Faisons de la présidentielle de 2014, notre 3 juillet 1962

L'élection de 2014 constituera-t-elle cette rupture radicale avec les présidentielles précédentes ? Ici les chefs d'Etat algériens
L'élection de 2014 constituera-t-elle cette rupture radicale avec les présidentielles précédentes ? Ici les chefs d'Etat algériens

Les analystes politiques d’ici et d’ailleurs furent presque unanimes pour pronostiquer une déferlante islamiste lors des élections législatives du 10 mai dernier.

Finalement, les votants optèrent pour le statu quo, en offrant une confortable majorité aux deux partis du Pouvoir, ne laissant que des miettes aux islamistes et aux "démocrates-zaïmistes". Toutefois, les vrais vainqueurs de ces élections furent les abstentionnistes qui rejettent toute la classe politique. Tandis que les votants octroyèrent la première place aux partisans des bulletins nuls, loin devant le parti majoritaire. Après l’annonce des résultats, les vainqueurs exultèrent, les perdants déterrèrent la hache de guerre en criant à la fraude et, enfin, des abstentionnistes étaient chagrinés par l’absence du changement tant espéré. Les voix exprimées en faveur du statu quo ne paraissent motivées que par l’habitude, la naïveté, la peur ou l’intérêt. Ce fut, également, un "vote-refuge" afin de ne pas tomber entre les griffes des islamistes qui sont à la mode dans les pays voisins. 

Mais contrairement aux peuples de la région qui viennent de découvrir la liberté d’expression, les Algériens possèdent quelques années d’avance sur cette question. En effet, le 5 octobre 1988, le vent de la révolte emporta les symboles du régime, aussitôt les chars furent sortis dans les rues et le tribut payé fut de près de 500 tués et de nombreux blessés. Cependant, la démocratie sera instaurée avec la création de 68 partis. Mais à l’exemple de nos voisins, la vague du tsunami dévasta tout sur son passage : les islamistes s’emparent de la majorité des municipalités, avant de s’attaquer à l’Assemblée. Après leur "succès" au premier tour des législatives, ils redoublèrent de férocité en promettant, une fois élus, de tordre le coup de la démocratie : ce qui provoqua l’intervention de l’armée. Avant les élections, les islamistes promettaient aux Algériens le paradis dans l’au-delà ; après l’arrêt du processus électoral, ils instaurèrent l’enfer ici-bas. Mais encore une fois, le peuple algérien fut incompris : les intégristes étaient qualifiés de «maquisards» et leurs méfaits revendiqués depuis les villes des peuples "civilisés" (Washington, Londres, Berne, Francfort, Paris), alors que les pétrodollars des pays du Golfe inondaient les maquis. Ce n’est qu’après les attentats du 11 septembre 2001 que le monde fut, enfin, réveillé pour voir l’intégrisme tel qu’il est. Si aujourd’hui, les Algériens sont insensibles au virus de l’islamisme politique, c’est parce qu’ils furent vaccinés contre cette pathologie en payant un prix élevé : c’est pour cela qu’il serait plus juste d’évoquer l’avant-gardisme et non pas l’"exception algérienne". Cette douloureuse expérience fut, également, bénéfique pour les pays voisins, car leurs intégristes sont à jamais marqués par le syndrome algérien. Rappelons que l’islamiste "modéré", Rachid Ghennouchi, fut pendant plus d’une année conseiller de l’ex-FIS, en Algérie. Durant toute la décennie noire, ce "sage" demeura silencieux pendant que ses amis sévissaient. Les adeptes de l’islamisme politique étant rejetés, pour quel autre courant pouvait-on opter ?

L’autre choix des électeurs était constitué par de chétifs partis, dépourvus de programmes et de base militante. Leur seule existence se réduit à l’agitation de leur "zaïm" (leader) respectif. La création de ces minuscules mouvements semble provenir de plusieurs raisons : clones des partis du régime afin de polluer la scène politique, appât du gain, besoin maladif de gloriole, surestimation de sa personne. Ces motivations ne diffèrent guère de celles des partisans du Pouvoir ou de celles des islamistes : leur trait commun est la satisfaction de leur ego. Pour cela, la majorité des Algériens les rejettent, préférant l’abstention. Néanmoins, cette attitude renforce les adeptes du statu quo pour se maintenir au pouvoir indéfiniment.

Ebranlé par la fin tragique de Kadhafi, le régime redoutait l’issue du 10 mai, au point de comparer cette date au 1er Novembre 1954. Finalement, il eut son 5 Juillet 1962, en disposant d’une écrasante majorité à l’Assemblée. Dans un sens, ce résultat fut le moins mauvais, car il assure la stabilité du pays pour deux années, tout en traversant la turbulence du "tsunami arabe" qui planait sur notre pays. Surtout que les "démocrates" sont toujours aux abonnés absents, puisque nous sommes encore réduits à choisir entre "la peste et le cholera". Par ailleurs, les députés élus ne sont que de faible utilité, car tous les pouvoirs sont détenus par une seule partie (Présidence). Ayant tous les moyens en main, le Pouvoir satisfera-t-il les promesses faites aux Algériens, ou bien pour la unième fois, il les trahira ? En cas d’échec de cette période de transition, le rendez-vous fatidique de 2014 risquera d’ouvrir la porte de la violence et de l’anarchie, car il n’y a pas plus cruel qu’une bête blessée ou un être humain frustré. Mais qui profitera de cette bévue ?

