J.O. de Londres : le sport face aux dérives financières

Les J.O. de Londres coûteront beaucoup plus cher que prévu.
Les J.O. de Londres coûteront beaucoup plus cher que prévu.

Après les JO de Pékin, qui ont nécessité environ 42 milliards de dollars entre 2001/2008, les coûts des Jeux olympiques de Londres sont estimés à plus de 16 milliards de dollars contre un budget prévisionnel de 3 milliards d’euros fixé en 2005.

Les experts estiment à moins de 1% du PIB le gain net de croissance généré par les JO sur plusieurs années. Au cours de ces vingt dernières années, les coupes du monde de football et les Jeux olympiques ont connu un développement économique majeur. Cette forte croissance économique coïncide avec l’entrée de la télévision dans le monde du sport en particulier, et donc à un très fort accroissement des recettes liées à la commercialisation des droits de retransmission télévisuelle des compétitions. Afin de comprendre les enjeux de l’avenir du sport mondial, en donnant des exemples notamment concernant le football, je me propose d’analyser son impact économique sur ce segment longtemps ignoré des économistes comme d’ailleurs l’économie de la musique qui avec le développement d’internet, qui brasse des dizaines de milliards de dollars.

Le risque de la "mercenarisation" des sportifs

Avant d’analyser les recettes, il est intéressant de noter que, par dérogation aux normes comptables en vigueur dans les autres secteurs d’activité, les clubs de foot par exemple peuvent intégrer à l’actif de leur bilan les contrats des joueurs, ceux-ci pouvant représenter pour les clubs riches plus de 70% de leur du patrimoine. Cet artifice comptable, qui revient à dire que les clubs "possèdent" leurs salariés par contrat et que les joueurs ne s’appartiennent qu’à moitié. Si leurs contrats de travail peuvent faire l’objet de juteux transferts, ce sont le plus souvent les clubs qui en fixent entre eux les conditions. L’avis du joueur n’est requis que dans un second temps, des clauses contractuelles lui interdisant tout contact avec un autre employeur pendant la durée de son engagement. Certains experts parlent de bulles dans les années à venir après celle de l’immobilier. Ce modèle économique basé sur l’endettement à outrance, une masse salariale délirante et fiscalement hors du droit commun et des acheteurs de clubs milliardaires fortement affaiblis par la crise, est-il tenable à terme ? Et l’on peut légitimement se poser la question de la pérennisation d’un tel système, tant économiquement que moralement. En effet, les citoyens de certains pays vont-ils accepter encore longtemps les dérogations fiscales accordées aux footballeurs ? La "mercenarisation" de joueurs sans identités locales séduira-t-elle toujours les consommateurs supporters et téléspectateurs. Cela a une influence sur les recettes de plusieurs ordres dont je ne citerai que l’essentiel.

Les différentes sources de recettes

Si l’on prend le football mais qui peut être généralisé à certains autres segments sportifs nous avons :

a- les recettes guichets qui sont restées l’élément essentiel du budget pour la majorité, excepté les grands clubs liés à des contrats de retransmission, expliquant les difficultés financières en cas de diminution des supporters;

b- les stades sont désormais des hypercomplexes comprenant des restaurants, magasins, produits dérivés et des cinémas, procurant des recettes additionnelles;

c- les sponsors liés à la publicité des grandes marques, et à ce propos, il serait utile de savoir si les publicités des sociétés sont, du point de vue comptable, des charges déductibles des impôts à payer à l’Etat, donc une publicité gratuite à la charge indirecte de l’Etat ou alors un acte volontaire, c’est-à-dire déduits des profits nets;

d- des droits radio et télévision – A partir de 1978 et surtout 1984, la publicité, de nouvelles conditions de concurrence avec les chaînes sont désormais établies, ce qui contribue grandement à une hausse exponentielle des coûts des droits de retransmission. Une pareille situation entraîne pour conséquence le gonflement budgétaire des clubs dont l’équilibre financier dépend de plus en plus des droits TV dont pour certains clubs proviennent à 60% des droits de télévision.

e- le prix des transferts des joueurs, dont certains se chiffrent en millions de dollars;

f- les produits dérivés : le merchandising représente une source importante de revenus pour certains clubs.

