Bouteflika et la crise malienne : la gifle de Bamako (Actualisé)

Abdelaziz Bouteflika et le président déchu, Toumani Touré
Abdelaziz Bouteflika et le président déchu, Toumani Touré

L'accord pour une intervention armée au Nord Mali est scellé entre Bamako et la Cédéao et sera avalisé par le conseil de sécurité de l'ONU. Lors de la 67e session des Nations unies, le premier ministre malien a multiplié les contacts. Mourad Medelci a évité la question dans son discours de ce mercredi devant l'instance internationale. Cette décision de Bamako est un revers pour Abdelaziz Bouteflika qui n'en est pas à son premier affront.

La reconquête du Nord-Mali par la guerre contre son indu occupant, Al Qaïda au Maghreb islamique, semble, ainsi que l'indiquent les dernières informations, irréversible. Bamako, après son refus signifié à la Cédéao d'accueillir sur son sol les armées ouest africaines, vient d'en donner le feu vert. Entre Bamako et la cédéao, l'OK est lancé d'un commun accord pour lancer une offensive militaire contre Al Qaïda au Maghreb islamique au Nord-Mali. Le conseil de sécurité de l'ONU qui, initialement avait demandé à la Cédéa un plan plus "faisable" et adapté aux exigences de Bamako campée dans son refus de servir de base aux armée ouest africaines, devra donc avaliser cet accord scellé. En marge de la 67eme cession de l’assemblée générale des Nations unies, ce 25 septembre, le Premier ministre malien Cheick Modibo Diarra s'est entretenu en tête à tête avec le secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, Johnnie Carson au cours duquel il a sollicité officiellement l’aide des Etats unis pour la reconquête des territoires occupés. A l’issue de la rencontre, même si Barack Obama ne s'est pas exprimé sur ce sujet, le secrétaire d’Etat adjoint aux affaires africaines dit avoir mesuré l’ampleur de la crise: "J’espère que le Mali va continuer à faire des progrès. J’encourage votre pays à rétablir la démocratie par des élections" insinuant par là la crise politique qui sévit à Bamako.

Le Premier ministre malien a ensuite été reçu par le président du Bénin, président en exercice de l’Union africaine, Thomas Yayi Boni. L’entretien a porté aussi sur la demande d’assistance de l’Union Africaine à cette offensive armée "Je suis venu remettre au président en exercice de l’Union Africaine une requête demandant son assistance pour aider le Mali à reconquérir son territoire occupé. Le président Yayi Boni dit qu’il n’épargnera aucun effort pour que cela se matérialise" a-t-il confié à la presse à l’issue de la rencontre. Dès son arrivée, le Premier ministre a rencontré le secrétaire général des Nations unies pour demander l’aide de l’organisation internationale dans la crise qui sévit dans le nord du Mali.

Le Président Français, dont c'est la première allocution au niveau de cette instance internationale, a exhorté au cours de cette 67 ème session des Nations ses pairs à une action urgente au Mali, mais aussi en Syrie, où l'émir du Qatar pense qu'une intervention militaire arabe est désormais souhaitable. "Nous avons le devoir d'agir, d'agir ensemble et d'agir vite, car il y a urgence", a estimé le président français, qui milite pour une résolution rapide du Conseil de sécurité donnant un mandat d'intervention militaire à la Cédéao, en accord avec Bamako et avec "un soutien logistique de la France", "pour permettre au Mali de retrouver son intégrité territoriale". Paris espère que la 67e Assemblée générale de l'ONU et la Conférence sur le Sahel qui doit se dérouler à sa marge, ce mercredi 26 septembre, marquera un "tournant important".

Le Président sénégalais Macky Sall a été ferme ce mercredi: "Le Nord Mali est devenu une zone de non droit, un sanctuaire pour le recrutement et l’entrainement de la nébuleuse terroriste internationale qui, prenant abusivement l’Islam comme prétexte pour masquer ses activités criminelles, se donne pour ambition de s’attaquer à des intérêts étrangers et d’atteindre d’autres pays de la sous région et du monde. Garant de la sécurité collective des Etats membres en vertu de la Charte des Nations Unies, le Conseil de Sécurité a l’obligation d’agir pour mettre fin à cette situation (...) Les bandes terroristes organisées, puissamment armées et nourries de trafics illicites en tous genres, continuent d’occuper en toute illégalité les deux tiers du pays, de semer la désolation parmi les populations et de détruire des symboles du patrimoine culturel mondial», a-t-il déclaré. Macky Sall est d’avis que "le Conseil de sécurité, garant de la sécurité collective des Etats membres en vertu de la charte des Nations unies, a l’obligation d’agir pour mettre fin à cette situation".

