Tunisie : le propriétaire de la chaîne Ettounoussia TV jeté en prison

Sami Fahri a payé l'impertinence de sa télé par une première nuit en prison.
Sami Fahri a payé l'impertinence de sa télé par une première nuit en prison.

Le propriétaire d'une chaîne de télévision privée a été emprisonné jeudi en Tunisie en attendant d'être jugé pour corruption dans un procès qu'il dénonce comme une atteinte à la liberté de la presse, a indiqué un responsable.

Les nouvelles autorités tunisiennes sifflent la fin de la récréation démocratique et se piquent des anciennes habitudes de Ben Ali. La première cible : la presse. Après la mise au pas feutrée de la presse publique, le gouvernement s'occupe désormais du secteur privé. En l'espèce c'est une chaîne télé aux émissions impertinentes, aux yeux des gouvernants qui en fait les frais.

Sami Fehri, qui a lancé sa chaîne Ettounissia TV en partenariat avec Belhassen Trabelsi, le beau-fils de l'ancien président Ben Ali, s'est rendu de lui-même aux autorités après l'émission d'un mandat d'arrêt à son encontre il y a quelques jours.

Dans une vidéo publiée sur internet juste avant, il affirme que le gouvernement le punit pour une émission satirique diffusée sur sa chaîne et inspirée des "Guignols de l'info", qui se moque ouvertement du président tunisien Moncef Marzouki, du Premier ministre Hamadi Djebali ou encore du leader du parti islamiste modéré majoritaire Ennahda, Rached Ghannouchi.

"Le seul vainqueur de la révolution tunisienne est la liberté d'expression et la liberté d'expression est aujourd'hui menacée", déclare Fehri, qui estime que ce procès est une tentative pour réduire au silence les médias, et un abandon des progrès effectués par la Tunisie depuis la chute de Ben Ali, en janvier 2011. "Nous pensons qu'il s'agit d'une attaque contre la liberté d'expression", a déclaré à Reuters Sonia Dahmani, l'avocate de Sami Fehri. "Le différend est politique, il intervient après des semaines de pression sur Fehri et sur la diffusion de cette émission sur la chaîne."

"Cela a commencé très tôt. En janvier, je crois, la présidence avait – déjà – appris par la presse la nomination de gouverneurs en majorité de Ennahda, de directeurs généraux d'administrations ou d'institutions qui étaient tous choisis en fonction de leur appartenance politique et de leur allégeance à Ennahda. Ce sont des choses qu'on vit tous les jours: ces dernières semaines ce sont les médias publics qui se sont vus nommés de nouveaux directeurs. Ennahda verrouille également toutes les commissions en vue des élections ou de la réforme de la magistrature à laquelle le parti islamiste a dit qu'il était opposé. Certains journalistes sont aussi menacés de mort, subissent des intimidations quotidiennes dans leur travail… Ennahda essaye de soumettre le peuple tunisien pour servir son propre agenda politique et anéantir tout espoir de résurrection de la révolution", observe, dans un entretien au Nouvelobs, l'ancien conseiller du président tunisien Moncef Marzouki, Ayoub Messaoudi, qui devait être entendu devant un tribunal militaire jeudi 30 août dans le cadre de poursuites pour diffamation.

Yacine K./AFP

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