France : pourquoi le chômage n'est pas près de baisser

Le gouvernement Ayrault a du souci à se faire concernant le chômage.
Le gouvernement Ayrault a du souci à se faire concernant le chômage.

Le gouvernement a raison de s'inquiéter et de vouloir passer la vitesse supérieure. La croissance stagne, les débouchés à l'étranger se tarissent, la consommation vacille et les marges des entreprises ont fondu. Résultat: le chômage mettra beaucoup de temps à disparaître.

Comme en 1993, la France vient de franchir la barre des 3 millions de chômeurs. Le choc est violent. L'économie française a effacé en trois ans le reflux démarré à la fin des années 1990. En réalité, le nombre de sans emploi est encore plus élevé: les trois millions ne tiennent pas compte des sans emploi des régions d'outremer, des gens radiés des listes ou encore des emplois précaires. Ce retour du chômage de masse crée un sentiment d'urgence, voire de panique chez le gouvernement qui sent la situation économique lui échapper.

Pour la première fois depuis l'élection présidentielle, François Hollande désire passer à la vitesse supérieure. "Nous sommes devant une crise d'une gravité exceptionnelle, une crise longue qui dure depuis maintenantplus de quatre ans", a lancé le chef de l'Etat vendredi 31 août lors d'un déplacement à Châlon-en-Champagne. François Hollande a raison de s'inquiéter. La sortie de crise - et donc le reflux du chômage - n'est pas pour demain, car tous les clignotants de l'économie sont passés au rouge. Passage en revue.

Croissance : électro-encéphalogramme plat

Le ministre de l'Econompie Pierre Moscovici l'a martelé à plusieurs reprises. La France n'est pas en récession, contrairement à l'Espagne, la Grèce ou le Royaume-Uni. Cependant, l'encéphalogramme de l'économie française reste désepérément plat. En volume, le PIB de l'hexagone n'a pas varié depuis un an. En d'autres termes, cela fait quatre trimestres que la croissance est égale à zéro. Une situation inédite qui reflète la fragilité de notre économie. Dans les conditions actuelles, il suffirait d'un rien pour enregistrer deux trimestres de croissance légèrement négative, et donc tomber techniquement en récession.

Or les freins à l'activité sont nombreux (prix élevé du carburant, chômage, refroidissement des échanges internationaux). Plus grave, aucun vent favorable ne semble pouvoir redonner, à court terme, de l'élan à notre économie. Du coup, les prévisions de croissance vont encore être rabotées. Jean-Marc Ayrault a déjà annoncé que les 1,2% de croissance attendus pour 2013 ne seraient pas atteints. La plupart des économistes évoquent déjà une croissance inférieure à 1% l'an prochain. Or il faut à la France une croissance d'au moins 1,5% par an pour voir le taux de chômage diminuer. Si on en croit les experts, ce chiffre sera atteint, dans le meilleur des cas, en 2014.

Exportations: de moins en moins de débouchés

Après une timide embellie au printemps, les comptes extérieurs français semblent à nouveau se dégrader. Le déficit commercial frôle à nouveau les 6 milliards d'euros par mois. Jean Marc Ayrault a promis de réduire une bonne partie de ce déficit en cinq ans. Un "plan d'action" pour la compétitivité de la France à l'international sera présenté fin septembre. Mais il ne pourra pas faire grand-chose à court terme : depuis le rebond technique observé en 2010, les échanges mondiaux - véritable baromètre de l'économie internationale - ne cessent de ralentir. Leur croissance sur un an est tombée à zéro cet été. Dans un monde où le désendettement prédomine, exporter devient un véritable casse tête, y compris pour les pays les plus performants. Les Etats-Unis ne jouent plus le rôle de consommateur en dernier ressort. Et la Chine se bat pour garder une croissance décente. Cette année, les exportations allemandes ne devraient progresser que de 4%, selon la fédération des chambres de commerce et d'industrie. C'est trois fois moins qu'en 2010. Les exportations françaises, traditionnellement moins dynamiques, progresseront sans doute encore moins vite.

Consommation : les freins restent nombreux

Hausse du prix du carburant, plans sociaux à répétition... Les Français ont des raisons de s'inquiéter. Résultat : leur confiance a perdu deux points au mois de juillet. Les ménages se montrent particulièrement inquiets au sujet de leur niveau de vie futur. Sur ce point, le solde d'opinion s'est écroulé de 13 points au mois de juillet, soit la baisse la plus importante enregistrée depuis novembre 2007. Cette perte de confiance est bien entendu une très mauvaise nouvelle pour la consommation. Celle-ci avait plutôt bien résisté au premier trimestre (+0,2%), grâce notamment aux créations d'emplois. Mais elle a ensuite reculé de 0,2% au deuxième trimestre. Aujourd'hui, c'est un véritable cercle vicieux qui risque de s'enclencher : la baisse de la consommation pèse sur les ventes des entreprises qui continuent de débaucher, alimentant à nouveau les craintes des consommateurs.

Entreprises : des finances en mauvais état

Le dernier rapport de l'INSEE sur la situation financière des enteprises fait froid dans le dos. La rentabilité des entreprises a perdu quatre points en l'espace de dix ans. Fin 2011, le taux de marge des sociétés produisant des biens et services non financiers est tombé à 28,6%, son plus bas niveau depuis 25 ans. Il est le plus faible de toute l'Europe ! A titre de comparaison, le taux de marge était de 34,4% en Allemagne et de 38,3% en zone euro. Les raisons de cette dégringolade : la baisse des profits dans l'industrie et plus récemment la hausse des prix de l'énergie ainsi que l'augmentation des coûts salariaux, à la fois à cause du poids des cotisations sociales à la charge des employeurs et de la hausse du salaire réel par tête. Le gouvernement ne semble pas pressé de redresser la barre sur ces ces différents points. Au contraire. Jean Marc Ayrault envisageait encore récemment un coup de rabot sur les allègements de charges. Le Premeir ministre a bien tenté de rassurer les patrons lors de l'Université d'été du Medef. Mais rien n'y fait. Pour beaucoup d'entrepreneurs, les mesures concoctées par le nouveau gouvernement sont de nature à pénaliser les entreprises françaises.

Sébastien Julian

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