Les Egyptiens se déplacent en masse pour l'élection présidentielle

L'armée veille et fait l'arbitre de cette première présidentielle libre.
L'armée veille et fait l'arbitre de cette première présidentielle libre.

De longues files d'électeurs se sont alignées mercredi devant les bureaux de vote à travers l'Egypte pour le premier tour d'une élection présidentielle historique qui doit désigner parmi douze candidats le successeur d'Hosni Moubarak, chassé du pouvoir par la rue le 11 février 2011.

Les bureaux de vote ont ouvert leurs portes à 08h00 et fermeront à 20h00. Etalé sur deux jours pour permettre aux 50 millions d'électeurs de déposer leur bulletin dans des bureaux supervisés par des juges, le premier tour s'achèvera jeudi. Au terme d'une transition chaotique, de nombreux Egyptiens se sont rendus avec enthousiasme aux urnes. "On doit montrer que l'époque où on restait à la maison et où quelqu'un choisissait à notre place est terminée", a déclaré Islam Mohamed, un moniteur de natation de 27 ans, devant un bureau de vote du Caire.

Engouement inédit

Il est peu probable que l'un des douze candidats rallie sous son nom une majorité absolue dès ce premier tour de scrutin et un second tour sera probablement nécessaire à la mi-juin pour départager les deux adversaires les mieux placés. Les trois semaines de la campagne officielle n'ont guère aidé l'homme de la rue à faire un choix politique, mais le moment est considéré par beaucoup comme inédit.

"Je vais voter aujourd'hui, c'est certain, car c'est un moment historique bien que je ne sache pas vraiment pour qui je vais voter", a commenté Mahmoud Morsy, 23 ans, qui comme d'autres faisait la queue devant un bureau de vote. "Je n'ai jamais voté de ma vie pour un président et l'expérience est assez nouvelle et elle me fait me sentir citoyen de ce pays", a renchéri Ahmed Ali, étudiant en pharmacie à Alexandrie, la deuxième ville du pays.

L'élection du nouveau président est présentée comme le point d'orgue d'une transition démocratique qui devrait voir l'armée rendre le pouvoir aux civils le 1er juillet -tout en continuant, sans doute, à tirer les ficelles en coulisse. "Avec ces élections, nous achevons la dernière étape de la période de transition", a assuré le général Mohamed el Assar lors d'une conférence de presse, à la veille du scrutin.

Près de seize mois après la chute du raïs et en dépit de l'élection cet hiver d'un parlement dominé par les islamistes, le pouvoir n'a pas encore changé de mains. Dirigé par le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, qui fut pendant vingt ans le ministre de la Défense d'Hosni Moubarak, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) n'a prévu de s'effacer que le 1er juillet.

Parmi les principaux candidats, deux islamistes, le Frère musulman Mohamed Morsi et le dissident de la confrérie Abdel Moneim Aboul Fotouh, et d'autre part deux "libéraux" incarnant une forme de continuité avec l'ancien régime, l'ex-ministre Amr Moussa et l'ex-général Ahmed Chafik, favori de l'armée et de la minorité chrétienne copte.

"Les Egyptiens vont choisir leur président pour la première fois depuis la fin de l'ère des pharaons", a déclaré avant de voter sous les applaudissements Abdel Moneim Aboul Fotouh, en allusion à Hosni Moubarak et à ses prédécesseurs, tous autocrates issus des rangs de l'armée. Amr Moussa, lui, a fait la queue comme tout le monde devant un bureau de vote du Caire. "J'espère qu'ils vont élire un président vraiment capable de diriger l'Egypte en ces temps de crise", a-t-il dit.

Face à ces poids lourds, seul le "président des pauvres", le nassérien Hamdine Sabahi, qui se présente en "seul défenseur des idéaux révolutionnaires", semble en mesure de tirer son épingle du jeu, même si sa présence au second tour ferait figure de tremblement de terre.

L'arbitre attentif de cette joute électorale est l'armée égyptienne, qui a beaucoup à perdre en abandonnant le pouvoir aux civils, au point que les rues du Caire bruissent depuis des mois de rumeurs de coup d'Etat dans l'hypothèse d'une victoire d'un candidat qui ne conviendrait pas aux généraux. Et ce candidat pourrait être celui des Frères musulmans, dont l'un des dirigeants, Essam el Erian, a prévenu qu'ils "ne permettraient pas à l'armée de jouer un rôle politique" à l'avenir, tout en admettant que le processus de "démilitarisation de l'Etat" prendrait du temps pour éviter "une confrontation frontale".

Reuters

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