57% d'Algériens ont boudé les urnes, selon les chiffres officiels

Des irrégularités à la pelle sont annoncées.
Des irrégularités à la pelle sont annoncées.

En fin de soirée, le gouvernement a revu à la hausse le taux de participation aux élections législatives. Il a atteint 42,38 % au niveau national, a annoncé jeudi soir à Alger le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, M. Daho Ould Kablia. D'innombrables irrégularités ont été observées à travers tout le pays.

Mais, inversement, le taux d’abstention aura atteint 57,1%. Donc majoritaire. A première vue en tout cas, l’assemblée qui ressortira de ce scrutin ne représentera qu’une partie des Algériens. Les quelque 21,6 millions d'électeurs ont voté pour élire 462 députés, bien plus massivement qu’au dernier scrutin législatif de 2007 où le taux de participation avait atteint 35,67%, mais les résultats de ce scrutin à la proportionnelle à un tour ne seront connus que vendredi après-midi à 14h 30 GMT, selon des sources officielles.

Ce qu'il faut retenir d'emblée, c'est que le taux de participation était de 04,11% à 10h, pour bondir d'une manière particulièrement extraodinaire à 15,50% à 12h. Puis carrément à 27,04% à 15h30. Même si l'on n'a pas pour le moment tous les éléments d'analyse, il y a lieu de s'interroger sérieusement sur ces triplement de taux de participation en deux heures de temps.

"La participation globale -territoire national plus communauté nationale à l'étranger- est de 42,90%", a déclaré le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia, précisant que ce taux était bien plus élevé sur le territoire national atteignant 44,38 %, alors qu’il n’a été que de 14% pour les Algériens de l'étranger. Du coup quel crédit accorder à des députés élus par 14% de voix ?

Même le président Abdelaziz Bouteflika, initiateur de réformes destinées à parer le pays de la révolution qui a balayé les régimes de Libye, de Tunisie, d’Egypte et du Yémen notamment, avait appelé à plusieurs reprises ses compatriotes à voter, tout comme nombre de dirigeants politiques. Dans sa volonté de faire participer une population grisée et dépitée par la corruption, la paralysie économique, le pouvoir a utilisé toutes les ficelles possibles et imaginables pour convaincre les électeurs d’aller voter. Pour le gouvernement, seul lui importait la participation, tout le rester relevait de la cuisine interne. Dans un de ses discours, il a qualifié le scrutin d’un 1er Novembre 1954 bis. Sans avoir froid aux yeux Abdelaziz Belkhadem a affirmé que « son » FLN est le continuateur de l’autre FLN, historique celui-là. 

Au-delà de ce qui va sortir des urnes, seul le pourcentage des algériens qui auront glissé un bulletin dans l’urne qui intéressait. A ce propos, l’abstention a surtout été marquante dans la capitale kabyle, Tizi Ouzou, où elle atteint 80,16%. Il faut rappeler qu’outre le boycott décidé par le RCD, il faut relever que cette région frondeuse est depuis l’arrivée de Bouteflika à la présidence, en rupture radicale avec le pouvoir. A Alger, forte d’environ trois millions d’habitants, l’absention a atteint 69,1% des électeurs. Selon les premiers résultats, les chiffres de participation étaient plus élevés dans le sud du pays, une région qui a traditionnellement voté en toutes circonstances. Alors que de nombreuses villes du nord ont connu une forte abstention.

Sans crier victoire, M. Ould Kablia a souligné que les problèmes "constatés ici et là ont été contenus et ne peuvent avoir en aucun cas d’incidence sur la crédibilité des élections". Lui emboîtant le pas, le chef de la mission des quelque 150 observateurs de l’Union européenne à ce scrutin José Ignacio Salafranca a jugé que le vote s'était déroulé dans des conditions "généralement satisfaisantes sauf de petits incidents très limités".

Comme attendu, les autres observateurs, sur un total de 500 venus en Algérie à la demande de la présidence et issus de la Ligue arabe, de l’OCI ou de l’Union africaine et d’ONG américaines, n’avaient fait aucun commentaire jeudi. Car à la lumière de toutes les missions réalisées par ces organisations dans les différents pays, et en dépit des fraudes manifestes, jamais ils n’ont contesté la validité d’un scrutin. 

150 plaintes déposées

Tout a été fait pour gonfler le taux de participation. L’Entv a ressassé jusqu’à la nausée les appels au vote, le tout sur fond de chants patriotiques et de déclarations pompeuses et chatouillant l’orgueil national. Mieux encore, dans le tiers des communes (543 sur 1.541) le vote a été prolongé d’une heure à 20h locales, alors que les bureaux de vote avaient ouvert à 8h. A Bab El Oued, le coeur traditionnel d’Alger, la plupart des habitants interrogés par l’AFP se disaient indifférents et parlaient d’abstention.