Face ces rencontres et discours sur l'urgence d'une offensive militaire contre les groupes terroristes d'Al Qaïda au Nord-Mali et une éventualité d'une intervention armée en Syrie, le ministre des Affaires étrangères algérien, Mourad Medelci, semble observer un silence gênant. Dans son discours de ce mercredi, il a évité la question malienne et syrienne, préférant s'appesantir sur la "Charte pour la paix et la réconciliation nationale" dont il a dit: "La politique de réconciliation nationale initiée par Monsieur le Président de la République se voulait «une étape décisive du processus de renouveau de notre pays et une contribution à l’assainissement total de la situation sécuritaire héritée des années 1990." Une politique que la Haut-Commisaire des Nations unies pour les droits de l'homme, Navi Pillay, en visite en Algérie, la semaine écoulée, a secoué dans ses fondements par sa demande d'une mission d'experts internationaux urgente et sans conditions sur la question des disparus durant la décennie noire; une demande express qui a mis en rogne les autorités algériennes qui se sont indignées de se voir imposées "un guide extérieur au nom des droits de l'homme et de la démocratie comme prétextes au chantage". Mais, la grande gifle donnée à Bouteflika vient de Bamako qui décide d'accepter toutes les conditions de la Cédéao sans en référer à Alger qu'elle avait pourtant considérée comme "un acteur important et incontournable" dans la crise malienne; un rang qui a valu à Alger d'occuper la vedette par la présence diplomatique appuyée du ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel et par la visite récente du Premier ministre malien à Alger venu demander de l'aide au chef de l'Etat.

Ainsi, c'est là un revers sans précédent qu'essuie l'Algérie de la part de Bamako qui abandonne la voie diplomatique défendue par l'Algérie pour une reconquête de ses territoires du Nord-Mali par les armes. La voie d'une "solution de paix négociée" au Nord-Mali promue par Bouteflika et pour laquelle il avait invité à sa table de négociation d'El Mouradia un des groupes terroristes affilié à Al Qaïda au Nord-Mali, apparait, désormais, caduque, voire empreinte de "traitrise". S'il est vrai que l'offensive des armées ouest africaines appuyées par la France au Nord-Mali n'est pas dans les jours qui viennent, en revanche, la décision de son recours, comme seule solution, est désormais irréversible, au risque de jeter un grave discrédit historique à l'instance internationale des Nations unies qui a tergiversé sur la crise syrienne.

Isolé de la scène internationale et aujourd'hui africaine, Abdelaziz Bouteflika est rattrapé par sa politique de concorde nationale au coeur même de ses réformes.

Dans la perspective d'une intervention armée contre Al Qaïda au Maghreb islamique, l'Algérie se verra sommée d'y participer au risque de servir de base de retrait aux groupes islamiques armés dont les chefs influents, tous Algériens, préfèreront se replier dans un pays dont ils connaissent les maquis, la nonchalance de la justice et les possibilités de demander la grâce qui leur a été promise par le chef de l'Etat. Bouteflika sera-t-il prêt à renoncer à sa politique de réconciliation nationale au moment de cette offensive armée contre Al Qaïda au Maghreb islamique qui démarre sous de bons auspices?

M. Messahel présente à l’ONU l’approche algérienne pour une sortie de crise au Mali: l'embarras d'Alger

L'approche de l'Algérie sur la crise malienne présentée ce mercredi à l'Onu en fin de journée par le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel en trois axes, se refuse à nommer les choses par leur nom: offensive militaire au Nord-Mali. Ses propositions restent très vagues et traduisent plus l'embarras d'Alger que des apports concrets à l'accord Bamako-Cédéao sur le choix inéluctable d'une lutte armée contre Al Qaïda au Maghreb islamique.

Comme premier axe, M. messahel a affirmé que les Maliens sont les premiers acteurs dans la recherche de solutions à leurs problèmes et qu’il s’agit d’aider et de soutenir en renforçant notamment leurs capacités nationales.

