Cacophonie et manque de crédibilité des ministres algériens

Le gouvernement Ouyahia cultive l'art de dire une chose et son contraire.
Le gouvernement Ouyahia cultive l'art de dire une chose et son contraire.

Pourquoi le manque de stratégie en ce monde turbulent où tortue-Nation qui n’avance pas recule où l’Algérie sans les hydrocarbures un des pays les plus pauvres d’Afrique ?

Pour preuve pas de gouvernement réel depuis trois mois et aucun changement dans les conditions de vie des populations. Mais fait plus grave, l’on assiste actuellement à une véritable cacophonie, de déclarations de responsables algériens qui ne mesurent pas la portée négative de leurs discours préjudiciables à l’image de l’Algérie. Un divorce entre le tapage publicitaire à coup de millions de dollars dans la presse internationale voulant montrer une situation idyllique, où ces ministres font dans le monologue d'autosatisfaction, et les discours contraires rapportés par l'agence de presse officielle algérienne. L’entropie atteint un niveau inacceptable. Une analyse psychanalytique beaucoup plus qu’économique devient nécessaire pour comprendre tant les contradictions de ces discours que les errements de la politique socio-économique de 1963 à 2012, en la liant toujours aux fluctuations des cours des hydrocarbures, fondement du pouvoir rentier. L’objet de cette contribution est d’en faire l’inventaire.

1.- Un ministre des Finances qui annonce entre 2010/2011 d’abord que la crise mondiale épargne l’Algérie puis en 2012 qui plus nuancé tout en affirmant que cela n’est pas grave, contredit en juillet 2012 par le gouverneur de la Banque d’Algérie qui avance que l’Algérie ne peut continuer à fonctionner sur la base d’un cours du baril de 110/120 dollars, plus précisément 70 dollars pour le fonctionnement et 40/50 dollars pour l’équipement, et le ministre de l’Energie qui annonce que la chute récente des cours si elle persiste ferait perdre à l’Algérie 20 milliards de dollars. Des cotations du dinar algérien au gré de la conjoncture par rapport à l’euro et le dollar, sans vision pénalisant tant les ménages que les opérateurs, et un dérapage du dinar sur le marché parallèle qui atteint depuis une année 150 dinars un euro, pouvant démontrer que sans hydrocarbures le dinar algérien flotterait entre 300/400 dinars un euro.

2.- Le ministre de l’Investissement qui affirme que l’Algérie produira des voitures Renault Algérie entre 50.000/75.000 unités/an d’abord fin 2011 puis maintenant fin 2012, son prédécesseur ayant affirmé une voiture entre 2007/2008. Or, les normes internationales pour les voitures de moyennes gammes vont vers 300.000/7400.000 unités/an. Que le ministre nous dit à quel cout sera produite cette voiture. A moins que le gouvernement ne décide de supporter l’investissement seul, avec des coûts et des prix élevés. Etant à l’ère de la mondialisation et au sein d’une économie ouverte, cette unité avec cette faible capacité ne tiendra pas la route dans le temps. A moins que - comme cela se passe pour la majorité des entreprises publiques structurellement déficitaires, le Trésor ne supporte ce déficit, sachant qu’il a consacré plus de 50 milliards entre 1991 et 2011 au sauvetage d’entreprises dont 70% sont revenues à la case-départ. Tant qu’il y aura des hydrocarbures. D’autant plus que l’on ne peut interdire l’importation quitte à ce que le gouvernement algérien viole les conventions internationales qu’il a signé en toute souveraineté et qu’il instaure un monopole de fait source de surcout supporté par le consommateur algérien ? Hormis le fait que la règle des 49/51% fait fuir bon nombre d’investisseurs (il aurait été plus juste, pour les intérêts de l’Algérie, d’établir d’autres critères, dont la balance technologique et financière positive), Renault-Nissan est une multinationale qui a une stratégie internationalisée et des ententes oligopolistiques avec d’autres constructeurs pour se partager le marché mondial.

