Algérie : primat du civil sur le militaire ou du militaire sur le civil ?

Héritier des anciens dirigeants, Bouteflika ne semble pas en mesure de dégager un horizon politique  serein aux Algériens.
Héritier des anciens dirigeants, Bouteflika ne semble pas en mesure de dégager un horizon politique serein aux Algériens.

"Jili, Tab jnanou Tab jnanou Tab jnanou" (ma génération est arrivée à terme) Président Abdelaziz Bouteflika (8 mai 2012)

L’Algérie a fêté le 05 juillet 2012, cinquante années d’indépendance politique. De juillet 1962 à juillet 2012, elle a connu 7 dirigeants. Ahmed Ben Bella (1962 à 1965), Houari Boumediene (1965 à 1978) , Rabah Bitat (1978 à 1979), Chadli Bendjedid (1979 à 1992), Mohamed Boudiaf (1992 ), Ali Kafi (1992 à 1994) , Liamine Zeroual (1994 à 1999) et Abdelaziz Bouteflika (1999 à aujourd'hui). A ce jour se pose le problème lancinant des réformes à venir, si elles ont lieu, et de la légitimité et de la transparence des futures élections présidentielles d’avril 2014 ?

Du congrès de la Soummam, au GPRA et de la période du président Boumediene

Le déclenchement de la révolution algérienne a été décidé dans la Casbah d’Alger et à Batna sous la présidence de Mostefa Ben Boulaid dans la réunion des 22 cadres du Comité révolutionnaire d’unité et d’action CRUA), qui sont Badji Mokhtar- Belouizdad Athmane,- Benboulaid Mustapha, Benabdelmalek Ramdane, Benaouada Amar, Ben M’hidi Larbi, Bentobbal Lakhdar, Bitat Rabah, Bouadjadj Zoubir, Bouali Said, Bouchaib Ahmed, Boudiaf Mohamed, Boussouf Abdelhafid, Derriche Elias, Didouche Mourad, Habachi Abdesslam, Lamoudi Abdelkader, Mechati Mohamed, Mellah Rachid, Merzougui Mohamed, Souidani Boudjema, Zighoud Youcef. La déclaration du 1er novembre 1954 est émise à partir de Tunis. Le Congrès de la Soummam organisé par Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, et Krim Belkacem le 26 aout 1956 au villages Ighbane et Ifri dans la commune d’Ouzellaquen (Kabylie) a été l’acte fondateur de l'État Algérien moderne et pilier déterminant pour la réussite de la révolution Algérienne. "La primauté du politique sur le militaire" constitua l'un des fondements du Congrès.

De septembre 1958 à janvier 1960 Ferhat Abbas a été président du GPRA, Benyoucef Benkhedda d’aout 1961 à juillet 1962, Abderrahmane Farès de juillet 1962 à septembre 1962 président de l’exécutif provisoire algérien et à nouveau Ferhat Abbas du 20 septembre au 25 septembre 1962 président de l’Assemblé nationale constituante (ANC). Et c’est sous cette période qu’éclateront des conflits entre ceux de l’extérieur (localisés à Oujda notamment et accessoirement à Tunis) et de l’intérieur qui en fin de compte aboutira à la victoire de ceux aux frontières c'est-à-dire l’extérieur pour la prise du pouvoir c'est-à-dire le primat du militaire sur le civil. L’armée que dirigeait Boumediene s’est opposée au gouvernement provisoire de la république algérienne GPRA lors des accords d’Evian.

L’Assemblée Nationale Constituante est élue le 20 septembre 1962 et Ben Bella avec l’appui de l’armée de l'extérieur notamment du Maroc devient secrétaire général du bureau politique du FLN en avril 1963. La Constitution, sera approuvée le 08 septembre 1963 par référendum et le 15 septembre 1963 Ben Bella est élu Président de la République Algérienne, poste qu’il cumule avec le poste de premier ministre, et secrétaire général du FLN. Par la suite, le clan d’Oujda sur lequel s’est appuyé Ben Bella pour accéder au pouvoir commence à être éliminé. Medeghri quitte le poste de ministre de l’Intérieur, Kaid Ahmed renonce au poste de ministre du Tourisme, Chérif Belkacem est limogé comme ministre de l’Orientation, qui regroupait l’information, l’éducation nationale, à Abdelaziz Bouteflika est retiré le poste de ministre des Affaires étrangères le 28 mai 1965 à la veille de la conférence afro-asiatique. Ben Bella signe un accord le 16 juin 1965 avec le Front des forces socialistes, accords signés par Yaha Abdelhafidh ce qui entrainera des tensions et élargit son contrôle sur des ministères stratégiques.

