La république des nains

Le président.
Le président.

Le quotidien des Algériens est en passe d’être unique en matière d’accumulation d’angoisse, d’appréhension suite à l’état de pessimisme que vivons tous. Les raisons d’une telle situation sont singulièrement imputées aux contrecoups dévastateurs de la politique entérinée par le gouvernement en place, ce qui rend l’espoir de vivre dans la dignité une fin utopique.

Pourtant la santé financière du pays est à couvert de tout malaise, ce qui pousse le simple citoyen à s’interroger sur le rôle des dirigeants qui paraissent être en comble somnolence sous l’emprise d’un enrichissement bâti par tous les moyens illicites de la rapine, de la concussion et des détournements, dans une république qui exhibe tous les présages d’une monarchie hybride. Les subtilisations ostensibles de l’argent du peuple qui s’effectuent journellement au su de ceux qui sont censés préserver les richesses nationales, prouvent qu’une impunité absolue pousse dangereusement l’anarchie à s’installer solidement dans ce pauvre pays, le temps où des scandales financiers s’éclatent en pleine lumière du jour découvrant la connivence et la complicité de hauts responsables à savoir des ministres, des militaires et autres commis de l’Etat, chose qui sème la méfiance au sein de la société. Les dernières élections, auxquelles le peuple n’a pas pris part, ont démontré d’ailleurs une démission quasi totale de l’Algérien quant aux décisions dérivant de ces gouvernants parachutés à ces postes si sensibles de responsabilités par le moyen du trucage électoral et de la corruption. Ces récentes élections ont fait montre d’un ras- le- bol populaire qui a divulgué ouvertement l’absence entière de confiance vis-à-vis de l’Etat, une moralité que ces adeptes du pouvoir par la force et l’imposture ne veulent point assimiler tant la soif et la boulimie du règne leur sont une doctrine inéluctable. 

Notre pays franchit une phase des plus scabreuses, conséquence d'une gérance sans repère, infligée par ceux que le peuple ne cesse de vomir depuis l'indépendance. Les oiseuses réformes qu'ont endossées les institutions sur tous les plans, ne se sont avérées qu'une poudre aux yeux comme pour berner ce crédule peuple qui continue d’essuyer un pouvoir unique en matière d’absolutisme. Les précédents mandats de tous ceux qui ont manié l’infaillible machine de la fraude pour s’étendre perpétuellement sur le strapontin de la royauté, indiquent clairement que l’appétit de régner sans partage prime sur tous les intérêts nationaux. Ceux qui ont coudoyé les misères qu’ a endurées le pauvre algérien, savent indubitablement qu’une révolte spontanée va engloutir ce riche pays avec tous ces paradoxes qui divisent cette terre en deux lieux, plutôt communautés différemment conçues, l’une à l’antipode de l’autre : il y’a cette arrogante oligarchie qui assujettit tout un peuple, dont les milliards du pétrole leur sont un butin impartageable, avec l’assurance d’être entièrement à l’abri de tout éventuel besoin, en s’obstinant dans leur talent d’étouffer toute voix d’opposition, chasser tous les journalistes soucieux du devenir tragique de leur pays, puis il y a cette classe qui vit sous le seuil de l’indigence, et qui demeure passive par le coup de la coercition, devant le destin que lui a réservé une indépendance déviée. La fonction dite publique, où les milliers d’employés subissent l’humiliation et l’avanie, de par la dérisoire rémunération que lui édicte la sphère dominante dans l’Algérie pétrolifère au début du troisième millénaire, où la majeure partie des travailleurs affichent une situation de mendicité sans précédent. Une politique spectacle émaille le monde du travail, où des enseignants pendus par le manque et la privation affrontent péniblement leur morose quotidien en se voyant accepter l’ordre d’arracher des résultats qui honoreront l’éducation nationale avec une certaine insolence indicible, une manière d’exiger une impossible mission à ces instituteurs plutôt à ces mendiants qui n’arrivent même pas à se permettre un livre chaque mois vu la situation catastrophique de l‘injuste politique des salaires, chose qui influe désastreusement sur le minable budget mensuel de chaque éducateur. Tandis que nos messieurs les députés, les ministres, et autres cadres affiliés à la dynastie privilégiée de l’autocratie, fournissent un excédent effort en démagogie et mensonge se plaisent dans l’art de se pavaner dans les livings régaliens, avec l’appui couard du grand chef. En leur distribuant dédaigneusement la rente du pays par millions sans respecter même l’ordre de mérite, pour la simple malsaine visée qu’est taire la vérité sur l’état social incontestablement avili du citoyen, c’est à dire une façon machiavélique de troquer leur silence contre un enrichissement juridiquement illégal.