3.- Un ministre de l’Energie qui annonce le développaient du gaz schiste pour parer à l’é puisement des réserves de gaz conventionnel. et des réserves de gaz schistes, l’équivalent des Etats Unis d’Amérique, démenti par le rapport de l’AIE de décembre 2011 qui annonce moins de 6500 milliards de mètres cubes gazeux. Je précise pour les lecteurs non initiés que le gaz non conventionnel est contenu dans des roches sédimentaires argileuses très compactes et très imperméables, qui renferment au moins 5 à 10% de matière organique. Généralement la profondeur d'exploitation des shale gas est de l'ordre de 1.500 à 3.000 mètres de profondeur, soit de un à plusieurs kilomètres au-dessous des aquifères d'eau potable. La fracturation de la roche suppose par ailleurs d'injecter de 10 à 15.000 m3 d'eau à haute pression et du sable. Une partie de l'eau qui a été injectée pour réaliser la fracturation hydraulique peut être récupérée (20 à 50%) lors de la mise en production du puits après traitement. Le sable injecté combiné additifs chimique a pour but de maintenir les fractures ouvertes une fois la fracturation hydraulique effectuée, afin de former un drain pérenne par lequel le gaz va pouvoir être produit. Cependant de nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et avec la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l'eau, qui devient alors impropre à la consommation. Selon un rapport rédigé par la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants américaine, l'exploitation du gaz de schiste a entraîné l'utilisation de "plus de 2.500 produits pour la fracturation hydraulique, contenant 750 substances chimiques dont 29 sont connues pour être cancérigènes ou suspectées telles ou présentant des risques pour la santé et l'environnement". Sans compter ces déclarations que le cas du gazoduc Galsi est réglé, démenti par les élus de la Sardaigne. Et un règlement à l’amiable non transparent, après avoir affirmé pendant des mois que Sonatrach était dans son droit, du remboursement des plus valeurs à certaines compagnies internationales pour éviter l’arbitrage international.

4.- Le ministre des PTT que l’affaire Djeezy évaluée par certains bureaux d’études à plus de 6,5 milliards de dollars est réglé alors que le patron d’Orascom vient d’annoncer l’arbitrage international.

5.- Un ministre des Travaux publics qui annonce en 2005 le cout de la réalisation de l’autoroute Est/Ouest à 7 milliards de dollars avec un délai fixé à janvier 2010, début 2011 et qui, non encore terminée, coutera avec les annexes à entre 13/15 milliards de dollars avec un cout supérieur à 30/40% par rapport aux normes internationales pour le même nombre de voies.

6.- Un système socioéducatif naufragé, du primaire au supérieur en passant par le secondaire et la formation professionnelle, où la quantité l’emporte sur la qualité avec des déperditions scolaires croissantes, ayant pus de chance d’être chômeurs en étant diplômés, en contradiction avec les discours triomphants.

7- Un ministre de la Santé qui annonce la fin de la pénurie de médicaments et des malades qui n’arrivent pas à se soigner.

8.- Un ministre de l’Habitat qui a annonce depuis 2009 la résolution de la crise du logement l’éradication des bidonvilles qui se développent à travers toute l’Algérie avec une crise de l’habitat aigue.

9.- Un ministre du Travail qui annonce que le pouvoir d’achat des Algériens a augmenté, la création d’un million d’empois en une année, et un taux de chômage inférieur à 10%, comptabilisant tous les emplois rentes en contradictions avec la réalité.

10.- Un ministre de l’Agriculture qui nous annonce l’autosuffisance alimentaire alors que l’Algérie importe la majorité des besoins des ménages et un ministère de la pèche où la sardine dépasse les 400/500 dinars le kilo. Où en est le bilan du PNDA ayant englouti des centaines de milliards de centimes ?

