Paralysie politique en Algérie en attendant la présidentielle

Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

En dépit de la prochaine installation de la nouvelle assemblée issue du scrutin contesté du 10 mai, tout semble s’acheminer vers une espèce de glaciation politique jusqu’au printemps 2014.

Malgré la machine étatique déployée sans commune mesure, les élections législatives du 10 mai ont connu une très forte démobilisation populaire, comme si la population algérienne, surtout plus de 80% de la jeunesse, désabusée par tant de promesses non tenues, résignée, disait au pouvoir faites ce que vous voulez, nous ne sommes plus concernée. Donnez-nous notre part de rente sans contreparties productives.

76,01% de la population non représentée

Attention toutefois, cette résignation, outre qu’elle conduit le pays à la démobilisation et au suicide collectif, peut déboucher à tout moment sur une très forte déflagration sociale. En effet, si l’on calcule le nombre de voix abstention,12.307.800 ; plus les bulletins nuls 1.704.047, plus les partis avec des sièges ayant décidé de boycotter -1075.351, plus les partis n’ayant obtenu aucun siège 1.366.656, nous aurons un total de 16.453.854 voix sur un nombre d’inscrits de 21.645.841 donc 76,01% de la population algérienne n’étant pas représentée. Le FLN avec 6,11% de voix accaparant 43,75% de sièges et si l’on ajoute la dizaine d’indépendants qui devraient le rejoindre le FLN aura donc la majorité absolue avec plus de 50% au niveau du parlement. Après le boycott du gouvernement par l’alliance verte dont le nombre de suffrages recueillis a été de 475.049 pour un nombre de sièges obtenus de 47, le problème posé est le suivant : que représentera également le futur gouvernement moins représentatif que l’actuel parlement déjà non représentatif. Et surtout que fera-t-il face aux échéances qui viennent ?

Si l’on prend le timing, vacances à compter de fin juin/ aout 2012, le mois sacré du ramadhan entre juillet et août 2012, la rentrée scolaire, la fête de l’Aid Seghir et l’Aid El Khébir, les élections locales (qu’en sera-t-il réellement du taux de participation ?) programmées en novembre 2012, la révision constitutionnelle, qui nécessitera au préalable les trois quarts des deux chambres (le Sénat devant être renouvelé), si elle ne touche pas aux équilibres fondamentaux, le référendum populaire si elle touche aux fondamentaux, nous retrouvant courant le premier semestre 2013.

Comme la nouvelle constitution stipulera, allant selon nos informations vers un régime semi présidentiel, que le chef de gouvernement serait issu de la majorité parlementaire, si le nouveau gouvernement installée fin mai début juin 2012 comme le stipule l’actuelle constitution, peut être choisi y compris le premier ministre (reconduction de l’actuel ou changement) par le présidant de la république, dérogeant à cette règle, il faudra le remplacer en application de la nouvelle constitution durant le premier semestre 2013. C’est alors que commencera dans les coulisses les tractations par le pouvoir pour le choix du futur président de la République, le Président actuel ayant annoncé à Sétif le désir de ne pas se représenter, nous retrouvant à nouveau en été 2013. Ce sera à nouveau le ramadhan début juillet 2013, la fête de l’Aid Seghir et l’Aid El Khébir les vacances et la rentrée scolaire allant vers septembre/octobre 2013. Vers novembre/décembre 2013 ce sera le début de la campagne pour les élections présidentielles d’avril 2014. Ainsi, l’Algérie risque d’être en stand by jusqu’aux élections présidentielles d’avril 2014. Les responsables pourront-ils prendre des décisions importantes à savoir de profondes réformes structurelles qui engageront l’avenir de l’Algérie qui seront certainement douloureuses au risque d’une implosion sociale ? L’on assistera vraisemblablement, à moins d’un évènement intérieur ou extérieur imprévisible, à la gestion courante et à la distribution de la rente des hydrocarbures pour temporairement calmer le front social. Et pourtant, l’Algérie au moment d’importants bouleversements géostratégiques qui se dessinent entre 2013/2020, a besoin d’un profond changement si elle veut préparer l’après hydrocarbures et éviter sa marginalisation au niveau des relations politiques et économiques internationales.

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités

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Commentaires (5) | Réagir ?

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Guel Dring

Les affaires politiques ne peuvent se calculer sur la base de chiffres. Le contraire aurait permis d'avoir d'autres résultats que ceux qui ont été "officialisés". Les planètes dans l'espace se meuvent, les poissons dans l'eau se meuvent aussi. Les humains sont mués - c'est toujours un mouvement - par des intentions qui ne peuvent pas être déterminées, sachant qu'il y a possibilité de voltes faces, de retournements de vestes. La paralysie semble s'être emparé de la vie sociale, entre autres politique, mais ça se serait plutôt une tétanisation de la population par l'imaginaire : la rétrospection des tragédies passées, et l'avenir cet inconnu, qui nous empêche de progresser, parce qu'incertain.

Abusé par un demi siècle d’errements, nous n'avons toujours pas trouvé notre étoile polaire. Mais qui se souci de la chercher, quand toutes les étoiles se ressemblent?. Il faudrait bien un initié qui puisse pour la localiser. Malheureusement, ce n'est pas une étoile du nord que nous avons a été indiquée mais l'étoile du berger. Nous en sommes restés à l'état d'un troupeau de brebis, galeuses en plus, puisque nous nous communiquons la même peur du loup garou

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Khalida Tichert

Je vous remercie pour cette remarquable analyse. Bouteflika a manipulé de main de maitre la société algérienne depuis son élection en 1999. C'est en 1999 que les algériens auraient du s'abstenir de voter en masse à la mascarade d'elections qu'avait concocté alors le DRS, d'ailleurs Ait-Ahmed avait tout fait pour discréditer cette élection avec des résultats trés mitigés. C'est en 1999 que les jeux ont été faits, depuis Bouteflika s'est maintenu en parfait équilibriste politique.

En 2012, malgres le taux d'abstention record aux élections législatives, le résultat n'en reste pas moins une base légitime pour les prochaines élections présidentielles de 2014.

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