La vraie réforme ne consiste pas à changer des programmes, la réelle panne de l’école algérienne ne réside en aucun cas dans la nature de la connaissance présentée à l’enfant, la problématique séjourne dans la non mise-à-l’aise du réacteur de l’éducation qu’est ce même enseignant, ce phare de toutes les nations, le temps où nos proches voisins tunisiens et marocains accusent des avancées spectaculaires dans ce même secteur et ce grâce à l’état d’opulence pécuniaire dont jouit chaque maître dans ces pays frères. Offenser cette vérité, signifie faire germer un malaise pour gangrener beaucoup plus les cervelles enfantines des générations innocentes. La fuite en avant choisie par le pouvoir pour faire omettre le fond de la crise au peuple, renfonce plus encore le mal aux confins de l’amputation de l’identité algérienne en délaissant voire en s’attaquant ainsi à l’école de la république cette garante de la substance spirituelle de la patrie. Des phénomènes graves de reniement historique se manifestent chez nos étudiants, résultat de la fausse conception didactique des programmes combinés pour la seule intentionnelle fin qu’est l'abrutissement de nos chérubins. La décadence du niveau intellectuel qui accompagne cette haine patriotique condamne cette grande masse sortante de nos universités à la déviation. Des exemples flagrants d’indifférences administratives surprennent à travers les injonctions de la direction adressées à toutes les écoles pour favoriser la bêtise, doper la médiocrité, en imposant aux enseignants des systèmes d’évaluations insolites, pour interdire ainsi le redoublement des faibles élèves assurant ainsi une façade plus éblouissante de l’école nationale afin de plaire aux gens du sérail d’une part, et faire l’apologie de la personne du président d’autre part. Un syndrome singulier de faillite sème le doute au sein des connaisseurs en l’occurrence, les pédagogues, les enseignants avertis et autres, en remarquant la préoccupante facilité qui revêt les épreuves des différents examens, de la sixième au fameux baccalauréat, recette qui fait hausser le taux de réussite pour s’enorgueillir et se justifier vis-à-vis de l’opinion nationale pour avoir atteint le fallacieux objectif de la fameuse réforme éducative impulsée par le clan présidentielle.

En se ruant impétueusement sur le système du fondamental qui est certes la tumeur de l’intelligence algérienne, nos planificateurs adoptent un changement qui porte toujours les stigmates d’une pérennité, en éreintant l’enfant avec une masse de livres esthétiquement impeccables. Nos enfants affrontent un surmenage précoce qui agit dangereusement sur leur productivité scolaire, ce qui accule d’ailleurs les enseignants à l’épuisement et à l’asthénie. Une erreur de diagnostic montre visiblement les fausses études hâtivement élaborées à l’insu du principal acteur dans cette délicate opération de refonte du système éducatif du pays, l’exclusion voulue de l’instituteur lors de ce chantier si efficient, aura sûrement des incidences sinistres sur l’avenir déjà hypothéqué du monde de l’éducation par l’entêtement et le pédantisme des représentants de la tutelle en question. L’actualité nationale est sujette à des questions qui démontrent plus encore la fragilité du régime algérien, la distance qui sépare le peuple de ses gouvernants dévoile bien cette criante méconnaissance de ces derniers des réalités sociales du pays. Notre pays n’a guère connu de conjoncture pareille depuis l’indépendance. La surdité que feint le président par rapport aux plaintes émanant du peuple qui crie à la famine, n’augure rien d’optimiste ; le remaniement gouvernemental non effectué laisse des doutes s’infiltrer au sein de toute la société qui assiste muette au naufrage du bateau Algérie.

Chekri Rachid

Enseignant-écrivain, Akbou.

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Commentaires (28) | Réagir ?

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Rachid DZ DZ

@ doc frich-folamort.

Arrêtes de critiquer le matin dz et ceux qui partagent les mêmes idées. De plus en plus d'algeriens qui ont toujours eu l'algerie dans leurs coeurs découvrent ce qu'est le clan d"oujda et votre plan démoniaque! Ce matin je viens de lire un article du journal soir d'algerie, qui aurait pensé qu'un journal algerien se mette à dénoncer les mafieux qui nous gouvernent en les appelant "le clan d'oujda"!

