Patrons, projets et la théorie du complot

Issad Rabrab, patron du groupe Cévital.
Issad Rabrab, patron du groupe Cévital.

"L’injustice ne se trouve jamais dans les droits inégaux, elle se trouve dans la prétention à des droits égaux." Nietzsche

On peut se rappeler Mohamed Arezki, l’"entrepreneur qui parle beaucoup plus au béton qu’aux hommes" - c’est ainsi que le désignaient ses amis proches - qui venait tout juste de recevoir un aval écrit pour la réalisation d’une moyenne structure en ouvrage de travaux publics, dans ses bureaux au boulevard Victor Hugo, à Alger, siège de la Soelek, Société des entreprises Lounis-Khodja ; il est tout ému mais l’air grave, presque tourmenté, comme s’il est profondément absorbé par une espèce de questionnement sur la charge qui lui tombe soudain sur la tête.

Histoire de pionniers…

Il avait bâti, alors, par le passé maints groupes d’habitation, réalisé des établissements sanitaires ou administratifs, des enceintes d’entreprises, des ouvrages d’art et structures stratégiques, des aménagements hydrauliques, des édifice industriels, et cetera, mais c’est toujours le même sentiment qu’il éprouve en acceptant un nouveau projet, "celui peut-être de ne pas être à la hauteur cette fois." Il a été à plusieurs reprises sollicité pour un poste de ministre, depuis Ben Bella jusqu’à Chadli Bendjedid, mais il a toujours refusé "pour ne pas jouir de la couverture de l’Institution et le drapeau en cas d’échec."

L’on peut aussi se souvenir jamais l’avoir vu dans un environnement officiel dans les basques de quelque décideur ou homme puissant dans le pouvoir. "Je suis au chantier, au bureau ou à la maison, parfois ailleurs dans un endroit précis en relation avec mon travail ou en rapport strict avec ma famille." Ce sont les paroles qu’il disait dans les années quatre-vingt à l’occasion d’un dossier que mon journal préparait, à l’instigation d’Ameziane Ferhani, sur les personnages qui réussissent dans un domaine ou dans un autre. La rédaction avait opté pour cet entrepreneur qui avait largement démontré ses formidables capacités de bâtisse dans l’intérêt public, dans le logement ou au travers de réalisation pour le besoin des services, de l’agriculture ou de l’industrie. Le bureau rédactionnel avaient écouté des témoins qui racontent les conditions quasi indigentes dans lesquelles la jeune entreprise se fut attelée à ses premières réalisations, en cette période de la mentalité nationale où la majorité des habitants de l’Algérie ne croyaient pas que les Américains eurent fait des pas sur la lune et que le méridien de Greenwich passe par Mostaganem.

…et de professionnels

Si l’on parle encore de Monsieur Mohamed Arezki Lounis-Khodja, à peu près une vingtaine d’année après sa disparition, de la part immense qu’il a eu de sa force volontaire propre à semer son béton dans les contrées de notre pays, entre autres, la réalisation du génie civil d’El Hadjar à Annaba, la raffinerie de sucre et l’unité céramique de Guelma, la cimenterie de Constantine, la salle omnisport Harcha, la piscine olympique du 1er Mai, des collèges, des lycées, des centres de formation professionnelle, une cité de presque 2000 logements à Réghaïa, deux stations de traitement d’eau, les infrastructure d’une grande tannerie, deux hôpitaux, deux usines textiles, les cimenteries de Meftah et de Chlef, qu’on cite de mémoire parce que certainement l’on oublie, si donc on évoque ce grand bâtisseur, jadis membre de l’Organisation international du travail – oui, du travail, si vous voyez dans quelles obédiences ses intéressements étaient ancrés - c’est par rapport à cette surprenante et stupéfiante nouvelle qui coure les rues et remplit les pages de journaux, celle d’une entreprise qui conditionne les huiles brutes et les sucres roux et blancs en vue de raffinage sous la forme de produits prêts à la consommation.

En l’occurrence le groupe Cevital qui veut investir l’équivalent du produit national brut de la Tunisie en souhaitant créer rien moins qu’une mégalopole portuaire dans la wilaya de Boumerdès et une autre, un peu plus petite, à Arzew pour un complexe pétrochimique qui coûterait au promoteur des milliards de dollars aussi , en même temps qu’un foisonnement d’autres projets pharaoniques un peu partout sur le territoire national - dont le patron explique qu’il peut disposer des fonds sans problème à la condition que les autorités aptes à décider lui donnent le feu vert pour entamer les travaux.

Les questions du possible et du farfelu

Et ça parle d’étude de projet menée avec minutie sur le bien fondé de l’utilité associée aux capacités du groupe qui cite des collaborations avec des géants mondiaux dans les domaines qu’il prône. Et ça tente d’impressionner par des tenues de réunion top du top dans des salons occidentaux en compagnie des plus grands spécialistes de l’investissement viable et rentable, mutuellement bénéfique, dans les pays émergents.