Le 19 juin 1965, Ben Bella est destitué par un coup d’Etat par le colonel Mohamed Ben Brahim Boukharouba, dit Houari Boumediene entouré d’un conseil de la Révolution dont certains joueront un rôle déterminant, d’autres plus nombreux un rôle accessoire. Houari Boumediene est Président assisté de 25 membres que je citerai par ordre alphabétique dont  Abid Said, Bencherif Ahmed, Bensalem Abderrahmane, Boumaaza Bachir, Draia Ahmed, Mahsas Ahmed, Mohammedi Said, Soufi Salah, Zbiri Tahar, Belhouchet Abdallah, Bendjedid Chadli, Boudnider Salah, Bouteflika Abdelaziz, Kaid Ahmed, Medeghri Ahmed, Mohand Ould Hadj, Tayebi Larbi, Benahmed Mohamed Abdelghani, Benhaddou Bouhadjar, Boudjenane Ahmed, Cherif Belkacem, Khatib Youcef, Mendjeli Ali, Moulay Abdelkader, Yahiaoui Mohamed Salah.

Surtout après la tentative du coup d’Etat du colonel Z’biri assisté de plusieurs officiers en 1967, Boumediene concentre entre ses mains tous les pouvoirs et légifère par ordonnance. Il était président du Conseil de la Révolution, chef de l'Etat, chef du gouvernement, ministre de la Défense, partisan de l'organisation monopolistique du parti-Etat et de l'idéologie socialiste. Durant cette période Houari Boumediene sera élu dans le cadre du parti unique président de la République du 10 décembre 1976 au 27 décembre 1978 date de son décès après une longue maladie. L’intérim sera assuré par Rabat Bitat du 27 décembre 1978 au 09 février 1979.

La période des présidents Chadli Bendjedid, d’Ali Kafi, Liamine Zeroual et Abdelaziz Boutreflika

Après des luttes de pouvoir pour la succession de Boumediene entre le colonel Yahiaoui secrétaire général du FLN et Bouteflika ancien officier de l’ALN, le colonel Chadli Benjedid, commandant de la 2ème région militaire (Oranie) candidat unique, homme de compromis au sein de l’institution militaire, seul organe de décision est élu le 9 février 1979 comme 3ème président de la république tout en cumulant la fonction de président du parti du Front de Libération Nationale FLN. Il aura deux autres mandats du 07 février 1984 au 22 décembre 1988 et du 22 décembre1988 au 11 janvier 1992, date de sa démission. Il aura pour la première fois des chefs de gouvernement qui seront le colonel Mohamed Ben Ahmed Abdelghani, ancien membre du conseil de la révolution du 8 mars 1979 au 22 janvier 1984 lui succèdera Abdelhamid Brahimi du 22 janvier 1984 au 5 novembre 1988.

Conséquence de la crise économique de 1986 Mouloud Hamrouche, secrétaire général à la présidence de la République du 09 septembre 1989 au 05 juin 1991 le père des réformes économiques lui succèdera. C’est la magistrature de Chadli que fut libéré le président Ben Bella emprisonné du 19 juin 1965 jusqu’en juillet 1979 et assigné à résidence jusqu’à octobre 1980 date de sa libération. Conséquence de la chute des cours du pétrole en 1986, nous assistons à une crise économique qui poussa le pouvoir à faire des réformes politiques et économiques. Après le socialisme spécifique, c’est de l’économie de marché spécifique à l’algérienne avec la dominance du secteur d’Etat soumis à la gestion privée. Sur le plan politique c’est l’ouverture avec la naissance de bon nombre de partis dont le FIS mais surtout des micros partis, une famille pouvant fonder un parti. Ce sera pour la première fois des élections législatives pluralistes où Sid Ahmed Ghozali est nommé chef de gouvernement du 05 juin 1991 au 08 juillet 1992 qui organisera ces élections. Après les élections législatives de décembre 1991 qui ont vu le Front Islamique du Salut l’emporter, le processus électoral sera interrompu et il est mis en place le 14 janvier 1992 par le Haut Conseil de Sécurité (HCS) représentant le haut commandement militaire le Haut Comité d’Etat (HCE) qui est un organe en charge provisoire de la gestion de l'État, une présidence collégiale de transition suite à la démission (certains parleront de coup d’Etat déguisé) du président Chadli Bendjedid après plus d’une décennie de pouvoir.

