Jérôme Ferrari (Goncourt 2012) : "J'ai toujours mis la Corse dans mes romans"

Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012
Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012

Prix Goncourt pour son roman "Sermon sur la chute de Rome" (Actes Sud, 2012), Jérôme Ferrari s'intéresse aux cycles de l'Histoire par ses chutes. Il est l'auteur de "Où j'ai laissé mon âme" (Ed. Barzakh, Alger, 2010) qui traite de la torture durant la guerre d'Algérie. Cet entretien a été réalisé quelques heures avant l'annonce du lauréat parmi les quatre écrivains alors nominés.

Le Matindz : Dans "Sermon sur la chute de Rome", quels rapports établissez-vous entre entre St Augustin et une famille corse que vous mettez en scène. Peut-on dire qu’il y a d’un côté une histoire subjective et une autre histoire qui réfère cette fois à une icône de l’histoire de la chrétienté en Algérie à la chute de Rome ?

Jérôme Ferrari : Disons d’abord que, depuis que j’ai vécu en Algérie, il se trouve qu’apparemment, je n’y échappe pas. Saint Augustin a vécu à Hippone, à Annaba. J’ai toujours mis la Corse dans mes romans parce qu’elle est ma ville natale et l’Algérie, à chaque fois, parce que j’y ai vécu et que c’est un pays qui me tient à cœur. Mais, je n’avais pas du tout pensé à cela en le faisant. Dans «Sermon de la chute de Rome», ce qui m’avait intéressé, c’était le "Sermon" en lui-même. C’est Saint Augustin qui l’a prononcé ; il se trouve aussi qu’il l’a prononcé à Hippone, en Algérie. La beauté de ce "Sermon" est de dire aux gens qui se lamentent sur la chute de  Rome, leur rappeler, de manière assez cruelle, que,  aussi grands soient- ils, même les empires, doivent avoir une fin et qu’il n’y a pas grande différence entre la durée de la vie d’un homme et la durée de la vie d’un empire. Et c’est ce changement de cette chaine-là que j’ai voulu mettre en scène en parlant à la fois de Saint Augustin et d’une toute petite histoire qui se passe dans une toute petite famille dans un tout petit village de la Corse. J’ai donné à cette famille de mon roman beaucoup de traits de ma propre famille. 

Albert Camus a été professeur de philosophie comme vous. On retrouve dans son roman La Chute, les confessions, les sermons. Peut-on faire un lien entre "Sermon sur la chute de Rome" et La Chute de Camus ou son œuvre de manière générale ?

Moi, je ne peux pas faire le lien consciemment. Camus est un auteur que j’aime beaucoup, spécialement son roman « La chute » qui est merveilleux et son théâtre en pensant à "Caligula". Ceci dit,  je pense qu’on n’est pas obligé d’être conscient des liens pour qu’il y en ait.  Je vois bien, ne serait-ce que cette idée de "chute", qu’il y a un point commun que je suis obligé de reconnaître ; un point commun thématique, sans doute. Je ne me compare pas à Camus, évidemment. ??Pourquoi cette fascination pour la chute des empires, la fin des pouvoirs, les défaites des guerres ? ?Oui, j'ai un intérêt, je ne dirais pas pour les chutes, mais pour les cycles. C’est vrai que je suis sensible au fait que toutes les affaires humaines connaissent un début et nécessairement une fin. Cela fait partie de notre condition. Un roman est fait pour explorer la condition humaine.

Vous attendiez-vous au succès en librairie de "Où j’ai laissé mon âme" en Algérie au moment où la guerre des mémoires occupe le champ politique ?

Je ne me suis tellement posé la question du succès en librairie. Ce qui m’inquiétait beaucoup, comme j’aime l’Algérie énormément, c’était la manière dont le roman y serait accueilli. Je ne savais pas combien de personnes le liraient mais j’espérais que ceux qui le liraient comprendraient que  ce n’était pas du tout un roman qui avait à avoir ou avec une quelconque justification de la torture ou la présence de l’armée française. Ce n’est guère un roman sur cette justification, j’avais peur de ne pas être compris. Quand je suis revenu en Algérie, en février 2011, je me suis rendu compte que je n’avais pas à avoir peur de cela et que le roman était bien compris. Ma peur reposait, en fait, sur des raisons purement affectives. Je n’avais pas envie de décevoir les gens que j’aime. ?? 