Deux ministres algérien en exercice, candidats aux législatives de jeudi en Algérie, seront déférés devant la justice pour des infractions pénales, a annoncé la Commission nationale de surveillance des élections législatives (CNSL). En tout, la CNSL a reçu 150 plaintes dont une "trentaine à caractère pénal", selon son président Mohamed Siddiki lors d'un point de presse à Alger.

"Chérif Rahmani, ministre de l'Environnement qui se présente à Djelfa (250 km au sud d'Alger) a fait l'objet d'une plainte de 14 partis pour avoir visité tous les centres de vote de la wilaya" durant les opérations de vote, a-t-il expliqué. Le vice-président de la CNSL, Ali Moussaoui, a précisé à l'AFP que cette plainte "relevait du pénal" car M. Rahmani "incitait les gens à voter pour lui", alors que la campagne électorale avait pris fin dimanche à minuit. Chérif Rahmani est le tout puissant candidat du Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre Ahmed Ouyahia. Tayeb Louh ministre du Travail, est le second ministre incriminé, selon la CNSL.

Il a "visité les différents centres de Tlemcen (580 km à l'ouest d'Alger) pour inciter les gens à voter pour lui" et la plainte avait été transférée au pénal, a indiqué Hafid Kadri, également vice-président de la CNSL. Tayeb Louh est candidat du Front de libération nationale (FLN), le parti présidentiel. Gageons que ces plaintes ne connaîtront aucune suite. 

D'autres incidents ont été détaillés à l'AFP. "A Garidi, dans la commune de Kouba dans la banlieue d'Alger, des membres de la commission ont constaté que 350 militaires avaient voté avec des procurations antidatées délivrées par la région militaire, sans signature", selon Chalabia Mahdjoubi, membre de la CNSL.

A Sidi Djilali, à Tlemcen, "une urne a été subtilisée et remplacée par une autre vers 17H" et que cela était "le fait du FLN", a-t-elle ajouté. "A Laghouat (400 km au sud du pays), 700 militaires sont venus voter ensemble et ont déclaré à la sortie (du bureau de vote) qu'ils avaient voté pour le RND sur instruction de la hiérarchie", selon un autre membre de la commission, Samir Larabi.

Par ailleurs, le Front des Forces Socialistes (FFS), a dénoncé "la désorganisation inacceptable observée au niveau de nombreux centres et bureaux de vote". Dans un communiqué signé de son Premier secrétaire Ali Laskri, il a signalé "d'importantes entraves à l'exercice du droit de vote de nombreux citoyens et citoyennes à travers le territoire national", dont Boumerdes, Constantine, ou Chlef et Alger.

Ces informations n'ont pas été commentées par la CNSL. Quarante-quatre partis - dont 21 nouveaux, sept formations islamistes et plus d’une centaine de listes d’indépendants - étaient en lice pour ce scrutin.

Yacine K./AFP

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O_Khayam

« Les Algériens sont retournés à leur malheur »

Entretien avec Fatma Oussedik, Sociologue à l’université d’Alger

La Croix : La société algérienne est-elle prête au changement ?

Fatma Oussedik : « Mais elle est prête depuis longtemps ! Depuis 1988 ! Elle a eu deux ans de changement pour plus de libéralisme, avant ce que l’on peut appeler le coup d’État de 1991. Nous sommes depuis retournés au statu quo antérieur. Et nous n’avons plus qu’une parade de vie démocratique à usage international. Les Algériens ont très durement payé cette aspiration à la vie démocratique et ils le payent encore. Mais s’il y a un peuple qui demande le changement ce sont bien les Algériens. Cependant le pouvoir met toute son énergie à maintenir en l’état la situation.

Pourquoi l’Algérie ne profite-t-elle pas du ‘printemps arabe’?

F. O. : "L’intervention de l’Otan en Libye a figé toute volonté de sortie dans la rue. Le démantèlement du pays a rappelé celui de l’Irak. Le peuple algérien très politisé est conscient des enjeux nationaux et internationaux. Il a mené une guerre de libération très coûteuse. Il ne veut pas que des troupes étrangères foulent le sol algérien. Cette crainte d’une intervention étrangère est présente dans tous les esprits. Elle a gelé le mouvement social. Et nous sommes retournés à notre malheur.

J’ajoute que les appellations de ‘printemps’et ‘révolution’deviennent des postures narratives. Que deviennent les grands mouvements romantiques ?"

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Pour rebondir sur l'interview de Mme OUSSEDIK :

Quoiqu'il en soit aussi longtemps que l'oligarchie algéroise jouera dans le camp de l'Occident et continuera d'accepter le Dollar en contrepartie des livraisons d'hydrocarbure, elle bénéficiera de la complicité de l'OTAN. (Saddam et Muammar en savent quelque chose...)

N. AT. O. : Nations Addicted To Oil

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Khalida targui

J'ai vu dans ma boule de cristal que le FLN est premier le RND second les islamistes trois et les khorrotos après ce trio sacré. Quel beau changement bravo. Les mêmes au mêmes places avec plus de succès encore. Pour les 57%, avec le temps il vont crever ou s'aligner

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