Et puis je remets en doute mon savoir sur l’entreprise, l’algérienne surtout. Et je me dis que les grandes entreprises classiques rouées dans le maniement du mortier et du rond à béton depuis l’indépendance, qui ont pris l’exemple sur le modèle Lounis-Khodja, Batata, Talantikit ou pour le privé, DNC, Sorecal, Ecotec, pour le public, relèvent aujourd’hui du pipo devant ce groupe dont je ne me souviens pas où il a en Algérie ou ailleurs inscrit sa marque dans le domaine de la construction. Ou même dans celui de l’aménagement. Je connais les marques d’huile végétale ou de sucre domestique qu’il commercialise, la marque Profilor sur les produits électroménagers importés en pièces, mais je ne parviens pas à me repérer sur une quelconque réalisation de travaux publics ou de génie civil digne de curiosité dans nos villes ou nos campagnes portant le pavillon de cette entreprise. C’est pourquoi l’on se pose des questions.

La souveraineté de l’Etat et les prétentions démesurées

D’abord un port commercio-industriel est du domaine fondamental de la souveraineté nationale qui aura été décidé au préalable sur la base de la nécessité ou de l’indispensable incompressible du projet. Si l’Etat envisage un projet d’envergure dans ce sens ou acquiesce à une idée venant d’un tiers particulier dans le même sujet, le rationnel exige que les choses doivent se faire avant tout par des publications officielles en bonne et due forme à travers un avis d’appel d’offre donnant les possibilités à tout professionnel de l’activité capable du mieux pour des coûts moindres. Il est inutile de préciser que sur ce point les entreprises, nationales ou étrangères, qui ne possèdent pas les références sans équivoques dans le métier du génie civil, n’ont pas droit de citer de près ou de loin même si elles assurent être en possession d’incommensurables fonds propres et des capacités certaines de partenariat avec des groupes internationaux rompus dans le domaine. La plupart du temps c’est le label de l’entreprise qui parle, neuf fois sur dix c’est son passé réalisateur qui la place dans les conditions du concours selon ses meilleurs considérations. Dans un projet, par exemple en France, de quelque réalisation de marina de portée touristique planétaire il est difficile d’admettre un groupe comme Lesieur à côté d’un Saint-Gobain ou d’un Bouygues sur la même liste des offres de service. Quand bien même la première cité dispose d’immenses capacités de mobilisation de capitaux.

Ensuite l’on s’étonne que le président-directeur général de ce groupe qui depuis sa création jusqu’à ce jour ne nous montre pas sur le marché de la compétence - la performance commence dans les stades du dépassement sur celle-ci - au moins une vis sortie de son savoir-faire et de ses modèles de management. Mais qui parle comme partenaire national exclusif qu’il faut écouter parce qu’il est en mesure de faire miroiter un capital fou selon lui suffisant pour s’attirer toutes les confiances de l’Etat et des citoyens. Comme s’il ne savait pas que l’Etat lui-même disposant de la dixième réserve de change de la planète, bien avant la France, le Royaume-Uni, l’Italie et plusieurs grands pays industriels, il ne parvient pas à bluffer sur des projets grandioses qu’on sait qu’il est incapable de mettre au point selon les termes de la rationalité des meilleurs choix de faisabilité et de know how. Car le régime, de tout temps, n’a jamais investi dans la simple police des apprentissages des corps de métiers, créateurs, de richesses et de services, régulateurs d’emploi permanent et de renouvellement de capacités industrieuses. C’est toujours l’appel au tiers étranger qu’il est question pour tout projet d’importance – l’un dans l’autre cette histoire que ce groupe engage à la tête de son managérat général un ressortissant de l’Amérique du Nord suffit pour permettre de croire sérieusement qu’il s’en bât les flancs de la matière grise nationale.

La théorie de complot

Enfin le responsable et garant de cette entreprise argumente les réticences des autorités algériennes à propos de ces projets, au premier chef le mégalo port de cap Djenet, par le recours aux termes du régionalisme qu’il répète à plusieurs reprises et en des lieux divers, en Algérie comme ailleurs. Et là, si l’intention est volontaire, du point de vue des valeurs qu’il faut inculquer aux générations montantes, parmi elles surtout la jeunesse qui apprend pour devenir meilleure, et qui sont les soucis sur l’intégrité nationale, elle est foncièrement grave. On s’en fout éperdument des ministres qui n’aiment pas le pédégé de Cevital, tous les Algériens n’ignorent pas qu’ils sont illicites, qu’ils ne reçoivent nul mandat de la part de écrasante majorité de la population. Mais delà à vouloir prendre à témoin des millions de ressortissants d’une région bien déterminée en les mettant sur une balance d’intérêt personnel à la manière d’une arme offensive, cela s’appelle de la subordination morale hautement criminelle. Cette intempestive déclaration pourrait avoir des échos auprès des habitants du Sahara que rien n’empêche qu’ils délèguent à Paris un des leurs pérorer sur quelque mouvement d’autonomie saharienne. Voire d’un gouvernement provisoire.

