On ne sait plus qui on est

Chacun fait sa loi dans nos rues. Aucun respect ni hygiène.
Chacun fait sa loi dans nos rues. Aucun respect ni hygiène.

Chaque jour des événements étranges ne manquent pas de susciter notre curiosité.

Outre la délinquance des commerçants qui ont décidé d’une hausse ahurissante des prix des produits de large consommation à quelques heures seulement du début du mois sacré de ramadhan, l’on s’interroge également sur cette fièvre de protestation qui a envahi nos partis politiques. Comment expliquer qu’un parti  politique porté depuis sa naissance par l’idéal démocratique accouche du jour au lendemain de clans adverses dont on aurait dit à la lumière des accusations proférées par les uns et les autres, qu’ils n’ont jamais été des compagnons de combat, ayant milité pour la même cause ?

Depuis que ces esclaves et ces nomades qui idolâtrent le mal et l’ignorance, la trahison et le mensonge, le reniement et la forfaiture, se sont emparés par la grâce de la colonisation du pouvoir, tout s’est émoussé dans notre pays, jusqu’à l’héritage des grandes civilisations qui ont édifié successivement à travers les siècles leurs temples sur le sol de nos ancêtres. Tout s’est émoussé en nous, jusqu’aux jupons de nos femmes et de nos mères. Tout n’est que destruction en nous. Nous ne savons plus ce que signifie la solidarité. Même cet esprit de corps qui porte les membres de la  société à se rassembler et à s’unir, nous l’avons anéanti et démoli.

Tellement on ne sait plus qui on est, rien ne nous scandalise, rien ne nous dérange. Aucune vérité ne nous émeut, ne peut atteindre la corde sensible de la société hautement refoulée dans laquelle nous végétons tels des aliénés dans un asile. Nos voltes faces ne nous embarrassent guère. Nous n’avons plus aucun scrupule. On peut dire une chose et affirmer son contraire sans la moindre gêne. Tels des automates, on a été soigneusement réglés à la résignation, à la soumission et à l’accoutumance.

On ne sait plus si on est les adversaires du système ou ses supports et son soutien indéfectible.  On ne sait plus si on appartient à l’espèce humaine tant tous nos actes sont guidés par la prédation et l’égoïsme. D’ailleurs, c’est en chacun d’entre  nous que le régime trouve les solutions à ses contraintes politiques et à ses déboires idéologiques. C’est en chacun d’entre nous que le système trouve les ressorts si nécessaires à son maintien et à sa survie. Par la trique et la  corruption, il nous a domptés, il nous a appris à le courtiser, à l’adorer, allant jusqu'à se permettre le luxe de rejeter froidement notre adhésion collective. Si bien qu’aujourd’hui il ne cherche plus notre ralliement à sa cause, mais il exige juste à ce que l’on soit conforme dans notre comportement, notre conduite de tous les jours.

Et que veut dire dans le contexte politique actuel le mot conforme ? Que certains amis journalistes et universitaires me pardonnent cet écart de langage. Conforme, c’est un peu l’histoire de Pavlov et son chien. Conforme, c’est faire semblant d’interpeller le pouvoir par exigence intellectuelle, c’est donner l’impression qu’il y a une vie politique et des espaces d’exercice démocratique. Nous sommes redevenus des paysagistes décorateurs pour maquiller nos propres malheurs, notre propre faillite morale et intellectuelle. En contre partie, en guise de récompense, on peut s’embourgeoiser et servir comme élément actif dans les circuits du système. Et pourquoi ne pas devenir un jour l’interlocuteur privilégié du régime.

Tout le monde conspire et tout monde triche pour atteindre les sommets de la gloire. Du plus petit au plus vieux. Dans une société démoralisée à outrance par les faux semblants, l’ignorance, le mensonge ; dans une société atomisée par la violence et la corruption, on ne peut plus savoir qui on est au juste. Militant, kapo, victime…on ne sait plus qui on est, pas plus que l’on peut faire la distinction entre le mal et le bien, entre le vrai et le faux, entre la paix et la terreur.

Saïd Radjef

Plus d'articles de : Opinion

Commentaires (2) | Réagir ?

avatar
ali belkacemi

Monsieur radjef vous semblez ignorer que c'est ça la methode de notre pouvoir, methode importée de l'ex urss. des moyens colossaux sont deployés pour nous maintenir dans cet etat! alors ne faites pas semblant

avatar
Brahim Arbat

Non, monsieur, c'est fort lyrique ce que vous nous pondez, mais nous ne sommes pas ce que vous dites, d'ici, du sol de nos ancêtres ou d'ailleurs. nous savons parfaitement qui nous sommes et ce que nous voulons, malgré tous les malheurs que vous étalez, nous sommes lucides et nous savons ce que nous voulons, par contre c'est le système qui devient dingue. Vous aussi, vous savez qui vous êtes et ce que vous voulez. Vous envoyez un message chez un journal que vous savez ce qu'il représente aux yeux des patriotes algériens et vous vous sentez déjà en confiance, alors de grâce, mon ami, ne nous niquez pas le moral, s'il vous plait !