Le départ de Bouteflika : Acte I

Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

Il y a des signes qui ne trompent pas. Bouteflika, au bout de treize années de règne inique, est usé: il aurait tant voulu faire de ce cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie l'apothéose de ses trois mandatures...

Bouteflika aurait tant voulu faire de ce cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie l’apothéose de ses treize ans de règne sans partage. Il aurait tant voulu mettre sous le sceau de ce demi-siècle du 5 juillet 62 qui l’a vu, une année après le 5 juillet 62, devenir le plus jeune ministre des Affaires étrangères de l’indépendance du pays et, près de quarante ans plus tard, le Président, rentré des pays du Golfe, sauveur d’un pays, proie du terrorisme islamiste. Il a donc toutes les raisons "historiques"  et politiques pour faire de cet évènement le couronnement de ses trois mandatures.

Après avoir lancé ses réformes et permis au FLN de redevenir un parti unique au sein du parlement, Bouteflika est entré dans une hibernation des grands froids polaires. Bien avant, on s’en souvient, lors de l’hiver rigoureux de l’année 2011, il n’eut aucune parole de compassion pour les victimes et c’est à peine s’il était arrivé à articuler quelques mots à la télévision nationale pour, après la catastrophe climatique et politique, s’adresser de manière laconique et, somme toute, indifférente et détachée, au peuple algérien qui revivait le syndrome des crues de Bab El Oued. A l’ouverture de l’année judiciaire 2011-2012, c’est un discours plat qu’il a eu à tenir, sans conviction, au moment où l’appareil judiciaire, en tant qu’institution, était entièrement soumis à l’impunité du terrorisme islamiste et à la main mise par son clan familial, sur la rente pétrolière, en faisant de Sonatrach, un bien privé.

Durant les Révolutions arabes, c’est un Bouteflika qui, fort inquiet de ses répercussions en Algérie, n’a pas eu un traître mot sur l’onde de choc qui allait balayer les régimes de ses amis Ben Ali, Kadhafi et Moubarek. Son absence de la scène internationale arabe en ébullition aux portes de l’Algérie a fait de lui l’épouvantail des dictatures déchues. Attentisme, crainte, tergiversations ont été, durant toute cette période de forte turbulences maghrébines, les signes précurseurs d’un Président à la marge de l’histoire récente.

En désespoir de cause, isolé de la scène internationale, il a tenté, par une présence décalée, de se réapproprier une gloire préhistorique en allant participer en Tunisie, sur invitation de M. Merzouki, nouveau chef d'Etat tunisien qu’il avait déclaré ennemi public numéro 1 sur injonction de Ben Ali durant les années fastes de la terreur de sa police politique, à l’An I de la Révolution du Jasmin. Derechef, le discours qu’il tint était craintif, peu reluisant et, en définitive, en deçà des performances sémantiques et politiques de la rue arabe et maghrébine.

Ainsi le cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie ne pouvait être célébré, malheureusement pour lui, dans le contexte des révolutions arabes qui ont précipité la destruction de tous les nationalismes arabes issus des indépendances ; une ère historique contestée pour ses demi siècles de règnes iniques et policiers. Agissant à rebours de cette dynamique, Bouteflika, lance des réformes de survie politique dans un contexte national marqué par une série de répressions contre le front social. La levée de l’Etat d’urgence, l’interdiction signifiée au Fis d’Abassi Madani sur la scène politique, le retour au bercail de son pouvoir d’un FFS laminé et l’annonce de Saïd Sadi de sa retrait de la tête d’un RCD qui a joué bien des parties de ping-pong avec le noyau dur du pouvoir, n’ont fait que réconforter Bouteflika dans ses derniers retranchements.

Mais, en dépit d’un scrutin législatif sous la surveillance d’observateurs internationaux qui n’y ont vu que du feu dans sa corruption systémique, Bouteflika n’a pas eu la gloire attendue de son parti, le FLN, et des vassalités conjoncturelles d’un RND, son frère siamois. Belkhadem et Ouyahia, en fins limiers, ne se contentent pas de cette majorité législative ; ile en font une rampe de lancement pour les présidentielles de 2014. Ils n’ont pas hésité à faire de l’ombre à un Bouteflika de plus en plus effacé de la scène politique : ses discours se font rares, ses apparitions sur la scène publique aussi. Désormais, il ne coûte rien à l’encenser, à en faire une icône référentielle, pour mieux le saborder par la suite. Car, en politique, dans les mœurs tribales, rompues à la vendetta, le meilleur moyen d’écarter un proche, est de l’encenser. C’est ce que n’a pas manqué de faire son Premier ministre, Ahmed Ouyahia, auquel Bouteflika vient de confier plusieurs missions diplomatiques alors même qu’on attendait sa lettre de démission suite aux résultats du scrutin législatif; Bouteflika le préférant à un Belkhadem plus sagace, sans doute.

Ainsi, contre toute attente, Bouteflika met en avant un Ahmed Ouyahia sur la scène internationale qu’il a toujours préférée, aux temps démiurgiques de son règne, à une présence nationale réduite à une peau de chagrin.

Désormais, c’est un Bouteflika représenté, qui n’hésite même pas à acheter sa propre pub dans les médias mondiaux à défaut de la conquérir, qui subit bien des camouflets que ses vassaux de façade ont bien du mal à camoufler ou à exploiter avec doigté et condescendance feinte. Réduit à quémander un zeste d’historicité dans l’accélération des transformations politiques d’un monde arabes qui ne répond plus à ses références, Bouteflika se cherche une autre virginité politique, à demeure, en mettant sur le devant de la scène africaine, les groupes terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique auxquels il offre un dialogue d’abdication inespéré par ses "émirs" algériens de l’ex-GSPC rompu à ses appels désespérés à la repentance via une concorde civile sans "repentis". Bouteflika n’a d’autres choix que de rebondir à la tête d’Al Qaïda au Maghreb islamique par lequel il signale sa présence au sommet de l’Etat…

R.N. (à suivre)

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Commentaires (14) | Réagir ?

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mohammed boucetta

En vérité, peu importe aujourd'hui que l'éviction de bouteflika régle les problemes évoqués par mayssar dihia. bouteflika représente tout un systeme et toute une époque auxquelles on dit maintenant : assez. ou plus crument : "dégage. " au bout de 50 années un nombre croissant d'algérien a envie de vrais changements, de voir de nouvelles tetes. vu la situation de notre pays, vu son retard, vu ses atouts ce pays méprisé mérite beaucoup plus que la clic au pouvoir depuis 50 ans. on a arraché notre liberté à la france, on fera de meme avec tous ceux qui se le sont approprié injustement. la lutte continuera jusqu'à ce que le pays revienne enfin aux algériens.

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Aghioul Amchoum

Est-ce que l´éviction du terroriste Bouteflika va régler ces problèmes, entre autres: le chômage, la corruption, le suicide record des Kabyles uniquement, l´éducation, l´économie, l´islam, l´arabe... ?

Pensez-y.

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