Dis aussi que le soir d'algerie fait travailler des journalistes hizb fransa!

Dis aussi que nordine ait hammouda le fils du colonel amirouche la bête noire de l'armée française est un hizb fransa!!

Pendant 50 ans vous nous avez trainés dans la boue (en nous traitant de contre révolutionnaire, dad cha3b, main de l'étranger à l'époque où boum-boum nous traitait de tous les noms) maintenant c'est à notre tour de vous demander des comptes!!

Et rien que pour te faire plaisir je vais me faire un nouveau pseudo hizb fransa - israeli qui remplacera l'ancien rachid DZ aya afrah a missié le khobziste

Je t'invite à lire la lettre ouverte de nordine ait hammouda fils du colonel amirouche du soir d'algerie datant de ce matin le lundi 2 juillet 2012.

Alors est ce un fils de hisb fransa lui aussi?

Par Nordine Aït Hamouda

Militant du RCD

En ce cinquantième anniversaire de la libération de l’Algérie du joug colonial français, je voudrais d’abord rendre hommage aux martyrs avant d’essayer de raviver le serment qu’ils ont honoré à travers l’épopée qui a mené à l’indépendance de notre pays.

Ils étaient une poignée de patriotes et de justes inconnus sur la scène publique officielle. Ils ont pris la décision de déclencher les hostilités contre la 5e puissance militaire mondiale pour, comme ils l’ont proclamé dans la déclaration du 1er Novembre 1954, libérer le pays de la longue nuit coloniale et redonner la dignité à leur peuple. Aboutissement d’un long processus de luttes portées par des générations de militants, cette décision sonne, du même coup, le glas de l’ère coloniale sur tout le continent africain. Ma pensée va aussi à tous ceux qui ont enduré privations, souffrances et mutilations. C’est grâce à leur conviction, leur courage, leur moralité et l’exemple du sacrifice suprême, c’est-à-dire le don de soi pour la liberté et la dignité, que l’écrasante majorité du peuple algérien a accompagné la lutte armée dès les premières années. Cette adhésion a scellé la détermination des premiers dirigeants de la révolution. Ni les menées messalistes qui ont dérivé vers la trahison ni les tiédeurs multiples des biens-pensants de tout bord n’ont pu imposer la moindre inflexion au noyau originel rejoint par tous les patriotes que comptait le pays. Ces maquisards ont infligé à l’ordre colonial la pire des humiliations, poussant l’Etat français à renoncer à nombre de ses colonies avant de sombrer lui-même dans une crise politique qui emporta la IVe République. Pour redorer le blason de l’Etat colonialiste, de Gaulle, en sauveur suprême, mobilise tout ce que compte la République de forces répressives y compris l’usage du napalm, dont plusieurs localités portent encore aujourd’hui les stigmates. Pendant que la résistance algérienne mobilise à l’intérieur tout son potentiel pour faire face à cette armada dirigée par les Massu, Challe et compagnie, à l’extérieur de l’Algérie une excroissance du mouvement national, renforcée progressivement par les entrants de la 25e heure, s’affairait à affaiblir les maquis par la rétention de l’armement et à déconstruire le processus d’un Etat algérien démocratique et social incarné, sur le sol national, par les Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, Krim Belkacem, Mustapha Ben Boulaïd, Benyoucef Ben Khedda, Amar Ouamrane, Amirouche, Lotfi… pour lui substituer une dictature militaire. Rompus aux manœuvres et à l’écoute de Paris et du Caire, ces responsables de l’extérieur font bloc dans le congrès de Tripoli pour contrer les instances légitimes de la révolution algérienne et ouvrir la voie au pouvoir des armes. Les travaux de ce conclave du lendemain de l’indépendance n’ont pas été clôturés à ce jour à cause de l’attitude du clan de Oujda emmené par Ben Bella et Boumediène dont l’ivresse du pouvoir ne s’encombre d’aucun scrupule. Tapis dans l’ombre, ils n’ont qu’un seul objectif : la prise d’Alger. Les hésitations et les réactions tardives du GPRA pour dégrader le colonel Boumediène et ses acolytes de l’état-major, le 30 juin 19621 (1), ne font que renforcer la folie des conjurés. Ils se ligueront contre l’instance légitime de la révolution algérienne et les maquisards de l’intérieur pour marcher sur Alger au prix de centaines de cadavres, tout au long de leur route. C’est Khaled Nezzar, servant alors sous les ordres du colonel Boumediène dans cette guerre contre les wilayas de l’intérieur, qui écrit dans ses mémoires : «L’intensité des combats qui s’en étaient suivis, jamais je n’en avais vu d’égal personnellement, pas même durant la guerre de libération. » (2) Le GPRA, seule instance légitime de la révolution, est foulé aux pieds par ces assoiffés de pouvoir, aidés par les reliquats de la France coloniale. Le malheur de l’Algérie venait de commencer. Sous les apparences d’un tiers-mondisme exubérant, cette équipe s’installera au pouvoir avec la caution du Caire et de Paris. Elle demeure en place à nos jours. Ceux qui ont pris le pouvoir se sont acharnés à combattre leurs frères et surtout les élites. Ben Bella, qui a fait de l’activisme gauchiste une religion pendant son règne, déclare dans son discours d’ouverture au Congrès du FLN tenu à Alger du 16 au 21 avril 1964 : «Il faut combattre sans répit la tendance de ceux qui affirment que la construction d’un Etat est un préalable de la révolution. Une telle voie est fausse. Elle aboutirait, si on la prenait, à remettre le pouvoir entre les mains de ceux qui actuellement possèdent la culture. Primaire et folklorique, le personnage ne servait en fait que de potiche à Boumediène. Commencent alors, les liquidations physiques d’opposants actifs ou potentiels, de déportations vers le Sud de dirigeants de la révolution et d’emprisonnements sur fond de confiscation de toutes les libertés. Le 19 juin 1965, c’est au tour de Ben Bella, lui-même, de subir la foudre du clan. Le colonel Boumediène et ses acolytes, adeptes des caves et de l’ombre, sont prêts à affronter la lumière. Pour cela, le programme de Boumediène est simple : mettre fin aux quelques failles de la stratégie répressive de l’ancien président, play-boy à ses heures, pour anéantir toute liberté ; c’est le rôle dévolue à la sinistre sécurité militaire qui cherchera à éliminer tous les opposants, y compris par le meurtre, comme c’est le cas de Mohamed Khider et Krim Belkacem pour enfin créer l’homme nouveau, zombie sans mémoire ni conscience. Dans ce domaine, le stratagème se décline en :