11.- Un ministre du Commerce qui annonçait fin 2010 l’adhésion de l’Algérie à l’organisation mondiale du commerce, que l’accord du report du démantèlement tarifaire de trois années en 2020 avec l’Europe était réglée pour fin 2011(pas de nouvelles réconfortant ces dires ni de l’Europe ni de l’OMC) et que l’inflation est maitrisée, oubliant que les Algériens ne mangent pas les chiffres et que toute analyse sérieuse de l’inflation doit lier le processus d’accumulation, la répartition du revenu national et le modèle de consommation par couches sociales, 70µ de la population percevant moins e 30.000 dinars net par mois et consacrant 80% de ce modeste revenu aux biens de première nécessité. Les subventions désordonnées non ciblées et mal gérées ainsi que le versement de salaires sans contreparties productives ( pas de politique salariale véritable mais des distributions de rentes marginalisant le savoir) compriment artificiellement l’inflation et calme transitoirement le front social toujours via la rente des hydrocarbures.

12.- Un ministère de l’Aménagement du territoire et de l’environnement où les indicateurs internationaux montrent une détérioration accélérée de l’environnement en Algérie, Alger étant une ville des plus polluée du monde, une urbanisation anarchique avec un déséquilibre régional croissant : où la dépollution de Oued El Harrach ?

13.- Un ministère du Tourisme sans vision, un ministère de la solidarité, absent lors des catastrophes naturelles, se limitant à la distribution de couffins durant le Ramadhan dont le nombre va en croissant montrant l’accroissement de la misère.

14.- Un ministère de la culture sans culture se limitant à des dépenses somptueuses pour les festivités sans aucun bilan

15.- Un ministre chargé de l‘étranger qui a sillonné le monde (combien cela a couté ) qui veut faire revenir la diaspora attentive au sort de leurs collègues au niveau local, alors qu’il faille retenir le peu qui reste, que l’exode de cerveaux (ajouté aux harragas) s’amplifie, le poste services ayant atteint pour la première fois fin 2011 environ 12 milliards de dollars.

16.- Un ministre de la prospective, précédemment à la tête des réformes pendant plus de 8 années, n’ayant rien réformé, et qui annonce en juin 2012 une importante étude, l’Algérie de 2030, alors qu’il ne maitrise même pas les données de court terme, le système d’information algérien étant contradictoire et inefficient semble.

17.- Un gouvernement qui annonce la lutte contre la corruption et la sphère informelle alors que la corruption s’est socialisée, touchant tous les secteurs et que la sphère informelle, produit du système bureaucratique rentier, liée à la logique rentière, est dominante, pénalisant les producteurs de richesses et son fondement le savoir.

18.- Un représentant officiel de l’Etat chargé des droits de l’homme qui lors des élections du 10 mai 2012 a menacé la population de sanctions en cas où elle n’irait pas voter, violant les principes de libertés et contribuant encore plus à la démobilisation de la population.

19- Et pour clôturer le premier Ministre en juin 2012 qui annonce un échec de la politique socio-économique entre 2000/2012, et selon ses propos, "l’échec étant collectif".

Et la liste serait longue, très longue, avec des déclarations souvent contradictoires de ces responsables qui semblent ne pas maitriser leur dossier et hélas à des intervalles réguliers, produit d’une gestion jacobine centralisée autoritaire largement périmée et une mentalité bureaucratique des années 1970. Ces discours retransmis par la télévision publique fait que la majorité de la population parabolée, désarçonnée par tant de contradictions traverse une crise de confiance envers ses dirigeants. Y a-t-il un pilote à bord ? Où est le bilan de chaque département ministériel ? Où est le bilan de la dépense publique, 7 milliards de dollars entre 2001 /2002, de 200 milliards de dollars entre 2004/2009, des 286 milliards de dollars prévus entre 2010/2013, dont 130 de restes à réaliser des projets de 2004/2009. Où est la transparence de la gestion et du rendement des réserves de change des avec la crise mondiale structurelle des 190 milliards de dollars dont 90% placées en bons de trésor américain et en obligations européennes, tenant compte des taux d’intérêts, de l’inflation mondiale et de la crise de l’endettement de la majorité des Etats ? Comme j’ai eu à le souligner dans un entretien avec l’AFP, repris dans la presse internationale francophone et anglophone et dans le quotidien français le monde en date du 05 juillet 2012, après cinquante années d’indépendance politique, le constat est amer : "vieillissement des élites politiques issues de la guerre de libération nationale, obsolescence du système politique et enjeux de pouvoir internes, crise économique, sociale et culturelle et, enfin, contraintes externes de plus en plus pesantes".Triste spectacle d’un gouvernement et de ministres qui naviguent à vue, beaucoup plus préoccupés par leur destin personnel oubliant que l’Algérie indépendante depuis 50 ans, toujours avec 98% d’exportation d’hydrocarbures, important 75% des besoins des ménagers et des entreprises publiques et privées , population qui approchera 50 millions d’habitants, sera sans pétrole dans 16 ans et sans gaz conventionnel dans 25 ans tenant compte de la concurrence internationale, de la structure des couts et la forte consommation intérieure.