A moins que le patron de Cevital ne fait ici qu’essayer un battage médiatique afin de tâter sur le terrain politique l’ancrage d’un leadership qui pourrait toujours servir, si ça marche, ça marche, sinon, tant pis, retour aux raffineries d’huile de table et de sucre.

Nadir Bacha

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Commentaires (28) | Réagir ?

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abdel ouchene

Rabrab est une création du régime avec l'argent du peuple dans les années noirs, avant il était un simple comptable.

Rabrab a su composer et réussir.

Rabrab investit plus à l'étranger qu'au bled, ??????

Le régime doit partir politiquement, matériellement et refaire l'idée de l'Algérie d'avant 5 juillet 1830.

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Simply

Je soutiens les projets de Monsieur Rebrab. Je n’ai pas pu réagir en temps réel, pour des raisons de force majeure, indépendante de ma volonté, depuis 10 jours. Je suis désolé. Mais je tiens absolument à donner mon de vue sur cette affaire, pour clouer le bec aux ennemis de l’Algérie, qui essaient de faire capoter les projets de Monsieur Rebrab, au profit de nos pires ennemis d’hier et d’aujourd’hui.

Je suis convaincu que les Méga-projets industriels (industrie automobile, naval, métallurgique, sidérurgique, agro-alimentaire, électronique, informatique, pharmaceutique, biotechnologique…) de Monsieur Rebrab et ses partenaires internationaux, sont vitaux pour l'Algérie.

Je rappelle que les partenaires de Monsieur Rebrab sont des géants industriels, mondialement connus et reconnus pour leur très haut niveau, à tous points de vue. Ceci étant dit, pour rappeler à certains cerveaux de moineaux, qui ne comprennent rien à rien, qui bloquent l’Algérie, à qui ils ont affaire.

Vos projets Monsieur Rebrab dérangent au plus haut degré les industriels, les politiques et anciens hauts gradés de l’armée de l’ère coloniale Française, qui tiennent le régime illégitime Algérien par les c…… et qui le manipulent comme des marionnettes depuis 1962, conformément à leurs agendas politiques et économiques. Vous faites également peur à Bruxelles qui nous bloque aussi de manière sournoise.

Le louvoiement de Renault, qui ne construira rien en Algérie, est dirigé contre vous, pour vous bloquer. Et en vous bloquant, ils bloquent l’Algérie et l’avenir des générations futures, ils bloquent le passage de l’Algérie à l’après-pétrole, dont le peak oil sera atteint et décroîtra très rapidement dans moins de 20 ans. Et si on ne fait rien d’ici là, le peuple Algérien sera dans l’au-delà. Tout le monde pourra imaginer les catastrophes sociales, politiques, qui pourront amener la guerre civile. Si c’est ça que nous veulent nos ennemis, y compris le régime illégitime criminel Algérien, qui a un fleuve de sang sur les mains, alors nous leur diront, que tous vos plans criminels échoueront. Le peuple se remettra de ses blessures et vous le fera payer très cher. Et tous les Rebrabs Algériens qui sont bloqués réaliseront leurs projets, que cela vous plaise ou non.

Les Pays Bas sont les plus exposés aux catastrophes maritimes (Tsunami….). Une partie très importante de ce beau pays a failli disparaître sous les eaux. Les Néerlandais ont réalisé des ouvrages ingénieux et extraordinaires, depuis plusieurs décennies, qui ont permis la protection et la sécurisation totale des terres et des ports. Ils ont atteint un très très niveau technologique dans ce domaine, unique au monde.

Il suffit de voir le port de Rotterdam, notamment, pour se rendre à l’évidence.

Je suggère donc à Monsieur Rebrab de faire appel aux Néerlandais, pour une expertise, une coopération et une gestion éventuelles des ouvrages maritimes du future grand port de Bédjaïa, pour clouer le bec définitivement, à tous les ennemis du régime illégitime Algérien et ceux de l’autre côté de la Méditerranée, qui sont aussi nos ennemis.

Vos projets sont vitaux pour l’Algérie d’aujourd’hui et de demain et les générations futures. Grâce à vous les exportations hors hydrocarbures atteindront plus de 35 milliards de dollars. Des centaines de milliers d’emplois directs et indirectes seront créés.

Pour conclure, je vous dit sincèrement Monsieur Rebrab, bonne chance, on est de tout cœur avec vous.

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