Sarkozy, Jean Daniel et le secret du 3e mandat (7e partie)

Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

"Le pouvoir vieillit, le pouvoir absolu vieillit absolument. Deux quinquennats hélas ! Trois quinquennats hélas.

"En Algérie on arrive au pouvoir par un coup d’Etat, par les armes, par les urnes ou un coup d’état constitutionnel pour garder le pouvoir à vie et le transmettre à un membre de la famille, de la tribu ou du clan", écrit l'auguste Ali Yahia Abdenour (*).

L’infatigable défenseur des droits de l’homme observe la scène politique depuis pas mal d’années pour savoir que le premier mandat de Bouteflika donnera un deuxième puis un troisième. Et Bouteflika IV est en passe de s’imposer aux Algériens. 

Mais restons sur ces moments d’avant le viol collectif de la Constitution où la courtisanerie des serviteurs de Bouteflika II avait atteint son faîte. Oui, après quelques mois de flottements, de coups de canifs politiques, le temps des allégeances et autres courbettes était de saison à Alger.

Oui…

En haut, tout se passa ensuite comme dans les mauvais feuilletons : les courtisans s’enhardirent, d’anciens adversaires se rallièrent.

La bay’a reprenait des couleurs !

Les hommes liges de Bouteflika s’autorisèrent à informer la population de la fin du suspense avec l’accent de guérilleros clamant la victoire après d’âpres et incertaines batailles. Dès le retour de Tamanrasset, le chef du gouvernement, Belkhadem, annonce à l’AFP «une prochaine réponse concernant la révision de la Constitution, lui permettant de briguer un nouveau mandat».

Plus précis, l’autre porte-parole du clan Bouteflika et néanmoins président de l'Assemblée, Ziari, révèle le 30 janvier, à une radio, que "la question sera clarifiée au mois de mars prochain». En attendant, pour susciter des initiatives et élargir le cercle des violeurs, Ziari rappelle que «rien n'empêche un parti politique ou des députés d'exprimer le souhait de réviser la Constitution."

Entre-temps, petits et grands arrivistes, s’angoissant de la nouvelle direction du vent, se souviennent de leur vocation de girouette et entreprennent d’évoluer en conséquence, à charge pour chacun de s’appuyer sur l’aphorisme d’Edgar Faure et de rappeler que "ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent."    

Le nouveau cours du vent, justement, donna même à réfléchir à Ahmed Ouyahia, chef du RND. 

Le temps n’était plus à la bravoure. 

Tant que Bouteflika n’avait pas renversé la vapeur, Ahmed Ouyahia pouvait se piquer d’être étranger à Panurge et de posséder une "autonomie de décision". C’était l’époque intrépide où, arborant le dossard d’opposant qu’il avait subrepticement enfilé lorsque les spéculations donnaient Bouteflika usé et malade, il multipliait les audacieuses professions de foi sur la démocratie, ripostait systématiquement au chef du gouvernement, Belkhadem, à propos de son "empressement à imposer le débat sur le troisième mandat", réussissait à se faire dépeindre en opposant irréductible, pourfendeur de la politique de son ancien chef, Bouteflika, chevalier blanc défenseur du secteur public, du pouvoir d’achat, des libertés publiques, de la veuve et de l’orphelin. Bref, Ahmed Ouyahia, en ces moments d’intrépidité, donnait raison à l’écrivain polonais Stanislaw Jerzy Lec : "Quand aucun vent ne souffle, même les girouettes ont du caractère".

Mais on en n’était plus là.

Alors, cet après-midi de janvier, on entendit Ahmed Ouyahia lancer courageusement de la tribune de son parti : "Nous soutenons la révision de la constitution et la réélection du président Bouteflika !"

Ahmed Ouyahia sera suivi dans son serment d’allégeance par des organisations subordonnées au pouvoir, celle des moudjahidines  ou la Centrale syndicale qui appelèrent bravement à la révision de la constitution "pour permettre à  Bouteflika de briguer un nouveau mandat", prouvant, avec éclat, que la vassalité était la valeur la mieux préservée de la complexe histoire du pays.

Tout cela arracha une déchirante question au journal Le Monde : "La toute puissante Sécurité militaire a-t-elle déjà son poulain ?"

Mais qui pouvait répondre à une si profonde énigme ? 

En bas, c’est la victoire enfin ! Le gouvernement donne finalement raison aux lycéens et ouvre la porte du dialogue. "Les pouvoirs publics et le ministère comprennent les appréhensions des lycéens qui sont légitimes", reconnaît le porte-parole du gouvernement. Les syndicats eux, ont tout simplement enterré le monopole d’une Centrale syndicale inféodée au pouvoir. 

C’est peut-être celle-là, la patrie nouvelle : la patrie des travailleurs libres, celle qui refuse la bay’a ! Cette patrie-là avait démontré sa force, ce mois de janvier : les syndicats libres ont, au-delà de la grève réussie, surtout brisé l’ordre établi : plus jamais la revendication syndicale n’obéira aux critères du pouvoir. Le syndicat du régime, l’UGTA était totalement éclipsé. Écrasé. Enterré. Désavoué aussi : la Centrale syndicale n’est plus écoutée par personne.

L. M.

(*) Notre ami Bouteflika Riveneuve éditions

Sources diverses

Plus d'articles de : Notre feuilleton : Révélations sur Bouteflika

Commentaires (2) | Réagir ?

avatar
Guel Dring

"Le pouvoir vieillit, le pouvoir absolu vieillit absolument. Deux quinquennats hélas ! Trois quinquennats hélas. " C'est l'impasse. Ça va se casser sans que ça passe. C'est comme le temps : après un été des plus torrides où chacun de nous trouvait difficile d'imaginer qu'il y a à peine 6 mois, nous étions sous un manteau de neige avec tous ses désagréments, voilà qu'avec un petit coup de balai le vent ramenait la fraîcheur accumulée sous de sombres nuages - avec la grâce d'Allah - et une ondée s'est propagée avec le bruit du tonnerre qui remplissait les coeurs de joie et d'appréhensions mystérieuses. Plus de chaleur, les climatiseurs savourent un instant de répit mérité, bien que la partie sera remise, mais il y a eu une alternance. La seule alternance qui reste au pouvoir c'est bien de partir avant d'y être invité.

avatar
kamel ait issi

Il n'y a ni llah, ni grace mon cher... C'est precisemment cette fiction qui empeche ce monde d'avancer, ou meme de tourner en rond - car la girouette au moins, elle tourne... en algerie, c'est la mort... ni vent, ni girouette... rien !