Le Sahara algérien : diversité écologique et poumon économique

De nombreuses études montrent la riche diversité du Sahara algérien.
De nombreuses études montrent la riche diversité du Sahara algérien.

Comme tout un chacun le sait, notre pays est amplement occupé par un territoire vierge et désertique qu’on a depuis longtemps appelé le Sahara, ce territoire qui représente une immensité désertique près de 90% de la surface globale du pays, soit 2 millions de kilomètres carrés, regorge de richesses minières et énergétiques. Un vaste territoire exotique, avec un sous-sol généreux, qui a toujours fait figure de « coffre-fort » pour le reste du pays.

Les gisements miniers et pétroliers du Grand Sud garantissent à l’Algérie des revenus conséquents qui en font d’elle la seconde puissance économique du continent avec un PIB qui frôle les 120 milliards de dollars. Le pétrole (9ème exportateur mondial), le gaz naturel (4ème fournisseur), le zinc, le fer, le phosphate sont autant de matières premières qui y sont extraites et exportées aux quatre coins du monde. Le Sahara algérien, c’est aussi l’agriculture avec ses oasis et ses palmeraies qui proposent un grand échantillon de dattes d’une exceptionnelle qualité. La céréaliculture, le maraîchage, l’arboriculture et l’élevage, en outre, des résultats probants.

Le Sahara n’est pas qu’une mer de dunes de sable comme on a tendance à l’imaginer. Le Grand Sud algérien alterne entre paysages volcaniques (massif du Hoggar) et lunaires (Tassili N’Ajjer), plaines de pierres et (les Regs) et plaines de sable (les Ergs) d’où jaillissent parfois de superbes oasis. Le climat du Sahara est désertique dès que l’on franchit la chaîne de l’Atlas saharien. Les écarts de température dans une même journée peuvent être considérables, c’est le cas dans le Sahara où le mercure peut osciller d’un extrême à l’autre en l’espace de quelques heures seulement (au-delà de 40 °C le jour, au-dessous de 5 °C la nuit !).

Sur le plan faune, on croise des gazelles, des fennecs, quelques hyènes rayées, les petits rongeurs du désert (gerboises, gerbilles...), quelques scorpions et bien évidemment des dromadaires. Lions, autruches et autres crocodiles ont quitté le pays depuis plus d’un siècle. Sur le plan flore, d’ingénieux systèmes d’irrigation permettent aux paysans de cultiver, en dehors des palmiers dattiers, toutes sortes de fruits et de légumes dans leurs plantations. Et sur le plan hydrique d’immenses quantités d’eau existent au niveau du sous-sol saharien, c’est ce qu’une toute dernière étude britannique vient de révéler où des chercheurs du British Geological Survey de University College de Londres, ont pour la première fois établi une cartographie des nappes phréatiques du continent, Selon cette étude, le volume total des eaux souterraines est estimé à 0,66 km3, soit plus de cent fois le volume des eaux de surface. Les réserves les plus importantes se trouvent en Libye, en Algérie, au Soudan, en Egypte et au Tchad, révèle l’étude, parue dans la revue Environmental Research Letters de l’Institut de Physique. Toutefois, préviennent les chercheurs britanniques, toutes les ressources souterraines ne sont pas accessibles. Actuellement quelque 300 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable sur le continent. La demande en eau de consommation est appelée à croitre sensiblement au cours des décennies à venir à cause notamment de la pression démographique et des cultures irriguées.

Les résultats montrent également que dans de nombreuses régions d’Afrique, il y a suffisamment d’eau souterraine pour alimenter en eau potable la population locale grâce à des pompes manuelles. En revanche, les possibilités pour mettre en place des puits de forage d’un débit supérieur à 5 l/s, pour une exploitation commerciale, sont beaucoup plus limitées. L’eau souterraine apparait comme une alternative face au défi du changement climatique. Selon les chercheurs, elle réagit plus lentement aux conditions météorologiques que l’eau de surface. Classiquement, on distingue trois grandes nappes souterraines qui sont présentes dans la région: une nappe très profonde dite du Continental Intercalaire (CI), une autre intermédiaire dite du Complexe Terminal (CT) et, d’autres nappes phréatiques (NP) qui se trouvent un peu partout dans le reste du Sahara et qui s’étalent en fonction des types de roches affleurant dans l’endroit concerné.

Le premier système (continental intercalaire) occupe la partie sud et ouest du Sahara, alors que le deuxième (le complexe terminal) occupe le reste du territoire saharien, en couvrant une superficie de 1 million de kilomètres carrés, dont 650 mille pour l’Algérie, 250 pour la Tunisie et le reste (100) pour la Libye. La nappe du Complexe Terminal (CT) est assez profonde (250 m) et captive sur la région du Souf, ses zones d'alimentation se situant au sud sur l'étendue du Grand Ergc Oriental où elle devient moins profonde et libre (niveau statique = -30 m). Ces appellations de continental intercalaire (ICI) et du complexe terminal (CT) sont tributaires à une époque géologique bien connue au Sud qu’on appelle le Crétacé, une période où le Sahara était tour à tour submergée à exondée par la mer qui a fait déposé de grandes quantités de sédiments au moment de transgression, il s’agit de  carbonates notamment, mais aussi des grès, argiles et sables qui constituent maintenant les niveaux aquifères de ces contrés.

Les autres nappes du Sahara :

La nappe de Tolga : la région de Tolga est située au pied du versant Sud de l’Atlas, au Sud-Ouest de Biskra. Cette nappe est probablement bien alimentée par ses zones d’affleurement, cependant elle est intensément exploitée.

