisme, les luttes claniques, au détriment d'un réel développement, le citoyen, désabusé par cette campagne qui ne le concerne pas, a d'autres préoccupations autrement plus urgentes que venir écouter ces inepties. Les salles des meetings que la caméras balaie timidement au risque de montrer la désaffection citoyenne pour ce scrutin délocalisé, peinent de visu à mobiliser les jeunes qui sont pourtant les principaux intéressés dans les discours des candidats. Mais à quels jeunes s'adressent-ils quand tel concurrent s'est dit "bon à la casse" et que c'est maintenant le tour des jeunes pour rompre avec l'héritage de la corruption, quand tel autre propose la gratuité des soins, du transport, du couffin, du transport aux jeunes tant qu'ils n'auront pas un emploi clé en main. Les jeunes qui servent de faire-valoir à ces harangues ne sont inscrits dans aucune perspective, dans aucune réalité économique, encore mois dans leur ennui mortel d'une commune oubliée parmi tant d'autres du pays. Ils ne sont, dans ces discours virtuels, ni des harragas, ni des universitaires bardés de diplômes sans aucune perspective d'avenir, ni encore moins ces milliers de vendeurs à la sauvette qui s'expriment avec les forces de l'ordre dans les ruelles de leur bourg.

Pour les candidats, c'est une jeunesse mémorielle, celle encore de novembre 54, celle d'une guerre par laquelle les candidats appellent les électeurs aux mêmes sacrifices. Quelle foire d'empoigne! Quelles duperies ! Dans les salles froides, l'assistance éparpillée compte quelques "notables" assis aux premiers rangs sur des fauteuils, les candidats s'improvisent en Zorro qui defend la veuve et l'orphelin, vole au secours de l'unité nationale, brandit son épée pour la défense de l'islam, signe de son terrible "Z" les portraits grandeur nature d'Abdelaziz Bouteflika.

Quelques rares prétendants au poste si convoité de maire ou de P/Apw pour une corruption de proximité, mènent campagne à l'extérieur. Une candidate est suivie par une équipe de télévision à travers les ruelles bourbeuses d'un bidonville, autour d'elle des nuées d'enfants pieds nus, s'adressant aux rares électeurs précaires, leur promettant le relogement après les résultats du scrutin: "Moi, au moins, je mène campagne sur des réalités palpables" a-t-elle déclaré face à la caméra.

En Kabylie, cette fois, dans la région de Larbaâ Nath Iraten ( ex-Fort National), un candidat, parlant en arabe à quelques pauvres hères venus pour la curiosité d'un tel candidat catapulté on ne sait d'où, ni par qui, peut-être à la faveur du raccordement récent de cette région en gaz de ville, s'est fait le "Zorro" des injustices en matière du trafic de l'immobilier, chiffrant en milliards de dinars les transactions frauduleuses des logements sociaux qui valent aussi chers que les places en tête de listes du scrutin. Mais qui peut arrêter cette mascarade qui tient d'un vaudeville de mauvais goût ? Les candidats savent qu'ils n'ont pas d'électeurs et, s'ils s'en trouvent, ils coutent eux aussi très chers. Est-ce la raison pour laquelle ce sont les caïds du système maffieux qui occupent le haut du pavé, comme toujours, dans les campagnes dites "électorales"

R.N

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Commentaires (2) | Réagir ?

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khelaf hellal

Une campagne électorale carnavalesque , tapageuse et agressive à la Zorro pour hameçonner le rare électeur qui ne croie à plus rien et qui ne se laisse plus conter des sornettes. Des zorros de la campagne qui avancent masqués et qui s'adonnent à toutes les pirouettes et vous promettent monts et merveilles pour décrocher le poste tant convoité de nouveau caid bachagha du turbo-capitalisme à la Boutéflika, ces appendices du système mafieux et campradore qui renvoient la trame de tissage des liens. Des relais- gouvernants locaux si efficaces pour appuyer l'Etat dans son rôle de gendarme et de magnat du néolibéralisme économique et son corollaire l'accumulation maximale de profits.

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Khalida targui

c'est le carnaval fi dechra qui ne fait même pas rire en tous les cas les listes avec le vainqueur et les figurants sont ok pour jouer la comédie du moment qu'il y a bezef le flouss. Moi ce qui m’inquiète c'est le peuple, il a pété les plombs. Je donne un exemple, nous avons tous les jours des coupures de courant on dirait que Sonelgaz a des hafarites dans ses câbles; ça part fissa et ça revient fissa. Et quand on veut payer la facture, on fait la chaine pendant des jours parce qu'on a peur qu'on vienne nous couper l'électricité pour de bon. On nous humilie même quand on va payer.. Dans n'importe quel bled au monde, les citoyens seraient descendus dans la rue pour protester contre cette maffia de Sonelgaz.