"L’histoire secrète du pétrole algérien" : Sonatrach, ses réussites et ses scandales

Hocine Malti, auteur de L'histoire secrète du pétrole algérien.
Hocine Malti, auteur de L'histoire secrète du pétrole algérien.

Voilà un ouvrage qui plonge dans l’histoire de la saga du pétrole algérien. Avec ses heurts, gloire et malheurs.

Hocine Malti, l’auteur de L’histoire secrète du pétrole algérien, n’est pas un néophyte de la question. Il a participé à la création de Sonatrach en 1963. Aussi, dans cet ouvrage paru en 2010 dont la version poche vient de paraître chez la Découverte, Hocine Malti nous dit tout. Sans concession. Du début jusqu’à aujourd’hui. C’est sans doute le livre le plus complet sur le pétrole algérien, les hommes qui l’ont marqué et surtout ceux qui ont failli le brader.

Placée sous la tutelle du ministère de l’Economie dont le tuteur était Bachir Boumaaza, la Sonatrach a été créée le 31 décembre, son premier PDG c’est Belaïd Abdesselam. C’est le dessinateur Maurice Sinet, dit Siné, engagé comme pied rouge qui a dessiné le logo de la Sonatrach.

Comme aujourd’hui, le poste a très vite été l’objet de toutes les convoitises de la part des clans. L’auteur estime que Belaïd Abdesselam, "est l’un des rares responsables politiques algériens qui n’ait pas profité des hautes fonctions qu’il a occupées pour s’enrichir". L’exemple le plus fameux, écrit Malti est celui de Messaoud Zeghar alias Rachid Casa, ami personnel du président Houari Boumediene, qui a profité des largesses des firmes étrangères, américaines notamment, impliquées en Algérie. Selon l’auteur, il y avait une grande complicité entre le PDG de Sonatrach et Boumediene, si bien que la nationalisation en 1968 de bon nombre d’entreprises françaises a été menée "dans le plus grand secret par le duo Boumediene / Abdesselam : aucun autre ministre, ni aucun autre membre du groupe d’Oujda, qui détenait alors la totalité du pouvoir, n’en avaient été informés." C'est dire l'ambiance et la méfiance qui régnaient au sommet du pouvoir. Une décision qui a ébranlé et étonné les autorités françaises qui ne s’attendaient pas à une telle décision, car des promesses leur auraient été données que les intérêts français ne seraient pas touchés. Abdesselam, écrit Hocine Malti, était convaincu que c’était Abdelaziz Bouteflika, qui avait fait une telle promesse. "Il a toujours pensé qu’il existait une «cinquième colonne» française infiltrée au sein du pouvoir algérien et que, à l’époque de Boumediene, ses principaux représentants étaient Abdelaziz Bouteflika et Abdellah Khodja, secrétaire d’Etat au plan", précise l’auteur.

C’est avec un luxe de détails que Hocine Malti étale les débuts de Sonatrach, les tensions algéro-françaises des années 70 autour du prix du gaz et quelques années après sur la nationalisation du pétrole décidée par Boumediene.

Hocine Malti raconte dans ce livre particulièrement riche en informations, l’épisode du contrat El Paso en 1969, et les pressions françaises sur les firmes américaines pour les empêcher d’acheter le gaz algérien. On y apprend tout le travail formidable réalisé dans le milieu des lobbys américains déjà par M’hamed Yazid et Chanderli pour porter la voix de l’Algérie, puis le premier ambassadeur Cherif Guellal aux USA, "qui a rassemblé tous les atouts pour être un excellent représentant de l’Algérie indépendante auprès de la première puissance mondiale". Malheureusement, ce diplomate, raconte encore l’auteur, sera jeté "comme un chiffon" par Bouteflika, le ministre des Affaires étrangères. L’autre personnage qui a joué un rôle de premier plan dans les relations algéros-américaines est Messaoud Zeghar, ami et confident de Boumediene. Sur la période des années Boumediene, il y avait une guerre feutrée au sommet de l’Etat entre Bouteflika et Abdesselam. Le chapitre des négociations entre Algériens et Français illustre parfaitement cette lutte empreinte de méfiance réciproque.

Inévitablement, cette nouvelle richesse qu’est le pétrole inaugura une série de scandales. Dont celui dans lequel Messaoud Zeghar a été impliqué en 1971. Ayant perçu une commission de 2,75 millions de dollars pour permettre à Chemico de décrocher un contrat, Zeghar a été dénoncé en 1974. Dans cet ouvrage, l’ère Chadli et l’emprise de Belkheir et Messaadia sur le système ne sont pas oublié. Cette époque a eu de nombreux scandales de corruption et de règlements de comptes que Hocine Malti a sérié avec force détails.

Il y a d’abord celui qui a opposé le général major Mostafa Belloucif au clan pro-français qui faisait pression pour avaliser l’achat d’un équipement militaire destiné à la couverture aérienne. Résultat : Belloucif fut accusé de détournement de fonds. "Limogé par Chadli en 1986, il fut arrêté en 1992, puis condamné à 15 ans de réclusion criminelle. Lors des interrogatoires auxquels il fut soumis, Belloucif déclara aux généraux qui le questionnaient : "Vous m’en voulez parce que moi je n’ai tété la mamelle de la France"."

L’affaire Brown§ Root-Condor dans laquelle Chakib Khelil a joué les premiers rôles, les milliards que Sonatrach y a perdu, la loi sur les hydrocarbures en 2006 qui avait failli faire perdre à l’Algérie sa souveraineté, l’affaire Orascom sont aussi évoquées dans Histoire secrète du pétrole algérien. Bonus de cette version, une postface signée de l’auteur. A lire absolument.

Kassia G.-A.

Histoire secrète du pétrole algérien. chez les éditions La Découverte. Edition poche : 12,50 euros.

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Atala Atlale

Le secteur des hydrocarbures est directement concerné par le développement de l'Algérie. Au début de l'indépendance, les responsables ont vite compris que la construction du pays était liée à ses ressources naturelles, ressources dont la propriété n'était pas encore pleine. J'estime que la période post-indépendance avait encore des hommes sincères qui voulaient véritablement faire de l'Algérie un pays prospère et développé. La suite, très certainement le livre de Hocine Malti apportera des éclaires sur la gestion de nos ressources naturelles. La Sonatrach faisait peur au début, elle ressemblait à géant, aujourd'hui, il me semble la voir réduite à un butin. Dommage.