Les clubs générant les revenus des clubs tous réunis se chiffrent en dizaines de milliards de dollars, quelquefois plus importants que le chiffre d’affaires de certaines entreprises industrielles ou de services. Comme il y a lieu de souligner l’introduction en Bourse de quelques clubs qui est une évolution récente ne touchant que quelques rares clubs.

Les retombées économiques de ces organisations

Ici existent plusieurs avis divergents, les uns optimistes, les autres donnant une analyse mitigée. Pour les premiers, il existe des retombées positives par une augmentation de l’afflux de voyageurs étrangers dans le pays hôte durant la période bien sûr, mais également durant les mois suivants (et dans une moindre mesure, les années). Ainsi, pour les pays réalisant de bonnes performances, la hausse du moral de la population provoque une stimulation du marché et améliore la productivité du pays.

Pour les opinions d’autres experts plus mesurés, il n’existe pas de corrélation et il faut éviter l’euphorie. Les performances d’une équipe nationale peuvent varier selon la santé économique du pays. Du côté de la Bourse, une étude menée par des universitaires du Massachusetts Institute of Technology, de l’université de Dartmouth (Etats-Unis) et de l’Ecole de management de Norvège, montre que seules les défaites ont un impact sur les cours de Bourse, les victoires ne se traduisant pas toujours par une hausse. Selon cette étude, un échec fait perdre en moyenne au marché 0,38% au premier tour de la Coupe du monde, lorsqu’une défaite n’est pas toujours synonyme d’élimination, et 0,49% lors des matches à élimination directe. Une autre étude menée à la Bank of America-Merrill Lynch en 2008 note que de la Suisse, en 1954, à l’Allemagne, en 2006, les pays organisateurs ont en moyenne enregistré, pendant l’année de la compétition, une croissance économique inférieure à leur rythme habituel. Leur PIB augmente en moyenne de 2,3% lors de l’événement contre 3,1% en dehors de l’épisode footballistique.

Conclusion: éviter la dérive financière

Cependant, quoi qu’il arrive, il est très difficile, surtout dans le contexte de la crise actuelle, de tirer des conclusions précises sur les conséquences économiques que cela soit une Coupe du monde de football ou l’organisation de Jeux olympiques. Sur le plan strictement économique par l’effet de substitution des achats, le surplus de consommation ne profitera pas totalement aux industriels locaux, souvent une fraction des produits achetés pour l’événement étant importés. Comme dit l’adage "dans le fond, le foot ressemble à l’économie : une majorité d’individus assiste au spectacle, mais seule une minorité commerçante et industrielle en perçoit les dividendes". D’une manière générale, sans parler des violences qui commencent à prendre de l’ampleur, le sport est devenu une industrie et, dans ce contexte, ne saurait échapper à la crise internationale à cause de ses nombreux liens avec le marché financier. La simple raison est que le modèle de recettes sportives est devenu de plus en plus lié au monde des affaires.

Pour limiter les dérives financières et relancer l’intérêt sportif, le football professionnel et les jeux olympiques ont besoin de nouvelles règles. Pour préserver son avenir de long terme, le sport a besoin de régulations qui arbitrent de manière plus équilibrée entre recherche du profit, les aléas des compétitions devant favoriser le dialogue cultures, entre les différentes populations de la planète, combattre les préjugés et le racisme. Avec la crise mondiale structurelle, impliquant une nouvelle régulation, mettant fin à cette suprématie de la finance sur l’économie réelle et une distorsion croissante entre des salaires réels en baisse et les profits spéculatifs en hausse, après l’euphorie sportive, la majorité des populations tant au Nord qu’au Sud, seront à nouveau confrontées à la dure réalité économique et sociale, c’est-à-dire le niveau de leur pouvoir d’achat et les gouvernants de trouver des solutions adéquates. Quitte à me répéter, le sport étant une activité noble, à encourager, éviter de l’instrumentaliser à des foins politiques, il s'agit impérativement, face aux dérives financières du néo libéralisme, de le moraliser.

