Algérie-France : en deçà du pardon

Laurent Fabius et Abdelaziz Bouteflika à Alger
Laurent Fabius et Abdelaziz Bouteflika à Alger

"Avoir assez d’empire sur soi-même pour juger des autres par comparaison avec nous et agir envers eux, comme nous voudrions que l’on agît envers nous-mêmes, c’est ce qu’on peut appeler la doctrine de l’humanité ; il n’y a rien au-delà." Confucius

Il faut posséder la triangulation faciale du singe savant pour ne pas rendre à sa juste expression la relation entre la France et l’Algérie. Si on ne fait pas d’effort pour mettre de côté le fait colonial, quelque que puisse être l’avenir des deux côtés de la mer, il y aura toujours comme un boulet d’imbécillité qui empêchera les générations algériennes de faire des pas de citoyens comptables de la seule activité décidée par les institutions de leur Etat pour le rationnel du développement, en ne faisant cas que de l’essentiel psychologique qui ne dépasse pas les frontières dans lesquelles les personnes et les communautés n’ont droit de remerciement ou de navrement qu’envers elles-mêmes. Car demain un enfant qui s’estime avoir été délaissé dans son évolution par ses parents, si une fois adulte il ne se prend pas en charge pour aller vers le mieux, il maudira pendant toute sa vie ses géniteurs en restant malheureux dans sa "victimité".

L’Etat du tout politique

Un ancien maquisard sexagénaire, cinq fois arrière-grand-père, nous dit dans les journées du 5 juillet cinquantenaire sur ce sujet : "S’il faut que la France demande le pardon il va falloir qu’elle le fasse à genou devant les veuves de martyrs encore vivantes parce que sans l’indépendance, elles ne seraient pas femmes de ménage harcelées dans les ministères algériens !" Bref, nous sommes dans la deuxième décennie du troisième millénaire et essayons de voir rapidement comment se présentent, dans l’entendement, les rapports.

Sur le plan politique, la France, au même titre que les grandes nations, telles le Royaume-Uni, par exemple, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne qui a complètement absorbé le franquisme, est une démocratie populaire, citoyenne, dans laquelle les individus et les groupes sont régis la loi de la République dont ils sont la base qui fait mouvoir l’existence de l’Etat et de la nation sur les critères fondamentaux de l’alternance aux commandes. Les hommes politiques ne possèdent pas d’office les garanties de l’Etat, de la République afin d’agir vers des projets de société qu’ils étoffent avant de les présenter aux populations qui les acceptent ou les réfutent. Une fois au pouvoir, à la charge de l’Etat, ils sont rentables de comptes devant les instances élues et judiciaires. S’il y a crise au sein de l’Etat, dans le domaine politique ou économique, ou les deux à la fois, il se sera agi "naturellement" d’une crise civile, probablement que les conforts matériels de l’Armée s’amenuiseront mais la force militaire restera bien en retrait du management politique de l’Etat.

Un Etat hybride

L’Algérie. Depuis que ce terme existe pour désigner une entité communautaire organisée, disons pour laquelle le premier coup de feu a été lâché contre la force étrangère qui la tenait en respect durant plus d’un siècle, en l’occurrence, la France coloniale, et jusqu’à il y a quelques jours, lors de la visite d’un grand ponte de la notabilité politique française, en la personne de Laurent Fabius, qui était successivement Premier ministre, puis président de l’Assemblée sous François Mitterrand, que les Algériens n’ont symboliquement jamais porté dans leur cœur parce qu’il avait cautionné la guillotine pour les combattants algériens indépendantistes, eh bien, l’Etat algérien tel qu’il est admis théoriquement dans le concert des nations membres de l’Onu, est un Etat dont il est fort ardu de déceler où commence le civil et où finit le militaire. Il est difficile de savoir, quand on l’examine minutieusement le rôle du politique, à proprement parler, dans le fonctionnement réel de l’Etat. Au point où les analystes qui l’observent depuis sa proclamation officiel en juillet 1962 se résolvent-ils à le classer, une fois pour toute, faute de références idéologiques concrètement lisibles, dans une espèce de catégorie hybride dans laquelle, quelle que soit la situation de l’heure, la botte possède une place de prépondérance.

Les déroulements spectaculaires dans les vicissitudes de l’existence algérienne par le recours à la caricature sur les schémas académiques de l’action politique universelle sont en vérité des démarches de pure administration financées par les moyens dont dispose le pays en ressources naturelles que contrôlent justement les dirigeants dont on ne sait pas s’ils sont civils ou militaires. Quand ils sont civils et quand ils sont militaires. Pourquoi l’Algérie a besoin du militaire beaucoup plus que du civil, et à quel moment il faut vraiment du civil pour occulter le rôle du militaire. Le pays est immensément riche en argent liquide et pour la première fois il n’y a pas cette idée de butin puisque cette fulgurante richesse les Algériens, d’une manière ou d’une autre, ils l’ont bonnement produite mais le pouvoir en place leur insinue qu’il n’a pas la compétence nécessaire pour la mettre en œuvre, et le concept du butin c’est maintenant l’étranger qui veut le prendre en charge, le capitalisme international qui louche dessus par ce qu’il est aux anges que l’Algérie n’en sache quoi faire.

Le lourd du super léger

Ce qui nous amène à l’économique. Il est inutile de revenir sur les quintaux de papiers d’explication sur la situation désastreuse de l’économie algérienne dans les trois branches fondamentales garantissant le renouvellement d’un Etat, à savoir les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services. Le seul produit d’une région d’action économique en France, qui en compte vingt-deux, est équivalent au produit national brut de l’Algérie. Encore que ce produit-là tourne pratiquement autour de la seule activité de l’hydrocarbure. Dont paradoxalement la France a tant besoin pour l’essor de son économie qui exporte le quart de son produit brut, quelque 500 milliards de dollars au dernier exercice, dont presque le dixième en produits culturels, c’est-à-dire plus que ce que a rapporté pour la même années les exportations algériennes de pétrole et de gaz. Quand le plus parlant de la culture algérienne sur les scènes timides du monde se fait dans ce pays.

Je me rappelle dans le début des années quatre-vingt où mon ami et confrère Arezki Metref, poète et critique aussi, se plaignait des artistes peintres algériens, des plus talentueux particulièrement, qui se battaient comme des forcenés pour leurs besoins en outils, matériels et matières nécessaires à leur art, et qui ne trouvaient pas – pour les moins indigents – les endroits idoines pour exposer, mais je vois, bien sûr tout heureux pour mon ami et pour la culture algérienne, dans la Toile, qu’il expose, çà et là, à Paris et en province

Nadir Bacha

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