Le 16 janvier 1992, Mohamed Boudiaf est rappelé en Algérie pour devenir le président du Haut Comité d’Etat en charge provisoire des pouvoirs de chef de l'État. Il est assassiné six mois plus tard, le 29 juin 1992, lors d'une conférence des cadres qu'il tenait dans la ville d’Annaba. Son remplacement sera assuré par un autre membre du HCE, du 02 juillet 1992 au 30 janvier 1994 avec parallèlement, un Conseil Consultatif faisant œuvre de parlement désigné, le colonel Ali Kafi, lui-même membre du HCE, ancien officier de l’ALN qui en août 1956, a fait partie de la délégation de la wilaya II du Congrès de la Soummam, représentant militaire, puis colonel, et enfin commandant de la wilaya de 1957 à 1959. La période qui suit verra un Chef d’Etat, le général Liamine Zeroual du 30 janvier 1994 au 16 novembre 1995 avec un parlement de transition à savoir le CNT (conseil national de transition) combinaison d’associations et de partis politiques. Viendront les élections de Liamine Zeroual comme président de la République 16 novembre 1995 qui verront deux chefs de gouvernement, Ahmed Ouyahia du 31 décembre 1995 au 15 décembre 1998 qui pratiquera l’ajustement structurel avec des effets sociaux douloureux suite au programme du FMI et Smail Hamdani du 15 décembre 1998 au 23 décembre 1999. Une nouvelle constitution (1996), crée la seconde chambre, dite Conseil de la nation, et fait nouveau et important, elle limite le mandat présidentiel à deux étalé sur cinq années. Ce président démissionne le 27 avril 1999.

Des élections sont programmées le 08 avril 1999 avec l’élection d’un nouveau président Abdelaziz Bouteflika ancien officier de l’ALN. C’est durant cette période que sera matérialisé, en relation avec le haut commandement de l’armée, le référendum sur la réconciliation nationale le 14 aout 2005. Un deuxième mandat le 08 avril 2004 à nouveau pour Abdelaziz Bouteflika et courant novembre 2008 est amendée la constitution, non pas par référendum mais à la majorité des deux chambres, qui ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant, comme souligné précédemment, le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de premier ministre consacrant un régime présidentiel. Dans la foulée l’élection à nouveau du Président Abdelaziz Bouteflika le 09 avril 2009 pour un nouveau mandat de cinq années (2009/2014).

En conclusion, tout en reconnaissant que c’est la seule institution véritablement organisée, depuis l’indépendance politique, excepté la période exceptionnelle de Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda et d’Abderrahmane Farés, tous les chefs d’Etat algériens ont été des militaires ayant reçus l’aval de l’institution qui fonctionne comme force collégiale, ou comme Ben Bella, Boudiaf reçu l’aval de l’institution militaire. Le ministre des affaires étrangères algérien a même reconnu qu’il n’y a jamais eu d’élections véritablement libres depuis l’indépendance politique. Dans la capitale des hauts plateaux, à Sétif où il s’était rendu pour commémorer les massacres du 8 Mai 1945, le président Abdelaziz Bouteflika a décrété la fin de mission de la famille révolutionnaire dans la gestion des affaires du pays. Je le cite "50 ans plus tard, le rôle des membres de la famille révolutionnaire est terminé dans la gestion des affaires du pays" et d’ajouter: "Jili, Tab jnanou Tab jnanou Tab jnanou" (ma génération est arrivée à terme). Un premier pas a été franchi où les militaires algériens en fonction, se sont retirés du parti du FLN. Tout en étant conscient que le blocage actuel est d’ordre systémique, (un changement d’hommes sans mutation du système rentier bureaucratique ne résoudra aucun problème) est-ce une manière pour le président d’annoncer qu’il ne briguera pas un 4e mandat et que les élections du 4 avril 2014 seront libres ? J’espère pour ma part, et pour l’Algérie, face à une ébullition sociale sans précédent, dangereuse car non organisée face à un système politique vieillissant et agonisant, une société civile atomisée, une transition pacifique permettant le passage de la légitimité révolutionnaire à la légitimité populaire, en fait l’instauration d’un Etat de Droit et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle, fondement de tout processus de développement fiable à terme.

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités -Expert international en management stratégique

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Commentaires (3) | Réagir ?