• La falsification de l’histoire, voire son amputation ; le livre de Said Sadi (3) qui relate l’acharnement de Boumediène sur les restes des ossements des colonels Amirouche et Haouès illustre l’immoralité qui habite le clan et l’OPA méthodiquement menée sur la révolution algérienne et ses symboles. Absents du champ de bataille aux heures des périls, les nouveaux maîtres du pays proclament : un seul héros le peuple, pendant que le colonel putschiste terrorisant et mystifiant son monde se pare du statut du père de la nation.

• La mutilation de l’identité algérienne pour la réduire à des dimensions folkloriques tout juste bonnes à être exhibées dans des manifestations de villages. Le progrès et la modernité officiels se conjuguent uniquement dans le nationalisme arabe adossé à la légitimité religieuse. Dans sa folie sanglante, le baâth, qui assumait la laïcité, avait au moins le mérite de la cohérence. Liess Boukra (4) note très justement la convergence de l’action de Boumediène avec les tenants des courants religieux rétrogrades «Le premier voulait immuniser la société contre les germes de la modernité, porteuse de l’exigence citoyenne (démocratique, pluraliste), que son autoritarisme et sa mégalomanie ne pouvaient tolérer ni souffrir». Les seconds ne voulaient pas de «l’éclosion d’une conscience sociale libérée de son enveloppe religieuse». La SM veille sur tout : la découverte d’une lettre en tifinagh conduit inéluctablement l’auteur imprévoyant en prison qui se voit désigné ennemi du socialisme et de la nation avant d’être tiré de l’anonymat sous l’étiquette d’agent de l’impérialisme en général et d’élément dormant du SDECE (Services de renseignement français) pour ceux qui ont moins de chance.