Dans Où j’ai laissé mon âme dans l’horreur même, dans cette atmosphère morbide des caves de la gégène, il y a une certaine humanité mais désaxée, comme le fait Camus dans L’Etranger et surtout dans La Chute… ?C’est vrai. Une humanité qui devient étrangère à elle-même. Je n’y avais pas pensé avant qu’on en parle tous les deux mais je trouve que c’est pertinent. Camus ! Encore quelqu’un qui a un lien avec l’Algérie décidément !

"Le Sermon sur la chute de Rome" sera-t-il le roman du prix Goncourt 2012 ?

La concurrence est très rude et c'est déjà très bon d'être arrivé dans le dernier carré pour moi.

Rachid Mokhtari

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elvez Elbaz

Saint augustin Un illustre amazigho-kabyle pére de l’église latine au goncourt.

Saint augustin débarque au goncourt avec le lauréat, l’écrivain ferrari. LE SERMON SUR LA CHUTE DE ROME. Le Sermon sur la chute de Rome » doit son titre un peu obscur, pour un livre qui ne l’est pas, à Saint-Augustin, évêque d’Hippone, qui monta en chaire en 410 pour délivrer un sermon resté célèbre à travers les siècles. A ses ouailles affolées par la nouvelle du sac de Rome par les hordes vandales d’Alaric le Wisigoth, il délivre un message de consolation et d’espérance, rappelant que Dieu n’a jamais promis que le monde serait éternel.

Mais l’évêque, qui sera sanctifié en 1298 et figure comme l’un des quatre Pères de l’Eglise latine.

Enfant amazigh [1] de Tamazgha [2], l’Algérie actuelle, avait toujours revendiqué son africanité du nord. Le nom Afrique, dérive de l’appellation Amazigh ou Numide en général et en particulier en langue kabyle de « tafriqt », qui signifie, taferka « terre », « propriété terrienne ». Celui qui vit sur une terre est nommé Aferkiw, cela a donné Africanus en latin, dont le territoire correspond à la province romaine d’Afrique.

Celui qui a façonné la pensée de l’homme occidental moderne est un amazigho-kabylo-berbère notre aïeul saint Augustin ! Nous, nous le savons, beaucoup d’érudits le savent mais des falsificateurs de tout poil, Arabo-musulmans, Européens ignares, revanchards et complexés de voir la vérité en face, à savoir que la pensée civilisationnelle de l’Occident a eu comme précurseur un Africain du Nord, amazigho-kabylo-berbère (que l’on désignait du terme de Numide) saint Augustin, essaient, ici ou là, les uns et les autres donc, de le faire passer pour un Romain d’Afrique, alors que la vérité, la pure vérité est écrite noir sur blanc dans son livre, Les confessions lorsqu’il revendiqua sa langue maternelle l’amazigho-kabylo-berbère (le numide).

Dans ses Confessions saint Augustin écrivait pourquoi il avait une aversion pour la langue grecque et fit en même temps allusion à sa langue maternelle…

Aversion pour la langue grecque

Pourquoi donc haïssais-je ainsi la langue grecque, pleine de ces fables ? Car Homère excelle à ourdir telles fictions. Doux menteur, il était toutefois amer à mon enfance. Je crois bien qu’il en est ainsi de Virgile pour les jeunes grecs, contraints de l’apprendre avec autant de difficulté que j’apprenais leur poète. La difficulté d’apprendre cette langue étrangère assaisonnait de fiel la douce saveur des fables grecques. Pas un mot qui me fût connu ; et puis, des menaces terribles de châtiments pour me forcer d’apprendre. J’ignorais même le latin au berceau ; et cependant, par simple attention, sans crainte, ni tourment, je l’avais appris, dans les embrassements de mes nourrices, les joyeuses agaceries, les riantes caresses.

