Mutations énergétiques : l'urgence d’un nouveau management pour Sonatrach et Sonelgaz

Pour le PDG de Sonelgaz, Noureddine Bouterfa, mais aussi pour Sonatrach, il y a lieu de revoir la stratégie énergétique de l'Algérie.
Pour le PDG de Sonelgaz, Noureddine Bouterfa, mais aussi pour Sonatrach, il y a lieu de revoir la stratégie énergétique de l'Algérie.

Comment au préalable ne pas préciser que les deux plus importantes sociétés algériennes Sonatrach et Sonelgaz, contrairement à aux importantes sociétés internationales de pays développés et émergents (dont Gazprom) ne sont pas cotées en bourse, supposant un mode de gestion transparent.

Sonatrach-Sonelgaz doivent améliorer leur mode de gestion

Il est à rappeler que sur le plan strictement comptable, les immobilisations corporelles comprennent le terrain, les constructions, les installations techniques, matériel et outillage industriels, ainsi que les installations générales, agencements, matériels de transport, matériel de bureau et matériel informatique, mobiliers et emballages récupérables. Certes les contraintes d’environnement sont importants, notamment les règles juridiques influençant la gestion de Sonatrach-Sonelgaz (environnement légal et institutions publiques), les circuits banques primaire- banque centrale –Sonatrach- Sonelgaz pour les conditions de paiement afin d’accélérer la rapidité des opérations. Cependant, il ne faudrait pas occulter le mode gestion interne de Sonatrach-Sonelgaz, surtout Sonatrach (du fait que Sonelgaz, déficitaire, bénéficie pour différentes raisons dont le bas prix de cession, bénéficie d’un transfert de rente) qui fait vivre la majorité de la société algérienne : entre 1,5 à 2 milliards de dollars de subventions par an du fait du bas prix du pétrole-gaz sur le marché intérieur, 98% d’exportation, plus de 560 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000 et juin 2012, l’importation de 70-75% des besoins des entreprises publiques –privées ainsi que les besoins des ménages, 190 milliards de dollars de réserves de change au 1er juillet 2012, et l’importance de la dépense publique estimée entre 2004/2014 à plus de 500 milliards de dollars dont une grande fraction en devises. Dans la comptabilité des sociétés, ne sont pris en compte que les biens dont l’entreprise est propriétaire, les biens corporels loués ne figurant pas à l’actif ce qui constitue une lacune importante que certaines entreprises internationales comblent en général pour ne pas avoir un bilan biaisé. Quant aux immobilisations incorporelles, elles comprennent les frais d’établissement, les frais de recherche et développement, les concessions et droits similaires, brevets, licences, marques, procédés ainsi que le droit au bail commercial. Ces immobilisations sont souvent traités d’une manière superficielle alors qu’elles sont déterminantes pour une entreprise comparable à Sonatrach- Sonelgaz ce qui renvoie d’ailleurs au renouveau du plan comptable national. Car Sonatrach- Sonelgaz connaissent des coûts de production élevés certes pour des raisons techniques, mais également organisationnelles. Les enquêtes que j’ai pu mener ont montré la difficulté de cerner les coûts de Sonatrach- Sonelgaz. Sur le plan comptable, bien qu’existe une direction d‘audit au niveau des directions générales, elle établit souvent un bilan consolidé où l’on ne cerne pas correctement les centres de coûts du fait procédant de ce que les économistes appellent les comptes de transfert, pouvant voiler la mauvaise gestion d’une division ou des filiales. Aussi faute de comptes physico-financiers à prix constants, les ratios de gestion sont d’une signification limitée pour apprécier la performance. Il en résulte de mettre en place des comptabilités analytiques et d’adapter les structures organisationnelles aux contraintes afin de définir la structure des responsabilités et de concevoir un système d'information efficace, fonctionnant sur le principe de réseaux.