Le deuxième aspect porte sur le rôle de la communauté internationale dont les acteurs, a-t-il dit, doivent être guidés par un même agenda et leurs efforts conduits "selon un même ordonnancement, qui tient compte non seulement de la volonté des Maliens et des prérogatives de la Cedeao, mais aussi des intérêts de sécurité nationale des pays du champ voisins du Mali (Algérie, Niger et Mauritanie."

Le troisième axe, enfin, qui est dépassé et contraire désormais à la volonté de Bamako, est la voie diplomatique, cette "solution politique négociée "afin, a-t-il soutenu, d'éviter l'enlisement", reconduisant le discours d'Abdelaziz Bouteflika qui ne convainc pas, comme si Al Qaïda au Maghreb islamique allait comme par miracle se démarquer du terrorisme qui est sa raison d'être. Cette intervention de M. Messahel est décalée par rapport à l'accélération des changements politiques, diplomatiques sur la crise malienne.

R.N/ APS

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Commentaires (11) | Réagir ?

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Bey Mustapha BEBBOUCHE

MAJOR ORO OU « MAJOR euro » ?

Je suis pour le droit international et je n’adhère à aucun politicard d’où qu’il vienne.

Vous dites, je vous cite : « Ainsi, c'est là un revers sans précédent qu'essuie l'Algérie de la part de non pas la pauvre Bamako mais de la communauté internationale… » Alors que tout récemment, le représentant de Bamako à l’ONU a appelé la communauté internationale à une intervention militaire pour le Mali ; il n’a pas appelé à une solution politique mais plutôt militaire. Et c’est connu que la France qui s’est engluée dans un bourbier de crise avec une dette d’environ 2000 milliards d’Euros et qui cherche à maintenir son hégémonie sur toute l’Afrique se trompe d’époque : une grenouille qui cherche à grossir plus qu’un bœuf. Pour son bien, la France doit entretenir la stabilité en Afrique et non pas ajouter de l’huile sur le feu.

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Faro Laz

Je prends opportunité d’éditer avec tous mes respects quelque peu cet article, vous m’en excuserez, j’espère et j’accepte humblement de me voir censurer si vous en voyez un motif d’intérêt général quelconque.

La grande gifle n’est pas donnée à Bouteflika mais à toute l’Algérie. Elle ne vient pas de Bamako mais de la communauté internationale qui décide d'accepter toutes les conditions de la Cédéao sans en référer à Alger malgré qu'elle l’ait pourtant faussement considérée comme "un acteur important et incontournable" dans la crise malienne mais désormais un pays voyou et sans aucune signification majeure ; plutôt un mauvais exemple à éviter.

Ainsi, c'est là un revers sans précédent qu'essuie l'Algérie de la part de non pas la pauvre Bamako mais de la communauté internationale qui abandonne la voie diplomatique. On ne doit pas s’en étonner car conjoncturellement, la mode aujourd’hui est à la bonne conduite dans toutes les affaires internationales. Chanceux sont ceux qui se sont mis du bon côté, récemment comme ces quelques pays du Printemps Arabe.

Isolé de la scène internationale et aujourd'hui africaine, le tout petit Président algérien (qui avait de bonnes raisons de ne pas participer à cette 67??? AG de l’ONU) fait face à cette perspective d'une intervention armée contre Al Qaïda au Maghreb islamique. Cette organisation qui dit-on est un pur produit médiocre et style FLN des services algériens, croyant avoir affaire comme toujours à la douce petite France, se heurte maintenant à cette communauté internationale. Ce pauvre Président et toute la nomenclature militaro-civile se verra sommée d'y participer sinon de l’accepter au risque de se voir mal jugée encore plus. L’arroseur arrosé.

L’Algérie qui est à 95% amazigh, sinon plus, semble oublier que ces Azawadiens sont aussi d’autres amazigh qui perdus dans l’immensité du Sahara n’ont jamais eu cette bonne opportunité de se faire un pays à eux. Ce genre de souci n’est pas du fort des dirigeants de l’Algérie car ils sont préoccupés ailleurs, notamment par leur auto préservation. Tout à fait naturel et conséquemment la position de l’Algérie s’il y’en a une, n’est pas prévisible ayant toujours été gérée par des seigneurs de guerre type sieur Boukharouba et Co. jusqu’à aujourd’hui avec Mr AB qui n’est vraiment pas pris pour être sérieusement représentatif de l’Algérie en tant que président mais plutôt comme seigneur de guerre en héritage et représentant d’une nomenclature de militaires/services secrets eux aussi seigneurs de guerre.

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