Les seuls bénéficiaires des errements du régime seront les intégristes, car les Algériens suivront, cette foi-ci, même le diable afin d’apporter du changement à leur vie, surtout s’ils entrevoient une infime réussite des pays voisins. Après tout, les islamistes proposent l’instauration d’une société idéale, semblable à celle du temps du Prophète (QSSSL) et qui est séduisante à première vue. Seulement, celle-ci est irréalisable par des non prophètes, car l’être humain ordinaire est imparfait. D’ailleurs, nous gardons encore les séquelles des apprentis sorciers qui voulaient instaurer la théocratie dans notre pays, en dressant les enfants d’un même peuple à s’entretuer pour le "koursi" (fauteuil) avec des méthodes réprouvées par l’humanité.

Qu’en est-il de notre pays ?

L’Algérie rata le train de la démocratie et du progrès en 1962, lorsque les artisans de l’indépendance furent écartés par des opportunistes sortis de leur trou. Depuis, ces derniers prirent le pays en otage en gouvernant par la force, le mensonge, la traîtrise, l’égoïsme. Les dirigeants sont semblables aux pères de familles : intègres, la société les imitera ; pervers, presque tout le monde les suivra, c’est notre mal présentement. D’ailleurs, la majorité des "opposants" sont semblables aux gens au pouvoir, excepté que ces derniers ont déjà "mangé" au ratelier, tandis que les arrivants cherchent à faire autant. Ces personnes semblent fixées au stade primaire de la satisfaction des besoins de base (survie de l’individu et de l’espèce), loin de l’étape sublime (épanouissement spirituel de soi et d’autrui). Le leader altruiste est celui qui mène une mission afin d’élever le niveau de vie et de conscience de ses semblables en sacrifiant sa propre personne (tels Ben M’hidi, Mandela, Lula…) ; le "zaïm", ou leader égoïste, est celui qui asservie les autres afin de satisfaire les besoins de son propre ego. Pourtant, cette maladie de l’âme n’est pas nouvelle, car en revisitant l’histoire, deux cas typiques reviennent en mémoire. 

1) En 1954, le charismatique "zaïm", Messali Hadj, chantre de l’indépendance depuis vingt ans, refusa de prendre la direction de la Révolution sous prétexte qu’elle ne fut pas sa propre création ; il se dressa contre le FLN en transformant ses troupes du MNA en supplétifs de la France coloniale.

2) Jeune chef de l’OS, brillant représentant de la Révolution à Bandung, porte-drapeau de l’"Algérie libre et démocratique" Hocine Aït Ahmed abandonna sa famille politique pour satisfaire son ego en soutenant l’intégrisme. Résultat des errements du gourou de Lausanne : notre parti (FFS) avait obtenu plus de 516 000 voix en 1991, sa coquille vide n’en a eu que 188 000 en 2012.

Les chétifs partis et les abstentionnistes peuvent représenter un espoir de changement, à condition de passer à l’action en créant un vaste mouvement qui bannit les egos en privilégiant les idéaux. Toutefois, le "zaïmisme" semble être partout, car chacun prétend détenir, seul, la vraie solution, y compris les "élites", qui se contentent de donner des leçons. Néanmoins, sans l’action, les paroles ne seraient que des discutions de cafés de quartiers ou des conversations de salons privés ; tandis que les écrits (tel ce texte) : de la masturbation intellectuelle. Si nous sommes incapables de nous organiser, il vaut mieux laisser les autres agir et mettre du bémol dans nos voix, car "au pays des aveugles, les borgnes ne sont-ils pas rois ?"

Pourtant, le salut semble résider dans l’union, car les problèmes de l’Algérie sont de grandes dimensions, bien au-dessus des capacités d’un seul individu, fut-il un génie. À l’instar du régime, les forces du changement doivent se mobiliser afin de déclencher leur 1erNovembre, mais il faut au préalable initier la "Réunion des 22" regroupant des patriotes qui placent l’Algérie avant tout. Toutes les bonnes volontés doivent s’unir afin d’extraire notre pays du statu quo et de la perversion des valeurs qui ronge la société. La mission est ardue, mais plus aisée que celle de 1954, car il suffit de préparer et gagner démocratiquement les élections de 2014, notre 5 Juillet 1962. Deux années nous séparent de ce rendez-vous capital, mais le changement se prépare dès maintenant.

Boudjema Tirchi

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Commentaires (1) | Réagir ?

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ranaferhanine bezafbezaf

Si les democrates s'unissait autour de principes pour gerer le pays dans la transparence, la democratie, la liberte de la presse et de la justice avec des actions a entreprendre claires pour tenter de redresse le pays vers la modernite et le progres alors j irai voter et avec moi toute ma grande famille. mais s il n y a rien en contre parti au p-fln des voleurs, je resterai chez moi.