Pr Abderrahmane Mebtoul

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Mahieddine Naoun

Pr en quoi ? (psychologie du sport, sociologie du sport, management sportif)

L’Algérie à besoin de Pr ui peuvent calculer ou mesurer en temps réel l'impact d'un ballon sur la tête d'un joueurs ou la force de poussé d'un nageur au départ pour s'aligner sur les performances des grands sportifs et non pas de divaguer sur ce qu'ils dépensent. N'ayez crainte ils savent ce qu'ils font. Mais vous savez vous où va le sport en Algérie ?

Dans un pays qui n'arrive pas a avoir un stade national correct.

Ce sont ces gens là : conseillés auprès du MJS, de la Présidence, du MESRS qui font que le sport est nul chez nous.

Langue de bois et affairistes ils sont nombreux dans le secteur et le résultat est 0000000 médailles, loin des réalités du terrain, ils ne sont même pas capables de se taire.

Dérives financières dites vous ???? contre dilapidations financières chez nous, copinage et détournement des minables infrastructures sportives en rente pour leurs gestionnaires.

Monsieur vous vivez dans un pays où travailler est une insulte et vous cautionnez un système qui ne profite qu'à des gens comme vous qui se permettent de juger un pays auquel vous n'arriverez jamais à la cheville.

Contentez vous des Français ils sont habitués à votre genre de réactions et d'ailleurs vous avez hérité de leur manière de faire

Beaucoup de blabla et des bras cassées. la dérive financière est chez nous une vrai saignée mais vous n'oserez jamais la critiquer elle vous paye votre salaire.

Un pays qui veut faire dans l’Athlétisme et qui ne possède pas une seule salle d'Athlétisme.

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Faro Laz

Quelle arrogance, quelle impertinence que de vouloir jouer au conseiller par un professeur aussi brillant soit-il venant d’un pays en faillite, un pays perdu ; un pays de plus de 40 millions et qui n’a pourtant présenté qu’une pathétique petite équipe de quelques 33 individus. Ces individus avec tous mes respects dont le comportement n’est pas exactement le plus honorable ne vont ramener pas plus d’une a 2 médailles. Voilà encore une fois, cette habitude quasi instinctive des enfants de Boukharouba ; ce dernier ne voulait-il pas changer le monde avec ses stupides révolutions steriles, qui sont la risée du monde d’aujourd’hui.

Si vous ne voulez pas jouer le jeu comme il a été établi par les Hommes du monde, SVP taisez-vous. En tant qu’éducateur, votre responsabilité est d’informer sur les structures telles qu’elles sont et surtout de motiver les jeunes générations à les user en se dépassant à lutter, à faire mieux et de ce qui est plus important, de vaincre malgré tout et non pas de détourner les énergies et les efforts dans des démarches d’un niveau plus hauts que soi. Regardez ces jeux à la TV des autres par satellite en silence. Je parie que si par bonheur un de vos enfants avait eu la chance de briller au niveau mondial, votre opinion en serait bien autre. Laisser aux petits algériens cette chance de profiter de ces structures qui sont l’aboutissement d’évolutions sérieuses mais pas toujours parfaites. Trouvez mieux, vous qui n’êtes même capables de vivre votre sport convenablement dans votre pays. Vos voisins beaucoup moins équipés et financés, font beaucoup mieux. De loin et dans tous les domaines. Ne vous inquiétez pas car l’Algérie telle qu’elle est aujourd’hui, n’aura jamais à organiser ces jeux ni même pas à les recevoir chez elle. Pathétique ce manque d’humilité.