• Au plan économique, l’inoculation des germes de l’attitude rentière insufflée, jusque dans le moindre recoin de l’Algérie profonde, au détriment de l’effort et du travail qui ont constitué nos valeurs ancestrales les plus sûres, sera la constante du pouvoir de Boumediène. Sous l’ère bénie de la gestion socialiste des entreprises (GSE), les travailleurs partageaient les bénéfices alors que leur entreprise était déficitaire, la production agricole est confiée à la télévision pour promouvoir une révolution agraire qui a déstructuré nos campagnes en dévalorisant le travail de la terre et annoncé la clochardisation de nos villes sous le poids de l’exode rural. Bénéficiant d’une conjoncture où les prix du baril s’envolaient après le premier choc pétrolier de 1973 et de prêts sans retenue du système financier international, l’Algérie se présente à l’orée des années 1980 avec des recettes tirées à 97% des hydrocarbures avec une dette extérieure estimée déjà à 15 milliards de dollars. A sa disparition, notre champion de la lutte anti impérialiste laisse un pays plus dépendant que jamais et qui doit honorer un service de la dette qui le laisse mains et pieds liés face aux Etats occidentaux. Déjà dans les années 1970 et pour s’assurer le contrôle de la société, le pouvoir a encouragé l’islamisme pour affaiblir le courant démocratique. Mais c’est sous l’ère de Chadli, qui affichait pourtant une certaine volonté à rompre avec le boumediénisme, que les institutions vont subir le plus la pression de l’islamisme. Au nom de la récupération des thèmes favoris des islamistes, le pouvoir a ainsi généralisé l'enseignement religieux à tous les niveaux. Créations de sections islamiques dans les lycées avec un baccalauréat religieux qui ouvre les portes à toutes les filières. Le contrôle strict des programmes culturels pour leur conformité à la morale islamique (télévision, radio…) devient une norme. Cette politique atteint son apogée par l’adoption du code de la famille en 1984 ainsi que la création de conseils des oulémas chargés de donner une caution religieuse aux orientations politiques du pouvoir. Il faut cependant rappeler que le règne de Chadli, s’il fut plus marqué par diverses concessions, n’augurait pas cette inclinaison à brader les valeurs républicaines. C’est sous Boumediène que le week-end universel fut abandonné à cause de tensions internes au régime et pour lancer déjà un signal aux secteurs les plus conservateurs, alors extérieurs au système en place. Dans le milieu des années 1980 se révèle brutalement la faillite du système algérien :

1. Au plan économique, seule la vente des hydrocarbures permettait un semblant de fonctionnement de la machine étatique. La chute des prix entraîne un effondrement brutal des recettes passant de 51 milliards de dinars en 1981 à 37 en 1983, alors que le pays doit faire face, déjà, à cette dette extérieure croissante. Ce tassement des recettes est accentué par une baisse durable des taux de change du dollar. Pour le reste, les meilleures usines tournent au mieux à 50% de leur capacité de production avec des arrêts plus ou moins longs à cause de leur dépendance en matière de maintenance et de l’indisponibilité de devises. L’agriculture n’est pas en reste, 2 protéines sur 3 consommées sont importées.

2. Au plan social, la dégradation générale du niveau de vie s’accompagne par un développement du chômage. De plus, l’indisponibilité du logement et l’exode rural s’aggravent pendant que l’immense majorité des adolescents est rejetée par le système éducatif

