Le colonialisme ou la ségrégation dans le traitement de l’Histoire

Les crimes coloniaux demeurent oubliés des mémoires.
Les crimes coloniaux demeurent oubliés des mémoires.

A l’occasion du cinquantième anniversaire du cessez-le-feu du 19 Mars 1962, il est nécessaire de répéter que le colonialisme français qui nous a fait la guerre depuis 1830 pour occuper notre pays a rencontré une très longue résistance populaire.

Pendant dix-sept ans, cette résistance a été dirigée principalement par l’Emir Abdelkader. Il a été vaincu par une armée plus forte parce que moderne, renforcée par la trahison de féodaux algériens et marocains. Sa capitulation n’a pas été la fin de la résistance comme le suggère ceux qui ont intitulé la guerre de libération nationale déclenchée le 1er Novembre 1954, "guerre d’Algérie".

Le pouvoir français et ses acolytes parlent d’événements d’Algérie plusieurs décennies après notre indépendance jusqu’au jour où ils ont concocté un concept aussi pernicieux pour brouiller la lutte de ceux qui ont mis fin à ces crimes, à ses spoliations, à son code de l’indigénât, réformé en code des deux collèges qui a donné du "français musulman" ; en fait, une occupation par la force qui a duré plus de cent trente ans, qui effectivement peut s’intituler la guerre d’Algérie, ou guerre de cent trente ans.

Certains affirment que le système colonial n’est pas un crime contre l’Humanité parce simplement, il n'a pas été que criminel et qu’il a permis la construction de ponts de routes, d’immeubles, de chemins de fer… Et la réponse est aussi simple : il les a construit pour ses nouveaux occupants, les colons et non pour les autochtones à qui il n’a cessé de faire la guerre par l’expropriation des terres de leurs ancêtres et l’assassinat, les tentatives de génocides par l’enfumage de tribus entières, son code de l’indigénat… Il est utile de rappeler que la torture des civils dominait le passage des soldats de l’Empire colonial dès le premier jour de l’occupation. Les soldats n’avaient pas attendu les pouvoirs spéciaux de mars 1956 pour sévir sans pitié contre les populations algériennes.

Les USA par exemple étaient ségrégationnistes, racistes, pourtant les noirs qui étaient des champions mondiaux dans le sport, qui utilisaient les moyens des blancs, leurs stades, leurs rings, écoutaient leur grand chanteur à l’image de Harry Belafonte, les noirs une fois émancipés empruntaient la route des blancs, l’outil de travail des blanc et aucune personne de la gauche n’oserait dire que la ségrégation à un côté positif parce que Mohammed Ali a accès aux moyens des blancs, voiture, avion et tutti quanti.

Les esclavagistes utilisaient les esclaves dans tous les lieux y compris dans leurs demeures. Une fois émancipé, ce nouvel homme libre se hisse crescendo au niveau des autres pour jouir des mêmes moyens publics au même titre que ses anciens maîtres, mais cela n’empêche pas d’affirmer que l’esclavagisme est un crime contre l’Humanité et personne de sensé ne dira que l’esclavagisme a un côté positif.

Il est donc urgent aujourd’hui de se poser la question : pourquoi le système colonial n’est pas reconnu comme un crime contre l’Humanité ? Certains jeunes étrangers à force d’entendre "guerre d’Algérie" se pose la question suivante : Pourquoi la guerre d’Algérie ? Si par contre on l’avait juste nommé, la guerre de libération, il ne viendrait pas à l’idée aux jeunes ou aux moins jeunes de se poser la question.

La révolution algérienne déclenchée par Ben Mhidi, Didouche, Boudiaf, Krim et leurs compagnons s’est affaiblie par les coups que lui a porté cette puissance mondiale qu’est la France coloniale. Elle était munie d’une armée de plusieurs centaines de milliers d’hommes super équipés, commandés par un grand stratège qu’est le général de Gaulle, appuyée par l’OTAN et surtout par l’aide de ses auxiliaires, les bachagas, goumiers, des harkis. Ces derniers ont laissé dans la société la trace de leur profonde trahison, cinquante ans après.

Cette trahison que le pouvoir français jusqu’à l’heure actuelle veut masquer, ce n’est pas par hasard que le pouvoir français veut faire croire au monde que les harkis ne sont pas les ennemis de leur peuple dans la guerre de libération,des collabo. Les fils de harkis en général à l’instar de tous les jeunes ne peuvent pas connaître la vraie histoire de leurs parents si on continue à leur faire croire que la colonisation civilise ou continue à surnommer la guerre de libération nationnale du pays natal de leurs ancêtres la guerre d’Algérie.

C’est une ségrégation de l’histoire que de ne pas condamner un mal aussi terrible que l’esclavagisme, l’apartheid, le racisme. Cette ségrégation renforce le néo-colonialisme, et la non condamnation du système colonial comme crime contre l’Humanité est un des facteurs du retour dans le monde actuel à de nouvelles colonisations.

Si le colonialisme français a été vaincu un 19 mars 1962 en Algérie, la décolonisation restait néanmoins inachevée. Il reste la Palestine et c’est parce que le Mouvement de libération nationale n’a pas terminé sa mission que le néo-colonialisme est de retour en force.

Le 19 mars est la victoire des jeunes du 1er Novembre 1954, qui sans autre organisation que leur conviction d’un changement reste un exemple pour tous les peuples qui aujourd’hui se soulèvent contre le néo-colonialisme. Des révolutions qui font face aux auxiliaires de la néo-colonisation et qui reprend l’affirmation de Ben M'hidi : "Mettez la révolution dans la rue et vous la verrez reprise et portée…", à la façon aussi de la grève des huit jours qu’il a initié avec Abane Ramdane et qui a rompu les amarres qui attachaient l’Algérie à la France.

Kouidri Saâdeddine

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