L’Algérie ne saurait donc vivre dans une ile déserte et est concernée par l’actuelle crise mondiale et sans un véritable changement l’implosion sociale est inévitable. Il n’y aura pas de spécificité à l’algérienne, la jeunesse actuelle n’ayant pas connu le drame es années 1990/1998. La distribution de la rente sans analyse des impacts conduit le pays droit au suicide collectif. Les mesures de politique monétaire et financière doivent s’inscrire dans une démarche cohérente de la réforme globale et au sein de grands espaces, d’où l’importance de l’intégration maghrébine. L’Algérie a besoin d’une planification stratégique qui colle aux nouvelles mutations mondiales. Ces mutations conditionneront ou pas un développement durable hors hydrocarbures s’insérant dans les avantages comparatifs mondiaux. Dans ce cadre existe un lien dialectique entre développement et démocratie tenant compte des anthropologies culturelles supposant de profonds réaménagements des structures du pouvoir algérien. Et comme fondement la moralité, si l’on veut éviter ce cycle de la décadence, cette société anomique mis en relief par le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun. L’économie comme nous l‘ont enseigné les classiques est avant tout politique.

Dr Abderrahmane Mabtoul

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Commentaires (10) | Réagir ?

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khelaf hellal

Sur le plan politique c'est l'impasse totale, en guise de réformes profondes le système se mord la queue et végète dans un statu quo et un immobilisme dévastateurs ou sa survie est suspendue au seul prix du baril de pétrole comme la béquille d'un colosse aux pieds d'argile . Le système est bâti sur du vent et du sable, il est son propre fossoyeur, sa fin est inéluctable. Sur le plan économique, il peine à relancer la machine car tout est dans l'investissement productif, l'intégration, la sous-traitance locale tout azimut et la dynamisation de ses propres ressources humaines. Il préfère importer de l’étranger ce qu'il peut produire chez lui, c'est la solution de facilité que s'offrent des gouvernants impuissants et médiocres. En guise de développement du pays ils font miroiter des biens et des équipements flambants neufs sur le marché local, des biens et des équipements que Siadhoum leur expédient par contenaires archis pleins. Dans les autres secteurs, c'est la propagande du mensonge qui fonctionne le mieux, une propagande empruntée à une triste époque : "plus le mensonge est gros, mieux il passe" l'essentiel est de garder son emprise sur les consciences. Dieu est présent à toutes les sauces même pour effacer les traces en affichant fièrement l'auto-collant : " Ma chaa allah "sur des produits importés que Siadhoum ont mis toute l'intelligence et la force de concevoir et de fabriquer. C'est ce que les Italiens appellent être fainéant comme quelqu'un qui épouse une femme déjà pleine.

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mustapha ouahadda

Je pense que ça ne sert plus à rien de faire des commentaires contre le régime, nous, algeriens, devons faire quelque chose, il est grand temps qu'on retrousse nos manches. Avec ceux qui sont à l'étranger et ceux qui sont labas nous pourrons faire démenteler ces charognards avec à leur tete bouteflika, son frere said bouteflika. Cela dit, je me demande comme celui-ci a pu ramasser en un laps de temps tout cet argent (Voir commentaire de la television suisse romande).

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