Pour un nouveau management stratégique de Sonatrach-Sonelgaz

A court terme pour Sonatrach-Sonelgaz, il s’agit de préparer un audit opérationnel du patrimoine existant, en le réactualisant à la valeur du marché. Parallèlement, un audit technologique et des moyens matériels (fixes et roulants) qui permettront de rentabiliser ce qui existe car le poste services (paiement des connaissances étrangères l’expert national pour le même travail étant rémunéré actuellement et cela n’est pas propre à Sonatrach- Sonelgaz parfois à dix fois moins que l’étranger) et l’immobilisation du parc roulant sont inquiétants. Seuls les audits pourront tracer les actions concrètes à mener en envisageant soit d’internaliser l’activité soit de l’externaliser avec une priorité au profit des cadres et travailleurs du secteur de certains activités ou le partenariat afin d’éviter la dispersion source de gaspillage des ressources et d’inefficience de l’entreprise. L’objectif est donc d’évaluer le degré de compétitivité des outils, équipements et immobilisations utilisés dans le contexte d'évolution technologique international. L’opération d ‘audit consistera à rassembler l'information sur les caractéristiques techniques, et les conditions de fonctionnement des équipements et de gestion des immobilisations, évaluer ses équipements et immobilisations corporelles et non corporelles, le niveau des stocks dormants, (objectif stock zéro) ces derniers donnant une comptabilité déconnectée de la réalité économique supposant de connaître le niveau d'automatisation, le niveau de performance, les besoins de maintenance non satisfaits, la pertinence des investissements réalisés et enfin la compétence du personnel utilisateur. Cela permettra d’analyser les forces et faibles technologiques des équipements, les alternatives stratégiques sur les programmes d'investissements, le besoin de formations techniques et d'acquisitions de savoir-faire et enfin le niveau de maîtrise de la gestion des moyens matériels et des stocks. Ces analyses précédentes supposent un système d’information sous forme de réseaux, base de toute action concrète dont l’informatisation en est la base sous réserve de banques de données fiables. L’objectif est d’optimiser les conditions de mise en œuvre des options stratégiques. Cela impliquera l’analyse et le test d’efficacité des structures et organigrammes existants, de leur compatibilité avec les contraintes existantes, l’évaluation des circuits et analyser les supports d'information de gestion afin de raccourcir les délais source de surcoûts. Il ya urgence de centres de coûts transparents en temps réel et des nouvelles règles du droit des affaires (droit des sociétés).

Cela passera nécessairement par la description des opérations suivantes : évaluation de la position financière : structure du bilan, charges (produits), de la reconstitution des centres de coûts pour l'exploitation, de l’évaluation des systèmes de gestion et de l’identification des centres de coût. La mise en place de ces instruments nécessaires dans toute entreprise d’envergure internationale, devrait permettre une amélioration de la gestion des contrats et du développement du partenariat, des projections économiques et financières et enfin la simulation / modélisation, ces actions devant aider à la prise de décision au temps réel. Il s’agira donc d’élaborer un modèle de simulation donnant plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables –fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers, gérer étant prévoir surtout pour cette entreprise stratégique pour le pays. La démarche devra être de type itératif. Elle consistera à itérer les séquences en plusieurs étapes : fixer les objectifs d'amélioration des performances reliés à chaque fonction où à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme ( ratios, contexte) ; - évaluer l'ordre de grandeur des impacts attendus (gains, qualité, délais, coût...) selon une démarche ascendante ; -évaluer les moyens et les délais nécessaires (ordre de grandeur) et enfin vérifier qu'à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre. Cette simulation permettra la mise en place de plusieurs scénarios d'amélioration des performances de Sonatrach- Sonelgaz tenant compte de l’évolution erratique tant du cours du dollar, de l’euro que du cours sur le marché international du pétrole et du gaz, permettant d’identifier chaque action, décrire le contenu, évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l'action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagné d'un tableau récapitulatif des moyens, coûts et gains attendus et enfin établir un tableau récapitulatif des indicateurs de performance à prévoir.