Ainsi je l’appris sans être pressé du poids menaçant de la peine, sollicité seulement par mon âme en travail de ses conceptions, et qui ne pouvait rien enfanter qu’à l’aide des paroles retenues, sans leçons, à les entendre de la bouche des autres, dont l’oreille recevait les premières confidences de mes impressions. Preuve qu’en cette étude une nécessité craintive est un précepteur moins puissant qu’une libre curiosité. Mais l’une contient les flottants caprices de l’autre, grâce à vos lois, mon Dieu, vos lois qui depuis la férule de l’école jusqu’à l’épreuve du martyre, nous abreuvant d’amertumes salutaires, savent nous rappeler à vous, loin du charme empoisonneur qui nous avait retirés de vous.

Il se confessa donc en disant J’ignorais de même le latin au berceau, sa langue maternelle, celle de sa mère sainte Monique (prénom Mouna en berbère) était tamazight (le berbère ou le numide).

Le christianisme était chez nous, en Afrique du Nord, Tamazgha, terre amazigho-kabylo-berbère, chez lui presque 4 siècles avant l’arrivée des envahisseurs mahométans. Vers l’année 390, dans une lettre à Augustin, Maximus de Madaure mettait tout son orgueil à célébrer les dieux romains dont les statues ornaient la place de sa cité (cf. supra, p. 194-195). En revanche, cet obscur rhéteur païen avait cru spirituel d’ironiser sur les noms « berbères » -odiosa nomina, en fait noms d’origine punique ou libyque- portés par des martyrs chrétiens numides (berbères) de la province.

Dans sa réponse, le futur évêque d’Hippone, qui n’était pas encore prêtre, traduisait bien, en une réplique cinglante, ce sentiment de fierté ombrageuse, toujours vif au cœur de ses compatriotes et qui l’accompagna toute sa vie :

« En serais-tu donc arrivé jusqu’à oublier que tu es un Africain, écrivant à des Africains, et que l’un et l’autre nous habitons en Afrique » (Lettres, 17, 4) ».

Sang amazigho-kabyle (berbère) ne sait mentir ! mutants berbères arabo-islamisés par l’islam, fossoyeurs de votre identité au profit de l’imposture Maghreb arabe colonial, prenez-en de la graine !

Le peuple amazigh (berbère ou numide ou kabyle) a donné à la chrétienneté trois illustres successeurs à saint Pierre, des papes tels Victor Ier, Myltiade, et Gelase (saint Gelasius). La démocratie laïque est un modèle de gouvernance d’origine amazigho-kabyle qui a façonné tout l’Occident.

Si tout le monde connait l’impact des enseignements de saint Augustin sur l’autonomie de la réflexion et la façonnement de l’homme occidental et Tertullien qui a été à l’origine de la pensée protestante, le pape saint Gelasius Ier (492-496) D’ORIGINE KABYLE (Kabylie maritime) - troisième pape d’origine africaine- qui a été à l’origine de la séparation de l’Église de l’État est moins connu ou pas du tout connu.

Selon Joseph Ratzinger (l’actuel Pape Benoit XVI), l’idée de la séparation et la distinction des pouvoirs entre l’Église et l’État a été pour la première fois formulée par le Pape Gelasius en 494 dans sa fameuse lettre à l’empereur byzantin Anastasius dans laquelle il exprimait sa vision de l’Occident. Dans cette lettre, le Pape kabyle Gelasius avait explicité que : « En politique les prêtres doivent se plier aux lois de l’empereur, et en matière de religion l’empereur doit écouter le prêtre. »

La pensée laïque de Gelasius a été d’une importance vitale pour le développement ultérieur de l’Europe et a posé, une bonne fois pour toutes, les fondations morales de l’Occident où la promotion de l’idéal démocratique a été une continuation adaptée du modèle du pape Gelasius qui est vécue comme un devoir moral en parfaite harmonie avec la foi.

Je vous propose de lire ce livre, Joseph Ratzinger and Marcello Pera, Without Roots : The West, Relativism, Christianity, Islam, pour découvrir que les États-Unis n’auraient pas pu établir la première démocratie laïque du monde sans l’adaptation du model de gouvernance qui a été originellement recommandé par cet ancien Amazigh.

Si Joseph Ratzinger (Pape Benoit XVI) a fait cette observation, je ne vois pas pourquoi le peuple kabyle ne peut pas défendre l’héritage de ses ancêtres chrétiens.