3. Dans le domaine politique, l’impasse est totale. Le débat demeure un monologue du parti unique qui monopolise tous les moyens d’information. Les Algériens sont écartés de toute décision qui les concerne pourtant au premier chef. Pour la majorité, l’action du gouvernement réglée par les luttes de clan relève de l’arbitraire. A la fin de la décennie 1980 arrive ce qu’on peut déjà appeler une «génération perdue». En raison du chômage important qui frappe la jeunesse, un segment entier de la population est marginalisé. La grande majorité n’a pratiquement aucune chance de trouver un emploi dans un secteur structuré et perd tout lien avec l’Etat. Après les émeutes d’octobre 1988, réprimées dans le sang, c’est tout naturellement que le pouvoir choisit de privilégier la tendance islamiste qu’il croyait contrôler par peur de se voir disputer la légitimité par les courants politiques démocratiques qui, eux, ne s’invitaient pas à la rente mais menaçaient le système dans ses fondements. Mais avant cela et, sans aucun doute, l’événement qui a ébranlé le système du parti unique est la grève générale d’avril 1980 en Kabylie. Affaibli déjà par la lutte des clans pour la succession de Houari Boumediène, le pouvoir doit faire face à une contestation de type nouveau. Habitué à traquer les opposants dans l’ombre par une police politique omniprésente, il doit affronter un mouvement qui refuse la clandestinité et mobilise la population. Non seulement la grève générale — la première de l’Algérie indépendante — est un succès, mais des dizaines de milliers de jeunes font face aux forces de répression pour protéger les animateurs du mouvement. Incontestablement, cette date marque les premières lézardes de l’édifice du régime algérien et dévoile sa nature autoritaire devant l’opinion internationale. Avril 1980 est l’acte de naissance d’une opposition en rupture avec la culture des intrigues héritée du mouvement national. A leur sortie de prison, les camarades de Saïd Sadi réinvestissent publiquement le champ de l’opposition démocratique au régime du parti unique. Une nouvelle page commence à s’inscrire dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Si à la suite de cette contestation pacifique le système avait entrepris de se reformer un tant soit peu pour restituer des espaces publiques à la société, l’Algérie aurait fait l’économie de bien des drames. En fait, la réponse opposée aux revendications d’avril 1980 était un message qui se vérifiera à maintes reprises par la suite : le système algérien n’est pas réformable. Contrairement aux islamistes qui bénéficiaient de la tolérance et de la proximité des institutions, le mouvement issu d’avril 1980 mettait au centre de son combat la liberté d’organisation, les libertés individuelles, l’égalité en droits entre les hommes et les femmes, les droits de l’homme, la souveraineté populaire : tout ce que le parti unique ne peut tolérer sans remettre en cause sa propre survie. Mais il était écrit, quelque part dans la stratégie mise au point par le clan de Oujda pour s’emparer de l’Algérie indépendante, que le pays allait s'abîmer dans l’apocalypse des années 1990. Et, sans l’irruption de forces patriotiques, stigmatisées par le pouvoir, l’Algérie aurait sombré et ceux qui avaient offert leurs services à l’Iran auraient pu régner sur un émirat issu du dépeçage annoncé du pays. Bouteflika, qui se plaît à répéter qu’il n’était pas là dans les années de feu, aurait sans doute poursuivi sa traversée mondaine et paisible, loin de nos tourmentes. Des dizaines de milliers de morts, des milliers de disparus de tout bord, des destructions massives d’infrastructures et des fractures sociales profondes concluent cinq décennies du règne de l’arbitraire, de la manipulation et des détournements. Et on nous dit qu’il faut continuer avec les mêmes méthodes, dans le même cadre et sous la férule du même clan. Tous les sacrifices ont été trahis, toutes les résistances ont été reniées, toutes les opportunités ont été gâchées. Le pays, qui a vaincu militairement l’islamisme, se voit confisquer, encore une fois, sa victoire au profit de la survie d’un système pour lequel le pays se confond avec la rente. Bouteflika, représentant de survivance biologique du clan de Oujda, s’attellera à détruire tous les acquis sociaux et démocratiques arrachés par la génération post-indépendance. Pour ce faire, il livrera le pays à la corruption morale et matérielle dans une exceptionnelle conjoncture financière qui lui permet d’acheter les clientèles et les soutiens étrangers. Pourtant, en ce cinquantième anniversaire de l’indépendance du pays, il reste des voix audibles au milieu de millions d’anonymes pour crier haut et fort que l’Algérie de Novembre et de la Soummam reprendra le chemin de l’honneur, de la dignité, du travail et du progrès. Les moyens consentis par le système pour mobiliser autour de 18% d’Algériens dans une élection comparée par les officiels et leurs alliés habituels ou de conjoncture au 1er novembre 1954 sont à la mesure du désarroi des tenanciers de la loge et de la désaffection de la jeunesse défiant une gérontocratie nihiliste. Si les martyrs n’en finissent pas de se retourner dans leur tombe à cause des tortures que leur infligent les usurpateurs du combat et des espérances du peuple algérien même après leur mort, ils doivent attendre avec impatience la fin des supplices et le repos éternel. Pour eux, aussi, le jour se lèvera pour remettre en marche l’horloge de l’histoire, du progrès, de la justice et de la liberté qu’une bande de conspirateurs a bloquée sur minuit pendant un demi-siècle.

N. A. -H.

1- Benyoucef Ben Khedda, La crise de 1962, page 23.

2- Mémoires du général Khaled Nezzar, page 70.

3- Saïd Sadi, Amirouche, une vie, deux morts, un testament.

4- Liess Boukra, Algérie, la terreur sacrée, page 66

source: le soir d'algerie

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Khalida targui

"nains" pas nains car le petit de taille peut avoir un grand cerveau

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