La ressource humaine et les institutions, facteurs stratégiques, pour l’efficacité du management de Sonatrach-Sonelgaz

Dans ce cadre comment ne pas rappeler que l’élite algérienne est caractérisée par sa marginalisation sociale selon la revue américaine Foreign Policy de juillet 2010 qui vient de consacrer une enquête minutieuse aux pays les plus vulnérables du monde. A cet effet, la revue américaine a même classé l’Algérie parmi les plus vulnérables au monde avec une note de 8,6 sur 10 pour la disparition et la dispersion de l’élite, s’agissant d’une des notes les plus mauvaises du monde. Selon cette revue, les conditions de vie déplorables des cadres et cerveaux algériens, les très bas salaires et l’environnement politique défavorable hypothèquent l’avenir de l’Algérie qui risque de se retrouver sans son intelligentsia pour construire son avenir (voir notre autre contribution dans ce présent ouvrage). Car, pour avoir une appréciation objective, il faut analyser non pas la balance commerciale mais surtout la balance des paiements tenant compte des mouvements de capitaux dont les transferts de dividendes et de services car nous assistons à un déficit du service de la dette inquiétant. Ce poste a plus que triplé par rapport à 2004 passant d’une moyenne de 4 milliards de dollars à 12 milliards de dollars en 2011 concernant principalement les importations de services au titre des infrastructures publiques, et par des entreprises du secteur des hydrocarbures. Aussi, il y a lieu de revoir les méthodes de promotion actuelles (bourse de l’emplois notamment) qui n’ont pas eu les effets positifs sur le terrain, encore que les intentions étaient parfois bonnes, avec la mise en retraite anticipé des cadres ayant atteint l’âge de 60 ans ce qui est une aberration et a fait fuir de nombreuses compétences hors Sonatrach –Sonelgaz sans que n’était préparé la relève. Aussi l’objectif est-il d’évaluer et de rendre plus performant les ressources humaines, par une formation permanente impliquant un audit mettant en relief nettement la typologie du personnel existant, l’adéquation de la formation aux besoins de Sonatrach-Sonelgaz, la disponibilité des compétences adéquates, les politiques de recrutement, l’évolution de la productivité du travail, les appréciations des mesures d'incitation et enfin l’évaluation du climat et de la culture d’entreprise (audit social et audit de la culture liés au renouveau du système d’information) dont la prise en compte – au profit des travailleurs - d’une gestion plus rationnelle des importantes sommes des œuvres sociales que consacre annuellement Sonatrach- Sonelgaz. Mais bien manager les ressources humaines suppose que le planning des actions à mener, doit être synchronisé du fait de la complexité de l’opération et sous tendu par un dialogue permanent avec l’ensemble du collectif des travailleurs à tous les niveaux, impliquant l’ensemble des structures concernées qui doivent être parties prenantes des prises de décision afin de susciter l’adhésion de tous. C’est que la nouvelle gouvernance tant locale que le management stratégique des entreprises ne sauraient reposer sur le dicktat mais impliquent de comprendre la sensibilité des femmes et hommes qui composent tant la société que de l’entreprise tenant compte de la morphologie de la société suite aux travaux des prix Nobel de sciences économiques Amyra Sen dans son apport sur l’anthropologie économique et Elinor Ostrom et d’Olivier Williamson pour "leurs apports à l’analyse de l’efficacité des institutions et à la gouvernance de l’entreprise", analyse qui approfondit celle du fondateur de la Nouvelle Economie Institutionnelle, (NEI- Douglass North), qui ont démontré que les institutions ont un rôle très important sur les organisations et la société, constituant un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme, le terme d’institution désignant "les règles formelles et informelles qui régissent les interactions humaines", et "les règles du jeu" qui façonnent les comportements humains dans une société. Parce qu’il est coûteux de coopérer sur le marché, il est souvent plus économique de coopérer au sein d’une organisation, et en introduisant l’importance de la confiance et du "capital social" comme ciment de la coopération.

