Syrie: Kofi Annan "particulièrement inquiet" de la situation à Hama

Les habitants fuient poussés par le pilonnage de l'armée des quartiers.
Les habitants fuient poussés par le pilonnage de l'armée des quartiers.

Le médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe, Kofi Annan, a plaidé mardi soir pour un déploiement "rapide" des 300 observateurs internationaux chargés de surveiller le cessez-le-feu en Syrie, où les violences redoublent d'intensité malgré la présence sur place d'une première équipe de Casques bleus.

La journée de lundi, avec 59 morts, dont 31 civils à Hama, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), a été la plus meurtrière depuis l'entrée en vigueur le 12 avril d'un cessez-le-feu violé quotidiennement.

"Le déploiement rapide de la Mission de supervision de l'ONU en Syrie (MISNUS) est crucial", a affirmé M. Annan au Conseil de sécurité, même si "aucune solution n'est sans risques". "Nous avons besoin d'avoir des yeux et des oreilles sur le terrain, capables de se mouvoir librement et rapidement", a-t-il souligné.

Mais il s'est déclaré "particulièrement inquiet" de l'entrée dans Hama (centre) des troupes gouvernementales, qui auraient "fait un nombre important de victimes", et a jugé que la situation en Syrie continuait d'être "inacceptable". "Hama a été la cible lundi d'une vaste campagne militaire et de sécurité au lendemain de la visite d'observateurs dans des quartiers de cette ville où ils avaient rencontré des habitants qui ont évoqué leurs souffrances", a indiqué la Ligue syrienne des droits de l'Homme (LSDH).

"Les forces armées syriennes ont pilonné massivement les quartiers d'al-Arbaïne et de Machaa al-Arbaïne", selon l'ONG, qui parle de plus de 45 morts et 150 blessés. Ensuite, "les forces du régime, accompagnées de milices civiles armées et pro-régime, ont pris d'assaut les deux quartiers et ont abattu neuf militants qui avaient rencontré les Casques bleus", affirme la LSDH.

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a exprimé mardi son indignation au sujet de la possible répression par Damas de citoyens ayant coopéré avec les observateurs de l'ONU envoyés en Syrie, estimant que cela pourrait saper le plan de paix. Des observateurs déjà sur le terrain sont retournés mardi à Hama, pour la seconde fois en trois jours, selon l'OSDH. Une vidéo mise en ligne montre au moins quatre Casques bleus entourés par des militants "inspectant" le quartier Machaa al-Arbaïne dans cette ville. Les observateurs se sont également rendus à Douma et Harasta, dans la banlieue de Damas, selon l'agence officielle Sana et les Comités locaux de coordination (LCC) qui organisent la mobilisation sur le terrain.

Cette équipe avancée d'observateurs circule depuis le 16 avril dans les villes touchées par la répression de la contestation, préparant le terrain aux 300 observateurs internationaux qui doivent être déployés à partir de la semaine prochaine. Ils sont chargés de surveiller le cessez-le-feu prévu dans le cadre d'un plan de sortie de crise proposé par l'émissaire international Kofi Annan, et d'aider à en faire appliquer les autres points: retour de l'armée dans les casernes, libération des détenus politiques, ouverture d'un dialogue politique entre pouvoir et opposition.

Selon un responsable de l'équipe de l'ONU, Neeraj Singh, onze Casques bleus sont sur le terrain, dont deux basés à Homs (centre), ville symbole de la répression.

Mardi, des combats entre troupes régulières et déserteurs de l'Armée syrienne libre (ASL) ont eu lieu à Sitt Zainab, dans la banlieue sud de Damas, alors qu'à Douma, à 13 km de la capitale, des explosions et des coups de feu ont été entendus, selon l'OSDH. Un civil a été tué à Douma par des éclats d'une grenade lancée par les forces du régime, et un agent de sécurité a péri à Damas, selon l'ONG.

Dans le centre de la capitale, une voiture piégée a explosé à Marjé, faisant trois blessés et des dégâts matériels, selon la télévision syrienne officielle, qui a imputé l'attaque à des "terroristes".

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a jugé "important" que le gouvernement syrien fournisse une "protection totale aux observateurs" et assure leur liberté de mouvement. Le Conseil national syrien (CNS), principale composante de l'opposition, a demandé un déploiement "rapide" des autres observateurs.

"Nous demandons à Kofi Annan d'envoyer rapidement les observateurs internationaux. Nous demandons que certains d'entre eux soient basés dans des zones fixes afin de protéger les agglomérations les plus visées (...), et que d'autres puissent circuler (...) de façon impromptue" dans le pays, a-t-il ajouté. Le CNS accuse par ailleurs les autorités "de se venger de la population en la massacrant après le départ des observateurs, comme cela s'est passé hier à Hama".

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, dont le pays est un allié indéfectible de Damas, a mis en garde lui contre toute tentative de saper le travail de la mission. "J'espère que ceux qui tentent de saper le travail de la mission de l'ONU en Syrie seront incapables de mettre en oeuvre leurs projets", a-t-il dit, sans dire à qui il faisait référence.

L'ambassadrice américaine à l'ONU Susan Rice a indiqué mardi que le gouvernement syrien refusait de recevoir des observateurs de l'ONU originaires de pays membres du groupe des Amis de la Syrie, qui regroupe notamment les Etats-Unis, la France, le Royaume Uni, l'Allemagne, l'Arabie saoudite et le Qatar.

A Damas, les services de sécurité ont arrêté à l'aube le penseur palestinien et militant de la société civile Salameh Kaileh à son domicile, selon l'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni. Les violences en Syrie ont fait au moins 11.100 morts en plus de 13 mois d'une révolte populaire qui s'est peu à peu militarisée face à la répression, et des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées, selon l'OSDH.

Le chef du CNS, Burhan Ghalioun, a dit souhaiter que la réunion de la Ligue arabe prévue jeudi au Caire ouvre la voie à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, sous le chapitre 7, pour contraindre le régime syrien à arrêter la répression. "Ce chapitre de la charte de l'ONU permet d'imposer des mesures à un pays, y compris par la force, "en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression".

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