La nappe phréatique de la région Oued Righ-Souf-Ouargla : Elle est contenue dans les niveaux sableux et argilo-évaporitiques du Quaternaire, pelliculaires par rapport à la nappe des sables qui lui succède en profondeur, dont elle est généralement séparée par un niveau semi-perméable du Moi-Pliocène. Dans ces régions, on assiste au phénomène de remontée du niveau de la nappe phréatique, lié au développement de l’irrigation (prélèvements excessifs dans les nappes profondes) et au manque de drainage.

Les aquifères de la région de Béchar : La bordure Nord-Ouest du Grand Erg Occidental constitue la région la plus arrosée du Sahara, avec une pluviométrie atteignant 200 mm. La région renferme un certain nombre de nappes : Les nappes du quaternaire (inféro-flux d’Oueds intermittents ou dépôts plus anciens de terrasses) et la nappe des calcaires du Turonien.

Les aquifères de la région de Tindouf : A l’extrême Ouest du territoire algérien, la région de Tindouf est particulièrement sèche. Au plan hydrogéologique, on distinguera : la nappe hamadienne, la nappe des calcaires et de dolomies, parfois fissurés, qui fournit l’essentiel de l’eau de Tindouf. Dans le secteur de Gara-Djebilet, la formation des grès renferment une nappe d’eau douce.

Les appes du Hoggar et des Tassilis : les Inféro-flux des oueds constituent certes des ressources renouvelables, mais ce renouvellement tributaire des grandes crues est complètement aléatoire, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux successions d’années sèches. Or leur taux d’exploitation est généralement élevé, ce qui pourrait dans certains cas conduire à leur quasi-assèchement.

Complexe gréseux Cambro-Ordovicien : Ils constituent des aquifères généralisés, alimentant un certain nombre de points d’eau pérennes (sources, gueltas, forages). Complexe gréseux de Dévonien inférieur : Les grès du Dévonien inférieur ont été reconnus aquifères dans le bassin d’Illizi (toit à plus de 800 m de profondeur), ainsi que dans ceux de Tin Sérinine et des Ajjers à l’affleurement. Socle antécambrien et basaltes tertiaires : la couche d’altération du socle antécambrien peut atteindre quelques mètres à quelques dizaines de mètres, et être relayée en profondeur par un niveau sain, mais fracturé, avant d’atteindre le socle sain non fracturé. L’exploitation intensive des eaux souterraines dans le Sahara algéro-tunisien, s’est développée depuis plus de 50 ans. En Libye ce développement est plus récent. Cependant la pression démographique croissante et l’absence de ressources renouvelables dans le territoire saharien ont entraîné un intérêt grandissant pour le potentiel représenté par les ressources du SASS.  Actuellement, les prélèvements totaux sur le SASS sont estimés à 540 Hm3 /an en Tunisie, environ 1100 Hm3/an en Algérie et 250 Hm3/an en Libye.

Plusieurs études de grande envergure ont concerné les deux grands aquifères sahariens. La plus récente "Etude de gestion des ressources en eau du SASS" réalisée par l’Observatoire de Sahara et du Sahel (OSS) et pilotée par l’Algérie, la Tunisie et la Libye, vise à organiser une gestion concertée de ces ressources non renouvelables et ce à travers la mise au point d’un modèle de simulation qui permettra l’évaluation des ressources en eau exploitable.  Certaines études menées par des chercheurs algériens comme Adnane S. Moulla et Abedelhamid Guendotjz (2003), dont le travail est intitulé "Etude des ressources en eau souterraines en zones arides (Sahara algérien) par les méthodes isotopiques" ont montré que cette nappe étant rechargeable mais sur une très grande durée, de l’ordre de 2,5 millions ans, une période qui coïncide avec les dernières glaciations qu’a connu notre le pays en général, et le Sahara en particulier, elles sont d’âge Pléistocène inférieur, ce qui nous amènerait à dire que, contrairement à certaines assertions, les nappes phréatiques de notre Sahara ne sont guère rechargeables, sauf bien sûr s’il se produit un grand «chamboulement» climatique où le climat deviendrait absolument plus humide.

Les réservoirs souterrains du Sahara constituent d'immenses réserves d'eau à composante essentiellement ancienne (fossile). En plus des contraintes techniques, les conditions climatiques extrêmes qui y règnent ne facilitent pas les études s'intéressant aux questions en suspens concernant ces ressources. Le problème de remontée des eaux au niveau de la région du Souf trouve principalement sa cause dans l'utilisation abusive des eaux du continental intercalaire (CT) pour les besoins d'irrigation par le biais de techniques inadaptées en l'absence de réseau d'assainissement. Les eaux du CT sont anciennes et proviendraient d'un pluvial datant du Pléistocène inférieur. Le même schéma se répète au niveau de la cuvette de Ouargla où le continental intercalaire (CI), artésianisme aidant, contribue au phénomène, à la faveur d'une drainance ascendante par le biais de forages détériorés et des prolongements des failles d'Amguid El-Biod.

Ces auteurs concluent que les implications immédiates de tels résultats devraient nous orienter vers une révision et une adaptation du programme de gestion des eaux en considérant les données actuelles. Bien que les ressources en eau soient considérables, l'avenir des biens et des populations et le développement régional sont conditionnés par le fait fondamental de l'instauration d'un schéma d'exploitation de type minière.

Dr Moussa Kacem
Maître de Conférences
Université d’Oran
Expert en mines et carrières
Expert en Environnement
Email : [email protected]

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