En conclusion, Sonatrach- Sonelgaz, sociétés par actions et propriété exclusive de l’Etat devront faire face aux mutations mondiales impliquant des changements profonds dans leur mode de fonctionnement en vue d’évoluer dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Aussi, le problème central lié intimement à la politique économique et sociale future est suivant : pour préparer l'après hydrocarbures, il ya urgence d’un nouveau modèle de consommation énergétique dont les énergies renouvelables. Pour le gaz schistes, (réserves prouvées selon le rapport de l’AIE de 2011, 6500 milliards mètres cubes gazeux) du fait des retombées sur l’environnement, un large débat national s’impose. Quant au solaire, selon l’Agence spatiale allemande (ASA), qui donnent un potentiel estimé à 169,440 téra-watts heure/an (TWH/an) pour le solaire thermique, et de 13,9 TWH/an pour le solaire photovoltaïque, ce qui équivaut à environ 60 fois la consommation de l’Europe des 15 (estimée à 3 000 TWh par an), l’énergie solaire journalière dans le désert équivalent- pétrole étant estimée à 1,5 baril par km². La sécurité du pays étant posée, le nouveau management de Sonatrach-Sonelgaz du fait que les grandes décisions en matière d’énergie, comme pour les gros investissements, ne se prenant pas au niveau des managers mais au plus haut niveau politique, suppose un réaménagement profond de la logique du pouvoir afin de donner plus d’autonomies à la gestion des entreprises et une réelle décentralisation de l’Etat loin de toute organisation centralisatrice néfaste.

Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique, directeur d’études ministère énergie/Sonatrach (1974/1979- 1990/1995-2000/2006) - (1)

Références : Etude du professeur Abderrahmane Mebtoul publié revue HEC Montréal - Canada «face aux mutations énergétiques mondiales, pour un nouveau management stratégique de Sonatrach» novembre 2010, 52 pages Voir également ouvrage collectif avec la participation de cadres supérieurs de Sonatrach/Sonelgaz - experts internationaux, universitaires algériens sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul «le secteur énergie algérien face aux mutations mondiales» Edition Dar El Gharb Algérie - 2006 2 volumes 740 pages Audit d’experts internationaux, nationaux, cadres Sonarach/Sonelgaz sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul «stratégie des prix des carburants en Algérie dans un environnement concurrentiel : pour une nouvelle politique des prix-(10 volumes 1050 pages MEM – Alger – 2007).

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Commentaires (3) | Réagir ?

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Abdellaziz DJEFFAL

Au Docteur Abderrahmane Mebtoul,

Ces transferts de rente sont en réalité des autorisations pour la réalisation des programmes de développement dont l'électrification du pays et la distribution du gaz par canalisations. Chargée du Service Public, la Sonelgaz est tenue de développer les réseaux d'électricité et de gaz qui relèvent du monopole naturel de l’État.

Ce qui est intéressant, c'est la rigueur dans la gestion et la réduction des charges de l'entreprise. Quand on organise des conférences à coup de milliards de centimes dans les grands hôtels algérois alors que l'entreprise dispose des infrastructures adéquates, quand on ne contrôle pas les dépenses faramineuses dans des politiques qui n'ont rien à voir avec les missions de l'entreprise etc... il est évident que l'on va vers la faillite.

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R A M E S S E S II

La source du mal est à Alger, on dit en bon Kabyle, "si on veut tuer un serpent, il faut visé la tête", la diaspora Algérienne peut être la solution pour le pays?

Pour l'attirer au pays, il faudrait d'abord changer la tête, et qui dit changement à la tête dit de nouvelles têtes, l'Algérie est malade de son pétrole qui attire les convoitises, et de sa constitution, l'islamo-arabisme a détruit le peu d'intelligence que l'Algérien a hérité de ses ancêtres.

Et pour arriver à cela, un gouvernement de transition et des élections propres à la clé avec des gardes fou sur le choix des hommes, une commission d'expert avec évaluation obligatoire par des universitaires des capacités de gestion de la personne qui se présente aux commandes du pays, qu'il soit maire, wali, chef de daïra ou autre.

Il faut mettre de la qualité humaine dans le statut quo! et non pas le choix des hommes et des femmes par ordre de lien de parenté ou d'amitiés, des commissions indépendantes pour chaque wilaya choisi parmis des universitairespour chaque wilaya qui validera les candidatures, et non pas un chambet (garde champêtre) pour chaque commune comme à l'époque des Français.

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