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amazigh zouvaligh

L'erreur d'Abane, c'était l'intégration des forces idéologiquement opposées dans un seul front, les centristes comme Da Hocine et MEHRI, les Oulémas, les communistes PCA, les PPA, comme KRIM, Les Messalistes, après les affrontements de MELOUZA et les soldats du général BELOUNIS dit Brahim STAIFI, après le massacre de Guenzet par le FLN, le FLN bis dit du "GROUPE DU CAIRE" Ben Bella et ses semblables le FLNA de Boudiaf etc La France rentre en scène avec le 11 éme CHOC DES PARAS, en montant des affaires contre Benboulaid, Abane, la Bleuite, paix des braves, la préparation par DE GAULLE le raciste (voir livre de Maurice Faivre) de l’armée des frontières à NADOR, en déplaçant le 10 éme Régiment des TABORS marocains vers NADOR depuis BATNA, d'ailleurs la mort de Benboulaid et Abane, le colonel SI SALAH dont personne n'en parle (famille révolutionnaire dites vous) sont suspectes voir rapport du CCE (Adjal Adjoul et Krim). C'est plutôt compliqué, tous les acteurs de la guerre d'Algérie ou du moins ce qui l'en reste sont là pour témoigner mais ils le font pas, de peur des représailles de l'autre. Voila le gros des soucis pour une ALTERNANCE au pouvoir ou bien une CONSTITUANTE. Je peux dire les tensions au sein du pouvoir actuel est le prolongement négatif des tensions durant la guerre de libération. Le salut viendra de la jeunesse, si elle veut vraiment changer les choses sinon attendre un apaisement politique avec les anciens acteurs de la révolution.

La violence, la terreur, la répression, l'autoritarisme, la corruption, le népotisme, les manipulation et les provocations sont les caractéristique de toutes les Dictatures militaires. C’est la logique inhérente intrinsèque au Régime militaro-mafieux. C'est un Régime né dans la violence (guerre de libération), qui pratique la violence, manipule la violence, vit avec la violence... et pour la violence. Théorème : régime..... de/dans/avec/avec/par/pour.... la violence ! Il repose sur le très solide "trépied" : La Police politique, l'Armée de régime, les Clans rivaux. Le DRS est cette Police politique qui commande, surveille et muselle cette Armée de régime et donne la force au Clan mafieux auquel elle est le plus fortement amarrée, arrimée, accrochée. Nous avons à faire à un Pouvoir de "nature militaire" et de "structure clanique", à la fois un "tout indissociable" et un "amas de clans", une "face apparente (Présidence-Gouvernement) et "face cachée" (Police politique)... Voilà la "nature du pouvoir"..... qui est la question fondamentale en analyse politique. N'en déplaise à nos prétendus ou/et dits "leaders", ces "agitateurs politiques", ces "manipulateurs manipulés" propulsés, sponsorisés et mis au devants devant la scène politique et médiatique par les Maîtres du DRS, la Gestapo locale, qui est "le pouvoir réel", "l'enclave autoritaire principale", le "sommet de la Pyramide du Pouvoir"..... qui bloque la transition, le pays ! par la force, la répression, les manipulations, les provocations, les massacres, les assassinats, les disparitions, les rapts, les KIDNAPPINGS.

" Le DRS n'est pas le DRS s'il ne sème pas la terreur ". Il est formé sur le modèle de la GESTAPO, exactement comme les Polices politiques/secrète d'Etat des Dictatures l’image de la STASI, de la bande A Bader du sentier lumineux, militaire régnant en Amérique latine, et naguère sous Le Portugal de Salazar, l'Espagne de Franco, la Grèce des Colonels..... qui héritent du Pétainisme en France, le Mussoliniste en Italie, l'Hitlérisme en Allemagne, le Stalinisme en Urss.

Pour revenir à la Kabylie, il faut rappeler que le Régime militaire applique le principe qui préside à son action : la ruse et/la force, l'un ou l'autre ou les deux à la fois. La RUSE par les "leaders" locaux, ces agitateurs/ manipulateurs manipulés, ces faux-opposants et pseudos-démocrates dont les "micro-partis/bébés-éprouvettes ont été instigués dans les Laboratoire du DRS, et la FORCE par la violence, les meurtres, les rapts, et.... les KIDNAPPINGS !

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koceila ramdani

Et d'ajouter la proclamation de l'indépendance de l'Algérie, et ainsi pouvoir créer une république, et un état digne de ce nom, mais ce là n'est q'un rêve, il ne faut pas se leurrer, L'Algérie aura toujours les mains liées à l'Armée, et au FLN, des Boumedienne, chadli, et des boutef il y en a partout, et ils ne la lacheront que quand il n'y aura plus rien a prendre.

mais comme bourourou, ben bella, chadli, et autres, ils finiront tous par rendre des compte devant Le Divin, là ou il n'existe pas de corruption, ni leurs copains pour les sauver de la colère de Dieu, et de ma part, qu'il s'eternissent tous en enfer.

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